Mon confrère François Yovo arrêté puis jeté en prison. Un journaliste sans défense, directement conduit en prison, menottes au point, un jour de repos, le samedi 17 mai 2014, en plein processus de vote pour la désignation des professionnels des médias devant siéger à la prochaine mandature de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), devant ses confrères impuissants.
Toute la science policière exécutée avec méthode, conscience et maestria. Cette fois-ci la filature a fonctionné à merveille.
La police a rendu un grand service à la nation béninoise et à sa démocratie en retirant du circuit un écrivaillon qui aurait osé égratigner le Directeur général de la SONAPRA. Il paraît qu’il a récidivé après une première condamnation par défaut et que la prison était le seul moyen de le punir.
En pleine période de pardon pour des crimes présumés d’empoisonnement du chef de l’Etat et de coup d’Etat. Le jeune François Yovo serait encore en liberté s’il avait été de nationalité togolaise.
Là-bas, juste à côté du prétendu berceau de la démocratie, il n’existe plus de peine privative de liberté en matière de délit de presse. Ironie du sort, c’est l’inventeur de la conférence nationale qui continue, dans la sous région, à envoyer ses journalistes en prison. Chiche !
La police nationale s’illustre une nouvelle fois par sa légendaire dextérité. Une énième après le grabuge sanglant à l’occasion de la marche des travailleurs le 27 décembre 2013. Ce jour de passage à tabac des responsables syndicaux qui a valu a tout le pays des grèves sauvages dont le pays panse encore les plaies plusieurs mois plus tard.
C’est au tour d’un écrivaillon de subir les affres de cette police très en verve à chaque fois qu’il est question de réprimer les empêcheurs de jouir en toute quiétude sur le dos de la République. Une dextérité très souvent inefficace héla face à la pègre locale, au grand banditisme et à l’insécurité notoire dans les cités.
Voir un chef de gang se faire filer, traquer et cueillir de la sorte, telle une mangue mûre participe de l’impossible pour la police béninoise. A moins que ce ne soit le petit journaliste.
C’est, peut-être, quelques mois d’embastillement pour l’écrivaillon mais des années d’opprobre pour le Bénin entier.
L’emprisonnement d’un journaliste même sur décision de justice vaut automatiquement pour le Bénin des points en moins dans les classements de RSF voire d’Amnesty international. Par conséquent, des arguments en moins pour attirer des investisseurs et même des partenaires au développement. Autrement dit, le séjour du petit Yovo à la prison civile de Cotonou se paierait en plusieurs dizaines de millions.
De quoi contribuer à équiper les agents en uniforme et leur éviter de se faire tirer comme des lapins par le premier braqueur venu. Sans oublier l’amélioration de leurs conditions de vie capable de les affranchir de la mendicité vis-à-vis des usagers des routes.
Mais la plus grande infamie pour notre confrère c’est de se rendre à l’évidence de sa situation professionnelle lamentable. Il fait partie de cette génération de journalistes sacrifiés sur l’autel des intérêts de la secte qui régente la profession notamment dans le secteur privé.
Sans salaire pour la plupart, sans protection sociale, sans immatriculation, sans retraite, sans plan de carrière. Ils ne peuvent même pas se prévaloir d’un statut meilleur que celui des vendeurs à la sauvette des feux tricolores et des marchés Dantokpa, Gbègo, Gbogbanou et Ganhi.
Leur vécu tient aux caprices de deux associations loi 1901 aux pouvoirs illimités, nourries à une rente considérable de près de 350 millions du budget national chaque année, sous le générique de "aide l’Etat à la presse privée". Une secte occupée d’ailleurs à sabler le champagne au moment où notre confrère se faisait conduire au bagne. Juste pour un article de presse.