L’Autorité de Régulation des Marchés Publics a tranché dans l’affaire d’acquisition de matériels de manutention au profit de la Société béninoise des manutentions portuaires (Sobemap). Elle a annulé les deux procédures d’appels d’offres tant querellées à savoir, la procédure d’appel d’offres international restreint (AOIR) n°009/S0BEMAP/PRMP/S¬PRMP/2013 conduite par la Personne Responsable des Marchés Publics (PRMP) de la SOBEMAP et la procédure d’appel d’offres international restreint (AOIR) conduite par le Directeur Général de la SOBEMAP à Paris. L’ARMP somme par ailleurs la PRMP de la SOBEMAP de reprendre une nouvelle procédure conformément aux règles d’acquisition des travaux, biens et services de la BOAD et aux dispositions de la loi n°2009-02 du 07 août 2009 qui ne sont pas contraires auxdites règles. Lire l’intégralité de la décision de l’ARMP.
DECISION N°2014-19/ARMP/PR-CR/CRD/SP/DRAJ/SA DU 23 MAI 2014
PORTANT ANNULATION DES PROCEDURES D’ACQUISITION DE MATERIELS EN MANUTENTION PORTUAIRE OBJET DE L’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL RESTREINT N°09/S0BEMAB/PRMP/S-PRMP/2013 AU PROFIT DE LA SOBEMAP LANCEES LE 09 DECEMBRE 2013 PAR LA PRMP DE LA SOBEMAP ET EN FEVRIER 2014 PAR LE DIRECTEUR GENERAL DE LA SOBEMAP
Vu la loi n°2009-02 du 07 août 2009 portant code des marchés publics et des délégations de service public en République du Bénin ;
Vu le décret n°2012-224 du 13 août 2012 portant attributions, organisation et fonctionnement de l’Autorité) de Régulation des Marchés Publics (ARMP) ;
Vu le décret n° 2010-495 du 26 novembre 2 10 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics (DNCMP) ;
Vu le décret n°2010-496 du 26 novembre 2010 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Personne Responsable des Marchés Publics, des Commissions de Passation des Marchés Publics et des Cellules de Contrôle des Marchés Publics ;
Vu le décret n°2012-364 du 26 octobre 2012 portant nomination des membres du Conseil de Régulation de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics ;
Vu le décret n°2014-033 du 29 janvier 2014 portant nomination du Président de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics ;
Vu le décret n°2012-225 du 13 août 2012 portant nomination du Secrétaire Permanent de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics ;
Vu la lettre n°334/FONAC/SG/Pdtl14 du 02 avril 2014 ensemble ses pièces, enregistrée au Secrétariat Administratif de l’ARM sous le n°254 du 03 avril 2014, par laquelle le Président du Front des Organisations Nationales contre la Corruption (FONAC), a porté à la connaissance de l’ARMP les irrégularités qui auraient entaché la procédure de passation du marché d’acquisition de matériels par la Société Béninoise de Manutention Portuaire (SOBEMAP) ;
Vu la lettre n°0306/ARMP-PR/CRD/SP/DRAJ/SA du 11 avril 2014, par laquelle le Président de l’ARMP a demandé à la PRMP de la SOBEMAP de suspendre la procédure de passation du marché d’acquisition de matériels de manutention portuaire par la SOBEMAP et de lui transmettre les pièces complémentaires nécessaires à l’instruction de l’auto-saisine ;
Vu les lettres n°0307 et n00493/ARMP-PR/CRD/SP/DRAJ/SA des 11 avril et 07 mai 2014, par lesquelles le Président de l’ARMP a demandé au Directeur Général (DG) de la SOBEMAP de suspendre la procédure de passation du marché d’acquisition de matériels de manutention portuaire par la SOBEMAP et de lui transmettre les pièces complémentaires nécessaires à l’instruction de l’auto-¬saisine ;
Vu le bordereau n°07/2014/PRMP/SPRMP du 15 avril 2014 enregistré au Secrétariat Administratif de l’ARMP sous le n°289 du 16 avril 2014, par lequel le Directeur Général de la SOBEMAP a transmis les pièces demandées pour l’instruction de l’auto-saisine ;
