La mort de l’agent de police, le Gardien de paix de 2ème classe Sergio Dènon dans le dernier braquage perpétré il y a quelques jours dans une agence de la Clcam à Mènontin a fait partir le Syndicat des travailleurs de la police du Bénin (Syntra-Police) de son mutisme.
Plus précisément, le Secrétaire général de l’organisation syndicale, l’Inspecteur de police Waïdi Akodjènou, déplore cette énième perte dans leur rang alors que le Syntra-Police n’a de cesse d’attirer l’attention des autorités gouvernementales sur la fragilité de la sécurité des agents de police appelés à assurer la sécurité des populations et de leurs biens.
Dans un réquisitoire, l’Inspecteur Waïdi Akodjènou dénonce la négligence dont ses collègues et lui font l’objet de la part non seulement du gouvernement, mais aussi des politiques.
A en croire ses propos, de meilleures conditions de travail avec des équipements adéquats permettraient aux éléments de la police de mieux exercer leur métier sans tomber banalement sous les armes des hommes sans foi ni loi.
Il n’a pas manqué dans cette déclaration de déplorer ce qu’il a appelé ‘’la démission des politiques’’ face au Projet de loi portant statut des agents de la police qui peine à être voté par le Parlement pour permettre à leur carrière d’être sécurisée.
(Lire ci-dessous un extrait de la déclaration de l’inspecteur Waïdi Akodjènou)
Déclaration du Secrétaire général du Syntra-Police suite à la mort d’un policier pendant le braquage d’une agence de la Clcam à Cotonou
« …Nous avons pris l’engagement de servir, mais nous n’avons pas pris l’engagement d’être des chairs à canon… »
« …Ils ont été informés qu’à la Clcam de Mènontin à Cotonou, il y a une situation et assez de monde avec des crépitements de balles. C’est ainsi qu’en toute responsabilité, notre camarade feu Dènon, a pris soin d’abord d’aviser sa base de la situation en prenant sur lui la responsabilité, comme il convient à tout agent conscient de le faire, d’aller avec un collègue sur le lieu avec sa moto, précédant ainsi les équipes d’intervention qui devaient venir. Il a lutté. Il a même atteint l’un des les assaillants.
Malheureusement pour lui-même, il a dû y laisser sa vie en défendant la République. Je disais tantôt qu’il s’est porté sur le lieu avec sa moto. Ça en dit long sur les conditions dans lesquelles nous travaillons, les conditions dans lesquelles nous servons la République. Même si on n’a pas la chance d’aller dans d’autres pays, nous regardons au moins des films dans lesquels les policiers interviennent. Nous voyons les équipements qu’ils ont.
Est-ce que les Béninois ont l’impression que leur police est suffisamment équipée ? Aux Béninois d’apprécier. Il ne suffit pas de dire que le Bénin est un pays de paix. La paix ne se décrète pas. Comme l’a dit l’ancien président Ivoirien, la paix est un comportement.
En matière de sécurité, il y a un prix à payer. Depuis un certain temps, j’ai pris sur moi la responsabilité de dire un certain nombre de choses. Mais j’ai l’impression qu’il n’y a personne pour nous entendre. Il est mort lui en défendant la République.
Imaginez-vous qu’il ne s’était pas porté sur le lieu du braquage. Je suis sûr qu’on aurait dit qu’il faut une commission d’enquête et au final 20 jours d’arrêt de rigueur à son encontre, qu’il faut le radier, qu’il faut l’enfermer (…) Voilà des gens qui s’installent n’importe où, sans aucune règle de sécurité.
En tout cas, pour beaucoup d’entre eux et personne ne dit rien. La fois dernière, j’étais à une séance de travail avec le Préfet des départements de l’Ouémé et du Plateau qui a sorti une phrase qui dit ‘’la République n’est pas une forêt’’.
Dans une République, on ne se lève pas pour mettre les institutions financières comme on veut, et là où on veut sans prendre un minimum de mesures de sécurité. Si l’agence Clcam en question était gardée par des hommes en armes, est ce que la situation aurait été ainsi ? (…) C’est dommage que ceux qui meurent pour la République, meurent banalement.
D’ici deux à trois jours, on va tourner la page et d’autres personnes vont continuer à mourir en servant la République, en défendant le drapeau national. Nous allons continuer à enterrer nos morts dans le silence et dans l’indifférence de la République. C’est dommage pour notre pays.
Nous avons pris l’engagement de servir, mais nous n’avons pas pris l’engagement d’être des chairs à canon (…) Je veux saisir cette occasion pour rappeler que c’est à son domicile que le Commissaire Tossou, ancien Chef Brigade anti-criminalité Cotonou a été assassiné.
Tout le monde a eu le temps d’oublier. Mais sa famille en souffre. Il est mort pour la République. L’inspecteur Koundé “est tombé dans Cotonou“.
Il a certainement des enfants. Qui pense à eux ? Le camarade qui, défendant la Financial Bank à Akpakpa a trouvé la mort, il a des enfants. Qui s’en occupe ? Cocou Gaudens est tombé en mission. La liste est longue. Qui pense à eux ? Je voudrais dire ceci aux camarades policiers, où qu’ils soient en ce moment.
Faisons notre deuil dans la réflexion. Peut-être qu’un jour, Dieu se souviendra de nous parce que je ne fais plus confiance à personne. On a tellement crié et les politiques n’ont pas le temps pour nous. Ça fait dix ans qu’on parle du statut des agents de la police. C’est allé à l’Assemblée nationale, mais ils ont retourné les textes à l’Etat major général. Ça fait deux ans qu’on attend. Je ne crois plus en rien… »