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Autopsie des Africains morts-vivants
Publié le mercredi 21 mai 2014   |  24 heures au Bénin




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Les Béninois, producteurs de leurs propres malheurs, cultivent aussi la sagesse de ne pas regarder le malheur des autres. Nul ne devait donc s’attendre à les voir s’émouvoir du satanisme de Boko-Haram au Nigeria voisin, dont le seul intérêt est son pétrole. Qu’une secte, haineuse et violente, kidnappe là-bas plus de deux cents lycéennes, ce n’est vraiment pas une affaire ici.

En quoi imams, évêques, pasteurs, prêtres vaudous, leaders d’opinion et tutti quanti béninois peuvent-ils être concernés quand une secte nigériane veut vendre des petites filles nigérianes, les marier de force ou les échanger contre des malfrats ? Pourquoi se mettrait-on ici pour cela martel en tête dans nos églises, nos couvents, nos forums ? Il ne faut pas exagérer. Que chacun balaye l’intérieur de sa case, et le monde sera bien géré.


​L’ensemble de l’Afrique partage la bonne vieille sagesse béninoise du quant-à-soi strict pour la paix et la tranquillité individuelles. La télé a montré ceux qui protestent contre ce que Boko_Haram veut faire des petites filles enlevées à Chibok.

Ils portent tous la même pancarte avec l’inscription ‘‘rendez-nous nos filles’’. Tu parles ! Tout le monde a reconnu l’adolescente Malala du Pakistan, que les talibans ont tenté de tuer pour qu’elle n’aille plus à l’école. On a reconnu aussi Michelle Obama des Etats-Unis, Christiane Taubira de la Guyane française et un gaillard noir, peut-être un Antillais qui vend ses muscles sur les terrains de football, un probable descendant d’esclaves, comme Michelle Obama et Christiane Taubira.

C’est que les Noirs, descendants d’esclaves, ont la protestation dans le sang. Quand nos ancêtres ont vendu les leurs, les vendus ont protesté tout le temps contre les chaînes avant d’aller mourir en mer ou d’échouer comme bêtes de somme en Europe ou en Amérique. Les vendeurs étaient imperturbables, tranquilles et en paix.

Et ils ont fait des petits. Les descendants des non-vendus ont hérité de l’absence d’émotion de leurs ancêtres vendeurs.
De toute façon, lycéens et lycéennes du Bénin ne pouvaient pas se joindre à la pakistanaise Malala. Ils ne la connaissent pas. ‘‘Et qu’elle soit heureuse en tout cas d’avoir échappé là-bas à ses compatriotes talibans. Nous ne sommes pas sûrs d’échapper ici à nos compatriotes syndicalistes.

A cause d’eux, notre année scolaire sera blanche ou bâclée.’’ Culture du malheur ! Quant aux premières dames et ministresses africaines, elles ne peuvent pas se joindre à Michelle Obama et à Christiane Taubira derrière les mamans nigérianes hurlant ‘‘Bring back our girls !’’ Elles ont trop à faire pour le paraître en pagnes, cheveux, ongles, souliers et tout le reste. Non, vraiment, qu’on les laisse tranquilles et en paix, nos premières dames et ministresses !

Cette affaire de lycéennes enlevées ne les regarde pas.
​Cette affaire ne regarde personne car, à l’intérieur de la plupart des maisons, surtout dans nos villes, se trouve une petite fille, plus ou moins adolescente, vouée à la maltraitance. Première levée, dernière couchée, sur une demi-natte usée jetée à même le sol au salon, plutôt à la cuisine.

Elle fait toutes les tâches pour le plaisir des adultes. Et s’agissant de plaisir, elle est parfois forcée comme la soldatesque droguée force les petites filles dans les maquis, alors même que dans nos maisons ce n’est ni le maquis ni la guerre.

Mais qui va sauver les petites filles qu’on force en tout temps dans nos maisons ? Nos dames attifées qui défendent à la télé les droits des femmes ? Tu parles ! Elles ont trop à faire pour leur toilette.
​Et qu’on laisse tous les Africains tranquilles avec cette affaire de lycéennes enlevées à Chibok au Nigeria, et qui sont à vendre, à forcer ou à troquer.

On veut bien qu’elles aillent à l’école. Le reste, bof ! On est pour la paix et la tranquillité, c’est tout. Et l’on n’admet pas que ce chroniqueur, sermonneur à ses heures, veuille nous autopsier comme si nous étions des cadavres ou des morts-vivants. Nous disons haut et fort que nous sommes des vivants et non des morts ! Nous croyons en Dieu. Nous savons qu’Il retrouvera les lycéennes enlevées.



(Par Roger Gbégnonvi)

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