Vu les lettres n°026-c, n°027-c et n°028-c/2014/DG/DIR des 02, 06 et 08 mai 2014 enregistrées au Secrétariat Administratif de l’ARMP sous les numéros 320, 328 et 340 des mêmes dates, par lesquelles le DG/SOBEMAP a transmis es pièces complémentaires à l’ARMP ;
Vu le bordereau n°013/2014/PRMP/SPRMP du 08 mai 2014 enregistré au Secrétariat Administratif de l’ARMP sous le n0341 de la même date, par lequel le Directeur Général de la SOBEMAP a transmis les pièces complémentaires à l’ARMP ;
Vu la lettre n°0492/ARMP-PR/CRD/SP/DRAJ/SA du 07 mat 2014, par laquelle le Président de l’ARMP a invité la PRMP de la SOBEMAP à une séance de travail avec la Commission de Règlement des Différends et la Commission de Discipline pour le 09 mai 2014 ;
Vu la lettre n°0578/ARMP-PR/CRD/SP/DRAJ/SA du 19 mai 2014 adressée à la DNCMP par laquelle le Président de l’ARMP a demandé des informations sur ses interventions dans la mise en œuvre de la procédure de passation de ce marché et qui est restée sans suite ;
Vu la lettre n°031-c/2014/DG/DIR du 20 mai 2014 enregistrée au Secrétariat Administratif de l’ARMP sous le numéro 418 de la même date, par laquelle le DG/SOBEMAP a transmis certaines informations complémentaires à l’ARMP ;
Ouï Monsieur Hervé Nicaise AWOLO, Secrétaire Permanent de l’ARMP, en son rapport, assisté de Madame Oladé Sylvie R. DONTE, Directrice de la Réglementation et des Affaires Juridiques de l’ARMP ;
Les membres du Conseil de Régulation présents ou représentés : Messieurs Eugène DOSSOUMOU, Président, Issiaka MOUSTAFA, 1er vice-Président, Théodule NOUATCHI, 2ème Vice-Président, Madame Aurélie Antoinette M. BADA DEGUENON et Messieurs Rémy ENIANLOKO, Expédit CAKPO-ASSOGBA, Sylvain Mahougnon AHOUANDJINOU, Tôgbé Cyriaque AGONKPAHOUN, Victor FATINDE, Saliou YOUSSAO ABOUDOU et Gualbert Félix Jonas S. A. KOUDOGBO, membres ;
Par courrier n°334/FONAC/Pdtl14, le Président du Front des Organisations Nationales contre la Corruption (FONAC) a transmis à l’Autorité de Régulation des Marchés Publics, un dossier qui lui est parvenu relatif à la procédure d’acquisition de matériels de manutention portuaire au profit de la SOBEMAP, dénonçant des irrégularités qui auraient entaché ladite procédure et sollicitant l’intervention de l’organe de régulation pour, dit¬-il, « éviter une nouvelle saignée à notre pays ».
En effet, les faits dénoncés se résument comme suit :
• confiscation du procès-verbal d’attribution provisoire du marché par le Directeur Général de la SOBEMAP parce que « les sociétés étrangères avec lesquelles il a déjà ficelé les attaches sont éliminées dans ce procès-verbal qui n’est que provisoire » en prétendant que « c’est le Président de la République qui lui a donné l’ordre d’annuler la procédure et d’aller lui-même en Europe pour conclure les marchés directement sans aucune procédure avec les fournisseurs », ce qui, poursuit le dénonciateur, est « un gros mensonge grave qu’il a dit sur le compte du Président de la République » ;
• violation d’une procédure en cours en vue de « gagner beaucoup pour sa poche … »
• voyage en Europe avec six (6) personnes ayant donné la possibilité de « sauter le verrou des pièces administratives qui étaient demandées dans le DAO » et de demander juste que « les fournisseurs apportent leurs proformas et fiches techniques » ;
• changement unilatéral des quantités en les augmentant sur certains gros équipements ;
Suite à ces informations et sur le fondement de l’article 146 alinéa 6 de la loi n°2009-02 du 07 août 2009, l’ARMP a décidé de s’auto-saisir en vue de faire corriger les irrégularités dénoncées au cas où elles s’avèreraient justifiées.
