Nos sources sont formelles. Mieux, elles sont persistantes. Chargé de conduire l’intermédiation pour réconcilier le président béninois Yayi Boni et son ami d’hier, Patrice Talon, le Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif), Abdou Diouf se retire à mi-parcours du processus.
On en sait un peu plus, voire avec précision sur les raisons qui ont poussé l’ancien président du Sénégal et véritable bibliothèque de l’Afrique à renoncer à ses missions de bons offices à l’endroit des deux hommes.
A quel prix le Secrétaire général de l’Oif, Abdou Diouf appuyé par le président français François Hollande et le ministre des Affaires étrangères de la France Laurent Fabius a-t-il accepté d’offrir ses bons offices à Yayi Boni et Patrice Talon ? Ou encore : que cache le pardon du président béninois ? Alors que ces interrogations n’ont pas encore eu de réponse, nos sources informent que le médiateur dans le processus de réconciliation entre les deux hommes a démissionné.
Il préfère que Laurent Fabius poursuive la mission. Et pour cause : la démarche de Yayi Boni en déclarant qu’il pardonne à Patrice Talon et Olivier Boko accusés d’être à l’origine des présumées tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat a profondément écorné l’image du Président Abdou Diouf et des autorités françaises. En renonçant à mi-parcours à sa mission d’intermédiation, l’ancien président sénégalais qu’on ne présente plus a voulu signifier son désaccord à Yayi Boni dans sa gestion de ce dossier.
Il l’a signifié à François Hollande tout aussi impliqué dans l’intermédiation. La principale raison de ce revirement est connue : le secrétaire général de l’Oif ne se retrouve pas dans le discours et les agissements de Yayi Boni au sujet de cette réconciliation. S’il est vrai que les négociations sont en cours pour tourner les pages noires intervenues entre Talon et Yayi, il est par contre faux de faire croire que l’homme d’affaires a reconnu les faits d’association de malfaiteurs pour tuer le chef de l’Etat par empoisonnement, d’une part et d’atteinte à la sûreté de l’Etat, d’autre part.
De la manipulation
En clair, on reproche à Yayi Boni sa propension à la désinformation et à la manipulation dans la gestion de cette réconciliation. Les déclarations du président béninois montrant que son « ennemi n°1 » a fait des aveux à Abdou Diouf et aux autorités françaises ont mis à mal tout ce gratin de personnalités. Elles ont accueilli le discours du n°1 béninois comme un acte de trahison.
Yayi Boni n’a jamais fait part au médiateur de ses intentions d’agir ainsi alors que les discussions sont toujours en cours pour déterminer la formule à suivre. Devenu depuis lors, le mot le plus médiatisé au Bénin, le pardon de Yayi Boni dans les présumées affaires d’empoisonnement et de coup d’Etat, a été précipité, a déploré Abdou Diouf.
De plus, l’accord donné par Patrice Talon d’accepter le remariage avec son ami d’hier, qui en a demandé a été obtenu par le médiateur au prix d’une entente qui doit restée secrète jusqu’au dernier acte à travers lequel toutes les parties se retrouveront. Mais, il n’était pas question que Cotonou s’en serve comme il s’emploie à le faire, utilisant à son profit des prétendus aveux de l’homme d’affaires.
Car le discours de pardon repris par une meute des coursiers du régime et des ministres de Yayi Boni est accompagné de marches et de prières de remerciement au nom du chef de l’Etat, présenté comme une victime qui a su pardonner. Tout cela est parvenu à Abdou Diouf qui en a exprimé son amertume. Pour l’ancien président sénégalais, cette attitude de Yayi Boni viole le principe sacro-saint du respect de la parole donnée. Si la parole donnée n’est pas chose sacrée chez le président béninois, ce n’est pas le cas avec le Secrétaire général de l’Oif. La démission de ce dernier en dit long.
Yayi Boni est un chef d’Etat qui couvre de honte les Béninois. Ce cliché qu’on a de lui ne s’effacera plus. Et cela n’est plus une surprise dans son mode de fonctionnement. Son dernier chef-d’œuvre en est un exemple palpable. Sa déclaration de pardon à l’endroit de Patrice Talon, de Olivier Boko et consorts et tout le spectacle qui en est suivi relève du délire. C’est pourquoi Abdou Diouf refuse qu’on l’y associe.
Grand homme d’Etat, il a continué à bâtir sa notoriété et sa réputation de grand démocrate, en donnant une bonne leçon de démocratie, à toute l’Afrique, quand il a reconnu sa défaite après les élections présidentielles, face à Abdoulaye Wade qu’il a félicité publiquement. Son influence sur le continent fait de lui, la deuxième personnalité la plus respectée, après Nelson Mandela.
Entre Yayi Boni et lui, il n’y a aucune ressemblance. Le président béninois apparaît de plus en plus comme celui qui a voulu faire du mal à l’autre, même jusqu’à cette étape où il prône la réconciliation.
Car son discours de pardon est digne d’un cynisme à nulle autre pareille. C’est du cynisme qu’il s’agit dans ces deux affaires avec des mises en scène qui se ressemblent. Il y a eu d’abord toute une mise en scène orchestrée par les « esclaves » du chef de l’Etat béninois pour déboulonner un seul homme : Patrice Talon.
Mué par la méchanceté animale de nuire, son régime a ourdi tous les complots pour parvenir à sa fin. Et bien, après avoir semé le doute dans les esprits, tout semble s’écrouler aujourd’hui comme un château de cartes aux yeux du monde entier. Face à ces dossiers où très peu de Béninois y croyaient, Yayi Boni renforce le pessimisme de l’opinion. La Communauté internationale a fini par comprendre le canular.