Le gouvernement du Bénin dit niet. Il refuse d’exécuter la décision de la Cour commune de justice et d’arbitrage (Ccja) qui lui fait injonction de verser des dommages et intérêts à l’homme d’affaires Patrice Talon.
Le ministre de la justice Valentin Djènontin l’a clamé au sortir d’une audience ce lundi, avec le Chef de l’Etat. Il tient ferme comme argumentaire que le principe du contradictoire n’est pas respecté avant la reddition de la décision. Le camp opposé lui, affirme que la décision rendue emporte autorité de chose jugée et doit être appliquée. A qui donner raison ? A qui donner tort ?
L’article 25 du traité de l’Ohada en son alinéa 1 est suffisamment clair. Il stipule que les sentences arbitrales ont l’autorité définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat partie au même titre que les décisions rendues par les juridictions d’Etat.
A faire le parallèle, on comprend que les décisions de la Ccja revêtent les mêmes pouvoirs que celles rendues par les juridictions locales. Le législateur Ohada a donc ramené l’Etat, en l’espèce acteur économique, mais en même temps investi de la mission d’assurer la bonne exécution des décisions de justice, en position de justiciable.
Le gouvernement du Bénin au regard de cet alinéa de l’article 25 du traité de l’Ohada a donc l’obligation d’exécuter la décision rendue par la Ccja, que celle-ci l’arrange ou non. A défaut, l’alinéa 2 renforce le pouvoir de la Cour de faire appliquer la décision par le pouvoir de l’exequatur.
« Elles (sentences arbitrales) peuvent faire l’objet d’une exécution forcée en vertu d’une décision d’exequatur ». Les choses sont donc claires. L’Etat béninois peut être amené d’une manière ou d’une autre à exécuter la décision rendue par l’autorité supranationale dans le conflit qui l’oppose à l’homme d’affaires Patrice Talon. Le gouvernement de son côté s’oppose et brandit une disposition du même traité qui ne manque pas d’intérêt. C’est celle relative aux conditions de refus par l’Etat en cause de l’exéquateur.
C’est la 3ème condition du dernier alinéa de l’article 25 du traité de l’Ohada qui le prévoit. Celle-ci dit ceci : « L’exequatur ne peut être refusé que lorsque le principe de la procédure contradictoire n’a pas été respecté ». Le gouvernement du Bénin par la voix de son ministre de la justice s’appuie sur cet argumentaire pour justifier son ambition de refuser l’exécution de la décision de la Ccja.
En d’autres termes, l’Etat béninois affirme que parce que n’ayant pas pris part aux débats, il ne se voit pas en mesure de respecter une décision rendue à son insu. Est-il justifié à avancer cela ? L’argument du ministre, s’il est vrai ne manque pas d’intérêt. Celui du camp en face aussi est fondé. Les prochains jours nous édifierons.
L’Etat garant en position de défaillance
L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution du 10 Avril 1998, en son article 29 alinéa 1 dispose que l’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des décisions et des autres titres exécutoires.
En son aliéna 3, il dispose que la carence ou le refus de l’Etat de prêter son concours, engage sa responsabilité. Donc l’Etat comme le dit le Juriste Serge Prince Agbodjan est garant de l’exécution des décisions de justice. Mais cette obligation à lui faite, est-elle respectée avec le même empressement quand le même Etat se trouve en position d’acteur économique, au même titre que les personnes morales de droit privé ?
La réponse est hésitante. C’est d’ailleurs le cas d’espèce. Mais le législateur Ohada s’est passé de ‘’l’état d’âme’’ de l’Etat. Il a prévu que dans le contexte d’une décision allant à l’encontre des intérêts directs de l’Etat en tant qu’acteur économique, ce même Etat, en sa qualité de détenteur de la puissance publique et régulateur des rapports sociaux est tenu d’intervenir pour assurer la bonne exécution de la décision, dans les mêmes conditions comme il le ferait pour tout autre acteur privé.