I- Sur la compétence de l’ARMP :
Considérant qu’aux termes de l’article 5 de la loi n°2009-02 du 07 août 2009 portant Code des marchés publics et des délégations de service public en République du Bénin : « Les marchés passés en application d’accords de financement ou de traités internationaux sont soumis aux dispositions de la présente loi, dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions de ces accords et traités internationaux » ;
Considérant que l’accord de prêt signé entre la BOAD et la SOBEMAP a spécifié que ce sont les régies de procédure d’acquisition des travaux, biens et services de la BOAD qui s’appliquent à la passation du marché objet de la présente auto-saisine ;
Qu’ainsi toutes les dispositions de la loi n°2009-02 du 07août 2009 portant code des marchés publics et des délégations de service public en République du Bénin qui ne sont pas contraires aux règles de procédure d’acquisition des travaux, biens et services de la BOAD s’appliquent aussi à ce marché ;
Considérant qu’aux termes de l’article 2, alinéa 3 du décret n°2012-224 du 13 août 2012, l’ARMP est chargée de :
- point p : « initier, sur la base d’une demande ou information émanant de toute personne intéressée, à tout moment, toute investigation relative à des irrégularités ou des violations à la règlementation nationale ou communautaire commises en matière de marchés publics » ;
- point q : « s’assurer du respect de la règlementation par l’ensemble des acteurs du système des marchés publics » ;
- point s : « recevoir et statuer sur les recours exercés par les candidats et soumissionnaires, ou même s’autosaisir des violations de la réglementation de marchés publics et des délégations de service public » ;
Considérant que la présente auto-saisine porte sur un appel d’offres international restreint lancé par la SOBEMAP, en application d’un Accord de financement entre la Banque Ouest Africaine de Développement et la SOBEMAP ;
Qu’il s’ensuit que l’ARMP est compétente pour statuer sur les irrégularités dénoncées dans le cadre de la procédure de passation de ce marché.
II- Sur la régularité de l’auto-saisine de l’ARMP
Considérant les dispositions de l’article 146 alinéas 6 et 7 de la loi n°2009-02 du 07 août 2009 portant Code des marchés publics et des délégations de service public selon lesquelles : « Sur le fondement des informations recueillies dans l’exercice de ses missions ou de toutes informations communiquées par l’autorité contractante, des candidats, soumissionnaires ou des tiers, l’autorité de régulation des marchés publics peut s’’auto-saisir à la demande de son président ou du tiers de ses membres et statuer dans un délai de sept jours ouvrables sur les irrégularités, fautes et infractions constatées » »
Qu’en raison du caractère contradictoire de la procédure devant l’organe de régulation, ce délai de sept (7) jours imparti à l’ARMP ne peut courir que pour compter de la dernière information reçue dans le cadre de l’instruction du dossier ;
Considérant que la présente auto-saisine de l’ARMP a été demandée par cinq (5) membres du Conseil de Régulation et approuvé par le Conseil de Régulation en sa session du 15 avril 2014, conformément aux dispositions de l’article 146 ci-dessus citées ;
Qu’il s’ensuit que les conditions requises pour l’auto-saisine de l’ARMP sont remplies et que la présente auto¬-saisine est régulière.
III-DISCUSSION
A- MOYENS CONTENUS DANS LA LETTRE DE DENONCIATION
La lettre de dénonciation souligne que la procédure de passation de ce marché par appel d’offres international restreint a recueilli l’avis de la DNCMP. Elle a été conduite par la PRMP jusqu’à la désignation des attributaires provisoires quand, « le DG de la SOBEMAP en la personne de Monsieur Soumanou SEIBOU TOLEBA, confisque le procès-verbal provisoire qui est censé aller à la DNCMP pour analyse et avis ».
Selon le dénonciateur, les raisons qui ont motivé le DG à agir ainsi sont liées au fait que :
• « les sociétés étrangères avec lesquelles il a déjà ficelé les attaches sont éliminées dans ce procès-¬verbal qui n’est que provisoire ») ;
• « Il cherche de l’argent pour aller aux élections de 2016 en tant que candidat » ;
• « Il prétend que c’est le Président de la République qui lui a donné l’ordre d’annuler la procédure et d’aller lui-même en Europe pour conclure les marchés directement sans aucune procédure avec les fournisseurs ».
Cette dernière prétention du DG serait « un gros mensonge grave qu’il a dit sur le compte du Président de la République » pour convaincre son Ministre de tutelle à qui il a envoyé le courrier « soit disant que le Chef de l’Etat a demandé de surseoir à la procédure ».
