Après le pardon accordé par le chef de l’Etat à Patrice Talon et Olivier Boko, soupçonnés d’être les principaux instigateurs des tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat visant Yayi Boni, beaucoup cherchent à comprendre les motivations réelles de cet acte. C’est qu’entre autres, le président de la République redoute de perdre une autre bataille devant la Cour d’Appel, d’autant que les affaires sont renvoyées devant cette juridiction par la Cour suprême pour statuer à nouveau et uniquement sur la forme.
Deux affaires jamais connues depuis l’avènement de la démocratie éclatent sous la présidence du chef de l’Etat Yayi Boni. La thèse selon laquelle, il s’agissait de complots dont l’objectif est d’éliminer le président de la République du Bénin n’a pas été prouvée jusqu’à présent. Que ce soit l’affaire de tentative d’empoisonnement révélée, le 22 octobre 2012 ou celle concernant le coup d’Etat, agitée à partir de février 2013, elles ont été étudiées par la justice béninoise qui a prononcé des non-lieux non seulement en première instance, c’est-à-dire devant le juge d’instruction, le 17 mai 2013, mais aussi en deuxième instance, à savoir la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Cotonou, le 1er juillet 2013. Dans le même sillage, la justice française statuant sur une requête de l’Etat béninois portant sur l’extradition des principaux mis en cause, Patrice Talon et Olivier Boko exilés à Paris, refuse de donner une suite favorable à cette demande. La Cour d’Appel de Paris s’est prononcée, le 4 décembre 2013. S’inspirant entre autres de ces décisions, certains cercles religieux en l’occurrence le Clergé catholique ont qualifié ces affaires de douteuses. D’autres voix se sont fait entendre pour appeler le chef de l’Etat à abandonner toute poursuite, puisque ces dossiers ont fini par ternir l’image du pays et révéler l’absence de preuves suffisantes pour établir la véracité des faits allégués. Du coup, les accusations du chef de l’Etat étaient perçues comme des éléments fabriqués et dénués de tout fondement. Pour la justice, il est hors de question de maintenir les citoyens arrêtés dans les liens de la détention préventive et par les mêmes motifs, elle indique qu’on doit stopper les poursuites en cours. Alors que jusque-là, on accusait Patrice Talon d’être l’instigateur, la situation tournait pourtant en sa faveur. Aujourd’hui, la provenance des accusations semble avoir pris le chemin inverse et visiblement, la thèse de complot contre l’homme Yayi Boni est tombée. De plus en plus, la thèse selon laquelle c’est un complot contre l’homme d’affaires, prenait forme et s’imposait malgré le cocktail de mensonges, de manœuvres et de montages enchevêtré pour lui faire la peau. La récente décision (02 mai 2014) de la Chambre judiciaire de la Cour suprême qui casse les non-lieux en la forme impose que l’affaire soit renvoyée devant la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel autrement constituée. Mais, on est encore à mille lieues de s’attendre à un verdict qui n’a rien à voir avec les décisions déjà rendues en 1ère et 2ème instance.
La peur de perdre une nouvelle bataille
Après les revers successifs qu’a connus Yayi Boni, cette dernière décision intervenue lui a juste donné un peu de souffle, lui qui a déjà perdu la face dans ces affaires durant toute l’année 2013, tente de sauver les meubles en 2014. En accordant le pardon à Patrice Talon et Olivier Boko, il se désarme lui-même, car à force de s’investir dans une guerre dans laquelle l’on a essuyé beaucoup d’échecs, il vaut mieux déposer les armes sinon, les pertes seront plus nombreuses. Voyant sans doute venir un autre échec à travers un nouveau jugement des affaires par la Cour d’Appel composée de magistrats autres que ceux qui ont rendu la décision annulée, Yayi Boni a devancé les faits pour ne pas perdre à nouveau la face. Car selon de nombreux professionnels avérés de droit, lorsqu’une décision de cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond de l’affaire, mais qu’il est question d’appliquer directement la règle de droit appropriée, la décision issue de ce nouveau jugement n’est pas totalement contraire aux décisions précédentes. On se retrouvera dans ce schéma, car la décision d’annulation des non-lieux n’indique pas que, les faits tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond ne sont pas justes. Cela veut dire que, que ce soit, le juge d’instruction ou les juges de la Cour d’appel, les faits qu’ils ont observés et étudiés ne peuvent que déboucher sur de non-lieux. En clair, il s’agira de statuer désormais sur la forme. Ce que Yayi Boni a vite comprit et ne compte pas attendre cette ultime décision qui devra clôturer ce feuilleton judiciaire avec ces épisodes successifs qui n’ont fait que blanchir Patrice Talon et les autres. Tous ceux-ci apparaissent désormais comme des victimes d’un complot. Cette hypothèse reste de mise quand on sait que sur toute la ligne, aucune juridiction n’a pu prouver que le complot provenait de Patrice Talon et visait réellement Yayi Boni. C’est pourquoi, beaucoup pensent aujourd’hui le contraire. Or quand on y voit de près les raisons qui fondent cette thèse, on ne peut pas s’empêcher de la soutenir. Les deux affaires surgissent à un moment où le débat sur la révision de la Constitution est devenu une question de vie et de mort pour le président de la République. Ces affaires ont éclaté, quand, d’après les informations dont on disposait, le principal accusé Patrice Talon aurait refusé de soutenir son ami Yayi Boni dans cette nouvelle entreprise de modification de la loi fondamentale du pays. Le chef de l’Etat étant conscient que sans le concours de son ami, tout espoir de réviser la constitution pour se maintenir dans le fauteuil présidentiel après 2016 est illusoire, il l’a transformé en son ennemi n°-1. Patrice Talon était devenu l’homme à abattre avant de réussir à convaincre les députés afin qu’ils votent pour la révision de la Constitution. Faudra-t-il rappeler le rôle joué par l’homme d’affaires dans la vie politique de Yayi Boni ? Secret de polichinelle, c’est Patrice Talon qui a mis sa fortune pour son arrivée au pouvoir en 2006 et sa réélection en 2011. Il vaut mieux l’avoir avec soi. Mais jamais contre soi. Alors, les appels à la réconciliation de François Hollande et les bons offices de Abdou Diouf par le biais de Hugo Sada n’étaient donc que des concours de circonstance dont s’est vite saisi Yayi Boni pour se tirer d’affaire.