C’est l’épilogue d’un feuilleton policier qui a tenu en haleine tous les Béninois... Il y a 18 mois, le président Yayi Boni accusait l’homme d’affaires Patrice Talon d’avoir voulu l’empoisonner. Aujourd’hui, il lui accorde son pardon. Pourquoi cette décision ? Qui sont les messieurs bons offices ? Komi Koutché est le ministre béninois de la Communication. En ligne de Cotonou, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Pourquoi ce pardon après dix-huit mois de violente polémique ?
Komi Koutché : Ce pardon, simplement parce que le président de la République, le docteur Boni Yayi, est le père de la nation. C’est un feuilleton qui dure depuis dix-huit mois, dans un processus judiciaire engagé par le chef de l’Etat lui-même qui est la principale victime de cette affaire.
Et donc ce qui est recherché à travers le processus judiciaire, c’est une médiation de haute facture avec de grandes personnalités de notre planète, donc le président Français Hollande François, le président Abdou Diouf, actuel patron de la Francophonie et son émissaire monsieur Hugo Sada, sans oublier le ministre d’Etat français Laurent Fabius. Cette médiation lui a permis d’avoir la vérité.
La vérité à travers le message de notre cher compatriote, dont je tiens à saluer ici l’humilité retrouvée. Patrice Talon, qui dans son message transmis au président Boni Yayi par le président Abdou Diouf, le médiateur, regrette sincèrement et profondément le fait qu’il ait pu nuire d’une manière ou d’une autre au président de la République dans sa tentative de défense des intérêts. Il a regretté également dans le même message l’activisme politique qui a été le sien durant cette situation et s’engage à y mettre fin.
Alors Patrice Talon regrette en effet des comportements qui auraient pu nuire au président, mais seulement après qu’il eut été accusé d’empoisonnement. Il ne reconnaît pas avoir tenté d’empoisonner le chef de l’Etat. Est-ce que ses regrets sont suffisants à vos yeux ?
Ils sont suffisants. Le contenu du message est clair. Il affirme clairement qu’il regrette d’avoir pu nuire d’une manière ou d’une autre au président de la République dans sa tentative de défense de ses intérêts.
Dans l’affaire d’empoisonnement elle-même, Patrice Talon plaide non coupable. Le fait qu’aujourd’hui le président lui accorde son pardon, cela signifie qu’il estime que cette tentative d’empoisonnement n’est pas prouvée ?
Je voudrais simplement vous dire que ce n’est plus le moment de rentrer dans le fond du dossier. Ce qui est important pour le chef de l’Etat, c’est le fait que notre compatriote ait pu exprimer son regret. Comme je vous le disais tantôt, c’est un pardon total. Et à l’heure où je vous parle, je suis le ministre intérimaire de la Justice, le titulaire étant absent, je peux vous dire que j’ai donné les instructions tout à l’heure.
J’ai signifié au procureur que nous n’avons plus d’intérêt à poursuivre l’affaire. Il revient à ce dernier donc de formuler son réquisitoire, aux fins vraiment de constituer l’annulation d’accusation demandée par l’arrêt de la Cour suprême, pour que devant cette chambre d’accusation, le procureur général abandonne la poursuite et que les avocats de la partie civile se désistent. Ce qui sera sanctionné par la mise en liberté de tous ceux qui sont impliqués dans cette affaire-là.
J’ai demandé que la diligence soit faite pour que cette nouvelle cour soit rapidement constituée, afin que ce compatriote revienne rapidement parmi nous, traduisant ainsi de façon concrète la mise en œuvre du pardon apporté par le chef de l’Etat.
Dans l’affaire d’empoisonnement, trois personnes ont été arrêtées en octobre 2012. Quand vont-elles être libérées ?
Si leur libération dépendait du chef de l’Etat, ils auraient pu être déjà en liberté dans leurs familles depuis hier. Mais comme je viens de vous le dire, le processus judiciaire est en cours. Et je vous affirme que j’ai demandé d’accélérer la procédure pour que dans les plus brefs délais cette chambre d’accusation soit constituée, afin que dans les tout prochains jours ces compatriotes se retrouvent parmi nous.
Deux autres personnes ont été arrêtées en février 2013 pour tentative présumée d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Qu’en est-il pour ces deux personnes ?
Le pardon du chef de l’Etat concerne ces deux affaires-là. La procédure que je viens de vous décrire pour la mise en liberté des concernés s’applique à ces deux affaires.
Et une fois l’affaire classée, est-ce que Patrice Talon pourra rentrer librement au Bénin, voire être reçu par le chef de l’Etat ?
Absolument, le chef de l’Etat est prêt à le recevoir le même jour, s’il le désire.
A la longue, cette affaire a nui à l’image du Bénin à l’étranger. Est-ce que c’est la raison pour laquelle vous avez décidé de tourner la page ?
Nous avons décidé de tourner la page parce que nous avons atteint l’objectif qui était visé de la recherche de la vérité. C’est une affaire qui a fait beaucoup de mal à notre pays. Mais que voulez-vous... Ce sont des choses qui arrivent dans la vie de tout pays. Aujourd’hui, il faut classer l’affaire, la conjuguer au passé et pour que tous les Béninois se donnent la main pour construire leur pays.
Le 17 juin, une Table ronde se réunira à la Banque mondiale à Paris avec les bailleurs de fonds du Bénin. Avez-vous peut-être pris cette mesure d’apaisement pour optimiser les chances de réussite de cette Table ronde ?
Les deux événements n’ont pas de lien. Donc, nous organisons notre Table ronde et nous sommes résolument engagés pour que les objectifs à moyen et long terme que nous définissons pour notre pays soient une réalité.
Oui, mais cette affaire a quand même nui à l’image du Bénin. Est-ce qu’en tournant la page aujourd’hui vous ne rassurez pas le milieu des affaires ?
Bien entendu, ça permet de renforcer l’image du Bénin à l’extérieur. Et si ça peut apporter un plus, c’est tant mieux. Fondamentalement, ce ne sont pas des événements qui ont un lien évident.