Par ailleurs, il fait remarquer que selon les textes en vigueur, c’est à la PRMP de conduire les procédures de marchés publics et non au DG et qu’il faudrait donc donner une injonction au DG pour « laisser le PV qu’il a confisqué, partir à la DNCMP » pour permettre que la procédure conduite par la PRMP aille à son terme.
Pour appuyer ses allégations, il joint à la lettre de dénonciation les pièces ci-après :
• l’extrait du relevé n°25 Extra des décisions prises par le Conseil des Ministres en sa séance extraordinaire du mardi 26 novembre 2013 qui demande au Ministre de l’Economie et des Finances de :
• « Soumettre la procédure d’acquisition à une consultation restreinte en relation avec la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics ;
• acquérir dans les brefs délais, auprès des fournisseurs identifiés à l’occasion de la mission en Europe, des équipements nécessaires pour permettre à la SOBEMAP de faire face efficacement à l’accroissement sensible du trafic observé au Port Autonome de Cotonou ;
• veiller au recrutement correct et diligent d’un cabinet ou d’une société de maintenance de renommée internationale pouvant assister le garage de la SOBEMAP pour la maintenance préventive et curative des engins pendant et après la période de garantie ;
• Veiller au déroulement correct et diligent des procédures se rapportant à cette acquisition » ;
• l’avis d’appel d’offres ;
• le dossier de consultation restreinte ;
• le rapport d’ouverture des plis ;
• le rapport d’analyse des offres et de jugement confisqué ;
• le courrier n°006-C/2014/DG/ISA du 5 février 2014 envoyé par le DG à son Ministre de tutelle.
B- MOYENS DE LA PRMP DE LA SOBEMAP
La PRMP de la SOBEMAP, Monsieur Lionel OUENDO, affirme et soutient dans ses deux mémoires adressés à l’ARMP et lors de son audition conjointe par la Commission de Règlement des Différends et la Commission de Discipline que :
• En ce qui concerne le choix de la procédure de consultation restreinte :
Le traitement des opérations de manutention pâtissant du faible équipement de la SOBEMAP, il a été décidé de doter promptement cette dernière en engins performants. A ce titre, le DG/SOBEMAP de retour d’une session du Conseil des Ministres a rapporté ceci : « Sur intervention du Conseil des Ministres, il a été décidé de la mise sur pied d’un Comité Technique pour la prospection à l’international, auprès de certains constructeurs, concessionnaires ou distributeurs d’engins de manutention afin d’apprécier la conformité des engins qu’ils fabriquent et leur évolution technologique en corrélation avec les besoins actuels et futurs de la SOBEMAP et d’obtenir les prix compétitifs avec des délais de livraison très courts ».
« La communication n°1065/1 a rendu compte au Conseil des Ministres, des résultats de ladite prospection. Par l’extrait du relevé n°25 des Décisions du Conseil des Ministres du mardi 26 novembre 2013, il est demandé au Ministre de l’Economie et des Finances de soumettre la procédure d’acquisition à une consultation restreinte en relation avec la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics ».
• En ce qui concerne la conduite de la procédure de passation de ce marché par le Directeur Général de la SOBEMAP :
« Le Cabinet du Ministre de l’Economie Maritime et des Infrastructures Portuaires étant fort dépeuplé, la PRMP de la SOBEMAP se trouve être le Directeur Adjoint du Cabinet qui a du mal à s’absenter surtout que venait d’être nommé un nouveau Ministre. C’est d’ailleurs cela qui justifie son absence de la mission de prospection en Europe du 13 au 28 octobre 2013. Mais, par la suite, elle a été impliquée dans le lancement de l’appel d’offres restreint, dans l’ouverture et l’analyse des offres des soumissionnaires du 24 au 31 janvier 2014. Elle a procédé à la signature de la lettre qui devrait transmettre les résultats issus de J’analyse des offres à la ONCMP quand elle a été dessaisie du dossier, En effet, par correspondance n°006-C/2014/DG du 05 février 2014, le DG/SOBEMAP notifiait au Ministre de l’Economie Maritime ce qui suit : » … Le Président de la République m’a informé par téléphone le mardi 04 février 2014, de l’annulation de tous les marchés attribués sur les engins à Agoué.
