Entretien avec le Professeur Etienne Ehouan Ehilé, SG/Association des Universités Africaines : «Nous devons saisir l’opportunité que nous offre la Banque Mondiale… »
Du 20 au 22 mai 2014, plusieurs acteurs du secteur de l’enseignement supérieur, membres de l’Association des Universités Africaines, se sont donné rendez-vous à Abuja, capitale du Nigeria, dans le cadre du lancement du Projet de création de Centres d’excellence africains (ACE) financé par la Banque Mondiale. Au terme des travaux, le Professeur Etienne Ehouan Ehilé, Secrétaire général de l’AUA, s’est prêté à nos questions. Pour lui, l’opportunité qu’offre la Banque Mondiale doit être saisie.
Le grand rendez-vous d’Abuja pour lancer le projet d’appui à la création des Centres d’excellence en Afrique financé à concurrence de plusieurs millions de dollars US sur quatre ans s’achève. Quels sont les grands enseignements qu’on peut en tirer ?
Je vous remercie pour le grand intérêt que votre journal accorde à ce rendez-vous. La première leçon que je tire est que ce rendez-vous d’Abuja a montré qu’il était nécessaire qu’on se retrouve entre experts, universitaires, acteurs de l’enseignement supérieur, bailleurs de fonds… pour harmoniser nos points de vue dans la perspective de garantir un plein succès au Projet de création des Centres d’excellence en Afrique (ACE) financé par la Banque Mondiale au profit de 19 universités en Afrique de l’Ouest et du Centre. Les différentes communications qui ont été présentées ont vraiment balisé le terrain et mis les participants au même niveau d’information par rapport aux objectifs, aux résultats escomptés, aux rôles et responsabilités de chacun et également sur le plan de l’exécution du projet. Des informations utiles à chaque participant ont été aussi apportées quant au management du projet, son suivi-évaluation…Il était également nécessaire d’être ensemble pour avoir la même compréhension de tous les principaux mécanismes de mise en œuvre du projet, tels que : la gestion financière, l’approvisionnement, la passation des marchés, la reddition à temps des comptes…Globalement, les problèmes évoqués par les uns et les autres ont été tous mis ensemble pour en faire des recommandations qui pourront apporter un plus à la mise en œuvre du projet au niveau de chaque Centre d’excellence.
Qu’est-ce qui a, selon vous, motivé la Banque Mondiale à s’orienter vers le financement de l’enseignement supérieur lorsqu’on sait qu’elle s’est toujours consacrée à l’enseignement de base et dans une certaine mesure à l’enseignement secondaire ?
C’est vrai ! Au départ, la Banque Mondiale et toutes les Institutions financières avaient un objectif : c’est de développer d’abord l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire. Ces Institutions ont constaté au fil du temps qu’il fallait changer de fusil d’épaule. Au départ en effet, certaines de ces Institutions disaient que l’enseignement supérieur est un luxe pour les pays africains. Mais aujourd’hui, c’est heureux que les mêmes Institutions changent de paradigme en trouvant que l’enseignement supérieur est le moteur du développement et de la croissance économique de l’Afrique. On a vu avec les Asiatiques. Au moment où les Africains étaient astreints aux Programmes d’ajustement structurel, les autres pays Asiatiques utilisaient leurs propres fonds pour développer leur enseignement supérieur, surtout dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Aujourd’hui, on sait où ils sont en matière de développement. Mieux vaut tard que jamais. Maintenant que les Institutions de Bretton Woods ont compris qu’il faut investir dans l’enseignement supérieur de qualité en Afrique, il nous revient en tant qu’universitaires et décideurs de mettre tout en œuvre pour la pérennisation de cette nouvelle option. En tout cas, ce projet de Centres d’excellence en Afrique (ACE) montre que l’enseignement supérieur est au cœur des préoccupations de la Banque Mondiale.
L’Association des Universités Africaines dont vous êtes le Secrétaire général sera le bras opérationnel de ce Projet. A ce titre, elle se chargera de coordonner la mise en œuvre de ce Projet dans les 19 universités retenues. Qu’attendez-vous de façon concrète de ces universités ?
L’Association des Universités Africaines (AUA) a pour mission de relever le niveau de l’enseignement supérieur en Afrique et ceci à travers les programmes et projets que nous développons, à travers des plateformes que nous organisons sur des thèmes variés. Ce que nous attendons des universités sélectionnées est qu’elles mettent à profit ce financement de la Banque Mondiale tant souhaité pour pouvoir réellement se transformer en Centres d’excellence en Afrique. Le relèvement de ce niveau doit se faire sentir au plan de la gouvernance, au plan de la qualité des enseignements dispensés aux apprenants afin qu’ils soient compétitifs sur les marchés national et international, au plan de la gestion administrative et financière, au plan de la recherche, au plan de l’innovation technologique….
Selon nos investigations, l’Association des Universités Africaines (AUA) se bat pour mobiliser beaucoup de ressources. Mais à contrario, certaines universités ne se bousculent pas aux portes de l’AUA pour profiter de ces ressources. Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit de ces universités qui traînent encore les pas ?
Notre Association est une Organisation non gouvernementale d’envergure internationale. Nous vivons sur nos propres fonds depuis novembre 1967 que nous avions vu le jour au Maroc et bien entendu grâce à l’appui de certains partenaires techniques et financiers. C’est par rapports aux projets que nous existons. Nous avons effectivement plusieurs projets financés par des bailleurs tels que ACBF, SIDA-SUEDE…C’est vrai ! Vous avez bien fait de souligner la réticente de certaines universités à se rapprocher de nous. A l’AUA, nous avons un programme d’échanges de professeurs. L’AUA a de l’argent pour financer ce programme. Il y a aussi des bourses de 1000 à 3000 dollars US que nous octroyons aux étudiants en fin d’année de thèse ou de Master. Ces programmes sont financés grâce aux appuis de SIDA-SUEDE et ACBF à l’AUA. Pour bénéficier de ces appuis, il faudrait que les universités nous envoient des projets que nous sélectionnons sur des bases transparentes. Malheureusement comme vous l’avez souligné, les universités ne nous sollicitent pas malgré les nombreuses lettres de relance que nous leur envoyons.
On dirait qu’elles sont en manque de projet alors qu’il suffit d’aller sur le site Web de l’AUA pour voir comment accéder à cet appui financier. Beaucoup d’Etudiants ne visitent pas ce site pour savoir où se trouve leur bonheur. En tant que Secrétaire général de l’AUA, je voudrais profiter une fois encore de l’opportunité que vous m’offrez et qu’offre cette rencontre de lancement du Projet ACE pour appeler les Etudiants, les universitaires, les chercheurs, les responsables des universités membres de l’AUA à venir profiter des opportunités que leur offre notre Association commune. L’argent mobilisé n’est pas le mien. C’est au nom des Universités membres de l’AUA que ces ressources ont été mobilisées. Ce serait une honte pour moi si je dois le retourner aux bailleurs de fonds parce que les universités ne se bousculent pas à nos portes pour le consommer. Dès lors qu’on est membre de l’AUA et qu’on est à jour de ses cotisations, je ne sais pas vraiment ce qui peut constituer un facteur de blocage. Le reste, c’est de présenter des projets intéressants.