Le Bénin est à la croisée des chemins. La décision de la Cour commune de justice et d’arbitrage d’Abidjan (Ccja) dans les dossiers Programme de vérification des importations (Pvi) et Société de développement du coton (Sodeco) ne laisse pas le choix au pays de Boni Yayi que d’emprunter la voie de la négociation et du dialogue, qui sont d’ailleurs les seuls moyens de sortie de crise.
Car, contrairement à ce que pensent et disent certains thuriféraires du régime, le Bénin n’est pas un pays à part. Il fait partie intégrante et dépend des organisations mondiales et des regroupements régionaux. Mais dans le concert des nations, la seule grande richesse qu’a le Bénin, c’est l’Etat de droit. Et, pour ceux qui ne le savent pas, le premier pilier d’un Etat de droit, c’est la justice. C’est pourquoi, les autorités béninoises, après les décisions de la Ccja, doivent tourner sept fois la langue avant de parler et savoir raison garder.
En effet, les langages tenus par les ministres de la justice, Valentin Djènontin et du développement, Marcel de Souza ne sont pas de nature à rassurer le peuple béninois déjà confus par la décision de la Ccja face à laquelle le mieux à faire est de négocier et non d’entretenir la polémique ou encore d’aller à l’affrontement.
Autrement, que personne ne s’étonne après que nous mêmes avons pris le risque et posé les pas de la destruction de notre pays. Car, un décryptage judicieux des déclarations des ministres Djènontin et de Souza montre que ce sont des propos contre-producteurs pour notre pays. Sinon, à la veille de la table ronde de Paris qui débute le 17 juin prochain, quel investisseur prendra au sérieux le Bénin si déjà, nous sommes incapables de respecter les décisions d’une cour commune à laquelle le Bénin a librement adhéré ?
Négocier ou rien
C’est dire que les illuminés qui s’échinent à mettre le feu aux poudres pensant ainsi faire plaisir à une autorité, n’ont rien compris. Ils se trompent sur toute la ligne et doivent plutôt œuvrer à calmer les esprits. Dans ces dossiers, la seule logique qui doit prévaloir est celle qui consiste à dire qu’il n’y a ni vainqueur ni vaincu et qu’il faut aller à la table des négociations.
Ramer à contre-courant comme cela se constate actuellement du côté de quelques érudits dans les rangs du pouvoir, c’est compromettre demain ou l’avenir d’un Bénin prospère et émergent.
D’ailleurs, ce n’est qu’une demi-surprise qu’avec ces mêmes thuriféraires du régime qui ont royalement préféré ignorer le contrat de l’Ohada, que le Bénin ait perdu dans les dossiers Pvi et Sodeco à la Ccja.
Et même s’ils peinent à reconnaître la décision de la Ccja, elle s’impose à eux. A moins que le Bénin ait choisi de se ranger dans le lot des Etats voyous, au lieu de s’enfoncer dans l’entêtement, l’affrontement avec des institutions régionales et même prétendre vouloir s’y retirer, il vaut mieux faire profil bas et discuter avec le partenaire Talon.
Déjà, si le gouvernement ne le sait pas, les déclarations des ministres Djènontin et de Souza sont mal passées dans l’opinion publique nationale. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut éviter de tomber dans le piège similaire qui se tend au Bénin.
Car, une situation analogue à celle des dossiers Pvi et Sodeco pointe à l’horizon avec le richissime homme d’affaires béninois, Samuel Dossou qui est en passe de saisir la Ccja après la phase de conciliation. Mais, comme d’habitude, il y a ceux qui se croient au-dessus des lois, qu’elles soient nationales ou régionales. A vouloir encore faire semblant, on sait d’avance à quoi s’attendre.
Le Bénin et ceux qui le gouvernent doivent se ressaisir. A quelques jours de la table ronde de Paris, il est inutile de tirer la queue du diable ou de jouer au plus malin alors que la raison recommande de négocier.
Ce qui est sûr, c’est une mauvaise publicité des jusqu’au-boutistes à l’endroit des investisseurs qui désiraient opter pour la destination Bénin. Même Bolloré qui a de gros investissements dans notre pays, il y a lieu de se demander quel signal lui envoient les autorités béninoises avec les réactions épidermiques qu’elles ont actuellement ? Tout, sauf des assurances et des gages de bonne volonté.
La raison avant qu’il ne soit trop tard
Mais les Béninois sensés savent, avant qu’il ne soit trop tard, qu’il n’y a qu’un seul mot qui vaille : la négociation. Et pour cela, au lieu de bomber le torse, il vaut mieux que le Bénin fasse preuve d’humilité. Cela peut paraître choquant pour certains. Mais en matière économique, les partenaires sont égaux.
Pour être plus clair, le Bénin et Talon sont sur les mêmes pieds d’égalité au regard de la loi de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) qui régit les affaires dans l’espace Uemoa. Alors, actuellement, il ne sert à rien de tirer sur la corde quand le Bénin et l’avenir des jeunes sont en jeu. C’est d’ailleurs pourquoi, les deux camps doivent cesser de polémiquer et mettre la balle à terre.
Même Talon et les siens qui sont, après tout, des Béninois ne doivent pas se prévaloir de leur victoire devant la Ccja pour ne pas mettre de l’eau dans leur vin. Les pêcheurs en eau trouble sont prévenus. La voie royale dans la recherche de sortie de crise dans les dossiers Pvi et Sodeco est celle du dialogue, de la négociation et surtout celle qui consiste à éviter de pratiquer la politique du pire !
Jeunes : faire barrage aux extrémistes !
Et parlant de pire, ce sont les 520 jeunes employés à Bénin control dans le cadre du Pvi qui ont, suite aux divergences Yayi-Talon, perdu leur emploi et les milliers d’autres qui, faute de coton, n’ont plus de quoi s’occuper dans les usines de la Sodéco qui peuvent les mieux en parler. Ce qui est sûr, les jeunes ont payé un lourd tribut à cause de cette histoire qui n’a fait que durer. Le chômage n’a pas reculé. Loin de là. Il est donc plus que jamais l’heure pour la jeunesse consciente de se ressaisir et faire barrage aux extrémistes.
Contre vents et marées, l’intérêt commun doit être sauvegardé. Sinon, à qui profitent la précarité de l’emploi et ces emplois sacrifiés sur l’autel des egos ? Surtout pas au Bénin. Alors, comme le dit si bien Maximes de la Rochefoucard « la réconciliation avec nos ennemis n’est qu’un désir de rendre notre condition meilleure, une lassitude de la guerre, et une crainte de quelques mauvais événements ». On aurait été prévenu.