Aussi, m’a-t-il instruit d’aller acquérir sur place lesdits engins en Europe en compagnie du DNCMP, de l’Inspecteur Général des Finances puis des techniciens avertis, conformément aux instructions du Conseil des Ministres et ce, auprès des fabricants, concessionnaires et distributeurs préalablement identifiés et visités » ».
C’est à partir de cette étape, qu’elle n’a plus été impliquée dans la procédure de ce marché et n’est pas en mesure de rendre compte de la suite, car ayant été « de facto dessaisi ».
A l’appui de ces affirmations, elle a joint la lettre n°006-C/2014/0G du 05 février 2014 du DG/SOBEMAP adressée à son Ministre de tutelle.
En ce qui concerne les modalités d’admission de deux (2) fournisseurs locaux à la liste des fournisseurs retenus en Conseil des Ministres :
« La short-liste de dix (10) fournisseurs retenus pour être consultés dans le cadre de cet appel d’offres restreint, a été retenu par le DG/SOBEMAP suite à la mission de prospection effectuée en France, mission à laquelle la PRMP n’a pu participer. Elle a été adoptée par le Conseil des Ministres et validée par la DNCMP. Les sociétés CIMEAO et FOX INTERNATIONAL SARL auraient adressé une requête à la DNCMP pour obtenir son autorisation en vue de participer à cette consultation restreinte par lettres n°0257/FISC/CSC/CSCF/DGA/DG/12/13 du 26 novembre 2013 et n°001/2014/MC/CA du 03 janvier 2014. La DNCMP a fait droit à leur requête en leur accordant cette autorisation par procès-verbaux n°01¬09/0SEM/2014 et n°01-11/DSEM/2014 du 03 janvier 2014 et ce, conformément à l’article 35 du code des marchés publics ».
A l’appui de ces affirmations, elle a joint les deux (2) procès-verbaux de la DNCMP concernant les sociétés CIMEAO et FOX INTERNATIONAL SARL.
• En ce qui concerne les reports répétitifs de la date limite du dépôt des offres :
« Il Y a eu deux (2) reports de date de dépôt des offres. l’initiale fixée au 23 décembre 2013 a été reportée au 06 janvier 2014 et par la suite au 23 janvier 2014 à la demande des fournisseurs dont FRANGETRUCT et autres qui ont écrit ou téléphoné à la SOBEMAP à cet effet en invoquant les raisons de congé annuel du personnel et des fêtes de fin d’année qui ne leur permettraient pas de préparer leurs offres. La décision du premier report a été prise de concert avec le DG/SOBEMAP.
A la suite de l’autorisation de la DNCMP accordée à deux (2) autres fournisseurs, il a été jugé utile de leur accorder un minimum de temps pour préparer leurs offres, ce qui constitue les raisons du second report.
Elle ajoute que cette autorisation lui a été notifiée par la DNCMP sans qu’elle ne sache les mesures prises par cette dernière pour se convaincre de leur qualification ou capacité à exécuter ce marché.
A l’appui de ces affirmations, elle a joint une lettre de FRANCETRUCT en date du 24 décembre 2013 qui demandait ce report du 23 décembre 2013 au 24 janvier 2014 ».
• En ce qui concerne le droit appliqué à ce marché :
« L’accord de prêt a spécifié que ce sont les « règles de procédure d’acquisition des travaux, biens et services de la BOAD » dont le document est annexé audit accord. Mais, elle n’a pas eu accès à cette annexe et elle a recouru au code des marchés publics béninois pour mettre en œuvre cette procédure ».
• En ce qui concerne la publicité de l’avis d’appel d’offres et le délai de réception des offres :
« L’avis d’appel d’offres n’a pas été publié dans un journal, étant donné que la liste des candidats est connue d’avance. Il leur a été directement adressé. En raison des deux (2) reports de dates de dépôts des offres, elle ne peut affirmer qu’un délai défini a été accordé aux soumissionnaires pour préparer leurs offres ».
