Les sociétés qui avancent, les grandes sociétés sont celles qui anticipent. Qui tirent leçons de leur vécu pour travailler à améliorer l’avenir. Le fait précédant généralement le droit, et la pratique pouvant être source de droit, les affaires dites de tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat, peuvent nous servir de mobile, pour améliorer nos textes dans le domaine du financement des partis et acteurs politiques par exemple..
Vrai ou faux, il passe dans la conscience collective que le sieur Patrice Talon aura été un des soutiens financiers décisifs du chef de l’Etat, dans sa conquête du pouvoir en 2006 et en 2011. L’intéressé lui-même l’a ouvertement revendiqué lorsqu’éclatait le dossier dit de tentative d’empoisonnement du chef de l’Etat ; vite démenti en cela par Benoît Dègla, alors ministre de l’Intérieur, mais qui en 2006 était certainement loin du centre de décision du candidat et ne peut donc, objectivement, opiner avec autorité sur la question. D’autres reconnaissent à l’homme d’affaires, un appui logistique et stratégique. Dans tous les cas, c’est un secret de polichinelle que nos partis politiques, tout comme les acteurs politiques d’envergure, bénéficient souvent du soutien financier et/ou logistique des opérateurs économiques. Soit parce qu’ils sont liés de vieille date, soit à l’occasion des élections où ils apparaissent comme favoris. Ce faisant, l’opérateur économique, lui, se ménage des possibilités de retour sur investissement en espérant être associé à tel ou tel chantier, gagner tel marché ou tel autre dès lors que l’acteur politique sur lequel il a misé, sortirait gagnant ou contribuerait à faire gagner un autre puisqu’il peut alors espérer un partage du pouvoir ; et donc des possibilités d’affaires.
Dans ce cadre, les affaires dites de tentatives d’empoisonnement ou de coup d’Etat offrent d’évidentes illustrations. Leur source première, la brouille entre le chef de l’Etat et l’homme d’affaires Patrice Talon qui, de fait, perd toutes ses positions économiques stratégiques. Pour le président de la République et ses partisans, c’est le souci de préserver l’intérêt général qui a motivé sa mise à l’écart. Et c’est parce qu’il aurait voulu se venger que l’homme aurait entrepris tout ce qu’on lui reprocherait. Quelle que fut sa puissance économique, on sait pourtant que cet homme n’a pu, seul, s’adjuger le contrôle de secteurs aussi stratégiques pour l’économie béninoise que le coton et le port de Cotonou; surtout que le port ne faisait pas partie de ses domaines traditionnels d’intervention et qu’il a fallu, conjoncturellement, qu’il montât sa société Bénin Control pour gagner le marché relatif à la vérification des importations. En déduction logique, il y a probablement eu, à un niveau ou à un autre, pour une raison ou une autre, une entente cordiale pour favoriser tout cela.
Nécessité de légiférer
Et c’est ce dont devrait s'inspirer le législateur béninois pour qu’il travaille à ne plus laisser ce terrain vierge de toute législation. Ainsi, le financement des partis politiques ne devrait plus s’entendre du seul financement public. Il serait utile d’y allier leur financement privé, prenant en compte les apports que pourraient leur faire, autant qu’à des acteurs politiques candidats par exemple à la présidentielle, des individus, des sociétés ou autres organismes privés. Ceci devrait permettre d’établir des normes juridiques en la matière, de fixer des limites. Action d’autant plus nécessaire qu’on prête par exemple à des individus de participer pour des montants astronomiques, à la campagne d’acteurs politiques, alors même que les frais de campagne sont encadrés par la loi. L’on devrait savoir, en effet, qu’aucun opérateur économique n’est assez philanthrope pour miser autant sur un parti, un candidat, sans rien espérer en retour. Le ferait-il même, par extraordinaire, de façon désintéressée, qu’il faudrait tout de même limiter son apport afin d’éviter que l’élu, éventuellement, se retrouve sous son influence et, partant, en arrive à compromettre les intérêts de l’Etat afin de satisfaire ses attentes peut-être légitimes au regard de ce qu’il aurait misé.
Nos parlementaires pourraient faire œuvre utile en prenant à bras-le-corps cette préoccupation à moins que, eux-mêmes bénéficiant de ces accointances politico-affairistes, n’y voient aucune urgence et n’aient tiré aucune leçon de la saga politico-juridico-affairiste que nous venons de vivre et qui n’est certainement pas totalement achevée.
S’inspirer de ce qu’il y a de mieux en la matière, dans les pays de grande démocratie, offrirait des pistes de réflexion intéressantes.