Les chefs traditionnels de la région septentrional du Bénin se sont engagés à oeuvrer à l’éradication de l’infanticide rituel, indique un document du bureau de l’UNICEF à Cotonou, dont l’Agence Xinhua a obtenu copie samedi.
"Pour la première fois au Bénin, les chefs traditionnels s’engagent pour arrêter une pratique millénaire, l’infanticide rituel", indique le document.
Selon ce document, le Médiateur de la République et les pères franciscains, appuyés par l’UNICEF, ont organisé récemment à Nikki (environ 500 km au Nord de Cotonou), un forum sur l’infanticide rituel. Ce forum, précise la même source, a enregistré le témoignage de M. Farouk Kissira, "enfant dit sorcier"."J’ai échappé aux gardiens de la tradition et réussi dans la vie, sans causer de malheur à ma famille", a-t-il déclaré.
Ainsi, souligne la même source, dans le message du grand roi des Baatonou, délivré en présence du maire de Nikki et des rois venus de 16 communes où sévit la pratique de l’infanticide rituel dans le nord-Bénin, le représentant du roi de Nikki, a mis "un accent particulier sur l’importance de la protection de tous les enfants et la promotion de leurs droits".
Par ailleurs, "le représentant du roi de Nikki, les chefs traditionnels, les autorités à divers niveaux et les organisations non gouvernementales, se sont engagés à oeuvrer à l’éradication de l’infanticide rituel", indique le même document.
Plusieurs sources concordantes, orales comme écrites, tentent d’expliquer les causes de l’infanticide rituel au Bénin. Mais la cause principale prédominante qu’on retrouve dans toutes les coutumes béninoises, du nord au sud, est incontestablement celle des malformations congénitales, notamment les cas d’imperforation anale, de fistule ano-vaginale, d’hydrocéphalie, de spina bifida, de bec de lièvre avec ou sans palatine, de cécité congénitale, d’absence totale ou partielle d’un membre de l’enfant à la naissance.
Selon le professeur Léon Bio Bigou, enseignant chercheur à l’Université d’Abomey Calavi du Bénin, au-delà de ces causes générales, il existe d’autres causes particulières propres à certains groupes socioculturels.
"En milieu Baatonou et chez d’autres peuples de la région septentrionale du Bénin partageant certains traits culturels communs avec les Baatombu, il existe d’autres critères d’élimination physique des enfants", a-t-il expliqué.
A cet effet, les enfants nés prématurément, surtout autour du huitième mois, tout nouveau-né qui présente à sa naissance la face contre la terre, ceux qui ne crient pas à la naissance, tout enfant qui naît avec une queue et ceux qui sortent du sein maternel par les pieds sont considérés comme enfants anormaux, a-t-il poursuivi.
"Même si l’enfant passe normalement ces étapes, il connaîtra le même sort qu’un enfant anormal s’il commence la première dentition par la mâchoire supérieure", a-t-il ajouté.
"Tout enfant présentant l’un de ces signes était d’office qualifié d’enfant sorcier. C’est un signe de mauvais augure. Et pour l’un ou l’autre de ces critères, il était liquiddé", a-t-il déploré.
Pour le sociologue-anthropologue de l’Université d’Abomey-Calavi du Bénin, le professeur Albert Tingbé Azalou, l’infanticide rituel est pratiquée dans un souci de préservation de la paix, de la quiétude fondée sur la superstition.
"Des informations recueillies après des années de recherches auprès d’une centaine de personnes censées reconnues pour cette pratique me répondent que le bébé-sorcier apporte toujours le malheur avec lui. Dès sa naissance, voici que la grand-maman meurt. Ensuite, c’est un oncle qui tombe d’un arbre et se fracture la jambe. Presque le même jour, c’est le père de l’enfant qui se fait piquer par un serpent en revenant du champ. Tous ces accidents sont attribués à celui qui vient de faire son entrée dans la famille. La cause de tant de malheurs ne peut être que le nouveau-né, le bébé sorcier. Ce n’est pas un être normal", a-t-il révélé.