Le processus de désignation des membres de la Commission électorale nationale électorale (CENA) permanente, entamé la semaine dernière, coince à propos de la désignation du représentant des magistrats. Une situation due à la loi elle-même et qui appelle à une solution diligente. Comment sortir de l’impasse ?
La loi confère à l’Union nationale des magistrats du Bénin (UNAMAB), la prérogative de proposer trois des leurs, parmi lesquels l’Assemblée nationale élira un pour siéger avec les quatre autres directement désignés par elle. Très tôt, l’UNAMAB s’est acquittée de ce devoir en envoyant à l’Assemblée nationale les noms de Jean-Baptiste Aloukpè, Geneviève Boko Nadjo et Claire Houngan Ayémonna. C’est donc parmi ceux-ci que l’Assemblée nationale devrait retenir un. Mais, après avoir procédé à la désignation de leurs propres représentants en les personnes de Basile Fassinou, Freddy Houngbédji, Moïse Bossou et Emmanuel Tiando, le processus n’a pu se poursuivre mardi 20 mai dernier. Plombé, il l’était quant il s’est agi de désigner le cinquième membre de l’organe électoral. En effet, la majorité qualifiée de 2/3 des voix composant l’Assemblée nationale, soit 56 voix sur les 83, imposée quant à la désignation du représentant des magistrats, est apparue comme la cause du blocage. De fait, si le premier tour de scrutin a permis à Jean-Baptiste Aloukpè d’engranger 26 voix contre 41 voix pour Geneviève Boko Nadjo, et 3voix pour Claire Houngan Ayémonna ; 13 bulletins nuls étant dénombrés, le deuxième tour de scrutin, opposant les deux arrivés en tête, n’a généré qu’une légère avancée. Ainsi, les résultats ont consacré 30 voix pour Jean-Baptiste Aloukpè, 43 voix pour Geneviève Boko Nadjo et 9 bulletins nuls. Dès lors, un troisième vote fut nécessaire avec, cette fois-ci en lice, la candidate arrivée en tête, Geneviève Boko Nadjo. Résultats : 44 voix pour, 29 contre et 6 abstentions. Constat des députés, la majorité qualifiée des 2/3 des voix, par eux-mêmes exigée pour consacrer la désignation du magistrat, n’est pas obtenue. C’est même la cause du blocage.
Une condition de trop ?
Comment sortir du blocage ? Le président de l’Assemblée nationale annonce que les instances de l’institution parlementaire réfléchiront à la situation. En attendant d’en savoir sur les fruits de leurs réflexions, il faut faire constater que cette exigence de 2/3 des voix des députés composant l’Assemblée nationale apparaît comme une condition de trop, voire un piège.
En réalité, si les quatre autres membres de l’organe électoral sont désignés à la majorité simple, le même formalisme devrait être observé pour le magistrat appelé à siéger au sein de la même institution. Autrement, cette condition supplémentaire pourrait s’analyser comme une discrimination. Qui se justifierait tout de même s’il avait été prévu par exemple, d’office dans la loi, que le représentant des magistrats serait le président de la CENA. On pourrait comprendre que le souci du législateur, en instituant cette condition supplémentaire, fut de faire en sorte que celui-ci recueille l’assentiment de la grande majorité des députés au lieu d’être porté par la seule tendance majoritaire au sein de l’institution parlementaire. Ainsi, il serait effectivement le président de tous. Mais même dans ce cas, le piège n’aurait pas été forcément évité. En réalité, l’objectif était certainement vertueux à l’origine, mais peut-être cette condition substantielle visait-elle aussi, subrepticement, à plomber le processus pour retarder la mise en place de la CENA. Car, à la vérité, quand on sait comme il est difficile au sein du Parlement, de réunir la majorité qualifiée des 2/3, sur des questions qui mettent en évidence des enjeux politiques majeurs, on comprend moins l’introduction de cette condition relativement au représentant des magistrats. Et le risque, aujourd’hui, est que la suite du processus pourrait déchaîner les passions. Faudrait-il reprendre le vote où il s’était arrêté, c’est-à-dire avec la seule candidate restée en lice ? Le reprendre avec les deux arrivés en tête à l’issue du premier tour ou carrément le reprendre à zéro ? Si l’on peut penser qu’il devrait être repris là où il s’était arrêté, les arguments ne devraient pas manquer aux députés pour soutenir telle ou telle position. Le blocage n’est pas près d’être levé car même si la majorité des 2/3 se dégageait finalement cette fois-ci, il n’est pas forcément garanti qu’à l’avenir les blocages n’interviennent plus. On pourrait alors penser qu’il faudrait demander aux magistrats de proposer de nouvelles personnes, dans l’espoir que l’unanimité ou la large majorité se dégagerait en faveur de l’une d’entre elles. Seulement, cela n’est pas prévu par la loi et, les magistrats, tatillons sur la procédure, pourraient le faire observer à l’Assemblée nationale.
