Les députés ont voté lundi dernier la loi portant prorogation du mandat des conseillers communaux et municipaux. Cette loi votée suscite déjà des réactions aussi bien dans le rang de certains députés, qui ont des avis contradictoires, que dans le rang des citoyens. C'est le cas du Constitutionnaliste et Professeur de droit public à l'Université d'Abomey-Calavi, Frédéric Joël Aivo qui vient d'interpeller le gouvernement au sujet du vote de ladite loi qu'il considère comme une faute politique grave et un mauvais signal pour la démocratie locale.
A peine votée, la loi No 2013-17 portant dispositions transitoires à l'article 86 de la loi No 2007-28 du 23 novembre 2007 fait l'objet de critiques. En dépit de l'opinion de certains députés de l'opposition et de la majorité parlementaire, des professionnels de droit tel l'universitaire Frédéric Joël Aivo donnent de la voix. Selon Joël Aivo, une telle loi est une faute politique grave qui installe la démocratie béninoise dans une incertitude caractérisée. Car les députés n'ont pas fixé un terme au mandat des conseillers communaux et municipaux ainsi que ceux des conseils de village ou de quartiers de ville. Même les amendements de certains députés de la majorité parlementaire qui voulaient que des garde-fous soient prévus pour les maires pendant cette période transitoire afin qu'ils ne dérapent, n'ont pas été pris en compte. Selon l'Agrégé des facultés de droit, en procédant ainsi, les députés ouvrent la voie à toutes les possibilités. Ce faisant, les conseils communaux et municipaux actuels peuvent continuer leur mandat jusqu'en 2014, 2015 voire même 2016. Cela est d'autant plus vrai que dans son message sur l'état de la Nation en décembre dernier, le Chef de l'Etat, Boni Yayi déclarait à la face du monde que les élections municipales, communales et locales auront lieu à bonne date. Il n'a pas encore dit le contraire qu'un de ses ouailles à l'Assemblée nationale s'est empressé d'initier une proposition de loi que ses autres collègues ont adopté, au motif que c'est pour éviter le vide juridique qui s'annonce avec le report des communales. On peut bien se demander ce que cache cet empressement.
C'est d'ailleurs en cela que les deux observations faites par le Professeur Joël Aivo sont assez pertinentes. Primo, il fait observer que la loi votée est une proposition de loi portée par un député qui n'est pas au gouvernement donc n'a pas la prérogative ni la responsabilité de pouvoir décider de proroger le mandat des maires. Dans le cas d'espèce, poursuit-il, c'est le rôle du ministre en charge de la gestion des collectivités locales, de la Décentralisation. Ensuite, il dénonce le silence assourdissant du gouvernement en commençant par son chef qui ne dit rien, pareil pour les ministres de la Décentralisation et des Relations avec les Institutions. Bref, il n'a jamais été dit nulle part que le gouvernement ne pourra pas organiser les élections communales et municipales en raison de ce que la loi électorale n'est pas prête ou que la Lépi n'est pas prête. Mais, voici que d'aucuns pensent que le retard accusé dans la mise en œuvre des opérations de correction, d'actualisation et de mise à jour du fichier électoral est préjudiciable aux élections communales et municipales. D'où la prorogation sans limite des mandats des conseils communaux et municipaux, le temps que la Lépi soit corrigée.
Contre le peuple
A analyser de près, on a comme l'impression qu'un complot se prépare contre le peuple béninois. Sinon, comment comprendre qu'au lendemain du vote de la loi portant prorogation du mandat des conseils communaux et municipaux à l'Assemblée nationale, un membre de la mouvance présidentielle monte au créneau pour dire qu'il faut ouvrir un dialogue politique sur le regroupement des élections en 2016. A quoi veut-on préparer l'opinion publique ? Le couplage de toutes les élections ? Les députés ont-ils refusé de fixer un délai pour la prorogation du mandat des maires à dessein ? Toutefois, le vote de la loi portant prorogation du mandat des maires est, sans débat, un recul démocratique pour le Bénin. Espérons en tout cas que le gouvernement et surtout le Chef de l'Etat prennent leur responsabilité.