Dès lors, à moins de se donner le temps des conciliabules politiques, la solution immédiate qui se dessine pour sortir de l’impasse, c’est de réviser illico la loi soit pour prévoir la désignation du représentant des magistrats à la majorité simple comme c’est le cas pour les autres membres de l’organe, sans craindre qu’il soit l’émanation de la tendance majoritaire, soit carrément et simplement qu’il soit directement désigné par ses pairs. Ce serait là la solution la plus pratique et la plus efficace. On sortirait alors de l’impasse.
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2014-05-26 07:11:32
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Financement des partis et acteurs politiques
Tirer leçons des faiblesses des textes pour progresser
Les sociétés qui avancent, les grandes sociétés sont celles qui anticipent. Qui tirent leçons de leur vécu pour travailler à améliorer l’avenir. Le fait précédant généralement le droit, et la pratique pouvant être source de droit, les affaires dites de tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat, peuvent nous servir de mobile, pour améliorer nos textes dans le domaine du financement des partis et acteurs politiques par exemple..
Vrai ou faux, il passe dans la conscience collective que le sieur Patrice Talon aura été un des soutiens financiers décisifs du chef de l’Etat, dans sa conquête du pouvoir en 2006 et en 2011. L’intéressé lui-même l’a ouvertement revendiqué lorsqu’éclatait le dossier dit de tentative d’empoisonnement du chef de l’Etat ; vite démenti en cela par Benoît Dègla, alors ministre de l’Intérieur, mais qui en 2006 était certainement loin du centre de décision du candidat et ne peut donc, objectivement, opiner avec autorité sur la question. D’autres reconnaissent à l’homme d’affaires, un appui logistique et stratégique. Dans tous les cas, c’est un secret de polichinelle que nos partis politiques, tout comme les acteurs politiques d’envergure, bénéficient souvent du soutien financier et/ou logistique des opérateurs économiques. Soit parce qu’ils sont liés de vieille date, soit à l’occasion des élections où ils apparaissent comme favoris. Ce faisant, l’opérateur économique, lui, se ménage des possibilités de retour sur investissement en espérant être associé à tel ou tel chantier, gagner tel marché ou tel autre dès lors que l’acteur politique sur lequel il a misé, sortirait gagnant ou contribuerait à faire gagner un autre puisqu’il peut alors espérer un partage du pouvoir ; et donc des possibilités d’affaires.
Dans ce cadre, les affaires dites de tentatives d’empoisonnement ou de coup d’Etat offrent d’évidentes illustrations. Leur source première, la brouille entre le chef de l’Etat et l’homme d’affaires Patrice Talon qui, de fait, perd toutes ses positions économiques stratégiques. Pour le président de la République et ses partisans, c’est le souci de préserver l’intérêt général qui a motivé sa mise à l’écart. Et c’est parce qu’il aurait voulu se venger que l’homme aurait entrepris tout ce qu’on lui reprocherait. Quelle que fut sa puissance économique, on sait pourtant que cet homme n’a pu, seul, s’adjuger le contrôle de secteurs aussi stratégiques pour l’économie béninoise que le coton et le port de Cotonou; surtout que le port ne faisait pas partie de ses domaines traditionnels d’intervention et qu’il a fallu, conjoncturellement, qu’il montât sa société Bénin Control pour gagner le marché relatif à la vérification des importations. En déduction logique, il y a probablement eu, à un niveau ou à un autre, pour une raison ou une autre, une entente cordiale pour favoriser tout cela.
Nécessité de légiférer
Et c’est ce dont devrait s'inspirer le législateur béninois pour qu’il travaille à ne plus laisser ce terrain vierge de toute législation. Ainsi, le financement des partis politiques ne devrait plus s’entendre du seul financement public. Il serait utile d’y allier leur financement privé, prenant en compte les apports que pourraient leur faire, autant qu’à des acteurs politiques candidats par exemple à la présidentielle, des individus, des sociétés ou autres organismes privés. Ceci devrait permettre d’établir des normes juridiques en la matière, de fixer des limites. Action d’autant plus nécessaire qu’on prête par exemple à des individus de participer pour des montants astronomiques, à la campagne d’acteurs politiques, alors même que les frais de campagne sont encadrés par la loi. L’on devrait savoir, en effet, qu’aucun opérateur économique n’est assez philanthrope pour miser autant sur un parti, un candidat, sans rien espérer en retour. Le ferait-il même, par extraordinaire, de façon désintéressée, qu’il faudrait tout de même limiter son apport afin d’éviter que l’élu, éventuellement, se retrouve sous son influence et, partant, en arrive à compromettre les intérêts de l’Etat afin de satisfaire ses attentes peut-être légitimes au regard de ce qu’il aurait misé.
Nos parlementaires pourraient faire œuvre utile en prenant à bras-le-corps cette préoccupation à moins que, eux-mêmes bénéficiant de ces accointances politico-affairistes, n’y voient aucune urgence et n’aient tiré aucune leçon de la saga politico-juridico-affairiste que nous venons de vivre et qui n’est certainement pas totalement achevée.
S’inspirer de ce qu’il y a de mieux en la matière, dans les pays de grande démocratie, offrirait des pistes de réflexion intéressantes.