• En ce qui concerne les raisons de l’arrêt de la procédure lancée le 09 décembre 2013, les mesures prises à l’endroit des soumissionnaires et l’étape à laquelle se trouve la nouvelle procédure engagée par le DG/SOBEMAP :
Ou développement qui précède, la PRMP de la SOBEMAP déduit que « la procédure d’appel d’offres international restreint se trouve à l’étape de la transmission des résultats de l’analyse des offres à la DNCMP. Les raisons de son arrêt sont ceux mentionnées dans la lettre (n°006-C/2014 du 05/02114) du DG/SOBEMAP au Ministre de l’Economie Maritime et des Infrastructures Portuaires.
S’étant donc retrouvé de facto dessaisi du dossier d’acquisition des engins, elle n’est pas en mesure d’asserter que des précautions ont été prises avant l’arrêt de la procédure dite de « consultation restreinte ».
En conséquence, elle ne peut rien déclarer à propos de la nouvelle procédure engagée et de l’étape à laquelle elle se trouve.
C- MOYENS DU DIRECTEUR GENERAL DE LA SOBEMAP
• En ce qui concerne la conduite de la procédure de consultation restreinte en lieu et place de la PRMP SOBEMAP :
• tous les actes concernant la procédure e consultation restreinte ont été posés par la PRMP : échange de correspondances avec la BOAD et la DNCMP pour obtenir les autorisations requises, présidence de la commission de passation et participation à l’analyse des offres ;
• « la PRMP/SOBEMAP est en même temps Directeur Adjoint de Cabinet au
Ministère de l’Economie Maritime (ministère de tutelle). Au moment de la mission de prospection, il jouait en même temps le rôle du Directeur de Cabinet dudit ministère puisque le poste était vacant. En plus, le ministère n’avait pas non plus de Secrétaire Général. Il était visiblement et logiquement difficile pour la Ministre fraichement nommée, de laisser partir le seul cadre de son cabinet pouvant l’aider dans la gestion quotidienne du Ministère Alors, il se pose la question suivante : cela suffit que la PRMP/SOBEMAP ne soit pas à une mission de prospection et que le Directeur Général y soit, pour décréter que ce dernier s’est substitué à la PRMP dans la mise en œuvre de cette procédure ? Il précise qu’à cette mission, étaient aussi présents le Ministère de l’Economie et des Finances représenté par un Inspecteur Général des Finances, le DNCMP en personne et un expert agréé en matière d’engins.
• En ce qui concerne la présumée nouvelle procédure engagée :
• « Pour un tel investissement, il est normal que le gouvernement, propriétaire de la SOBEMAP, donne les orientations de base » ;
• « Une fois la mission terminée, compte a été rendu au Gouvernement qui a régulièrement autorisé l’acquisition urgente des engins auprès des fournisseurs identifiés en Europe. C’était donc la première base juridique du processus de consultation restreinte internationale qui détermine clairement en son point n°2, les types de soumissionnaires devant être exclusivement consultés » ;
• « C’est d’ailleurs à la suite de cette délibération du Conseil des Ministres que la PRMP a demandé l’accord de la BOAD et de la DNCMP qui ont tous donné leurs avis favorables » ;
« Dès lors, la procédure proprement dite de consultation a commencé mais malheureusement, l’avis d’appel à consultation restreinte n’a pas tenu compte du point 2 des décisions du Conseil des Ministres pour ne consulter que les fournisseurs identifiés à l’occasion de la mission en Europe. Ainsi, d’autres soumissionnaires (02 plus précisément) qui n’ont été ni visités, ni prospectés et n’ayant montré à l’autorité contractante aucune preuve de leurs capacités techniques d’usinage ou de fabrication ont été autorisés à présenter des offres ; ce qui vicie la procédure dite de consultation restreinte. Il s’agit là d’une intégration presque « forcé » de ces deux (02) soumissionnaires qui justifie le double report de la date de dépôt des offres . ». Ces deux (02) fournisseurs déclarés attributaires provisoires ne sont ni fabricants d’engins de manutention, ni représentants ag réés de firmes internationales compétentes, mais seraient de simples revendeurs qui pour la plupart, n’auraient aucun engin dans leur parc et ne disposeraient pas d’ateliers de maintenance et de services après vente approprié. C’est donc « sur cette base viciée dès le départ que la procédure a continué et a abouti au dépôt, à l’analyse et à l’évaluation des offres puis aux propositions d’adjudication provisoire.
Il soutient par ailleurs, qu’il n’a pas encore formellement reçu le procès-verbal d’ouverture et le rapport d’analyse et d’évaluation des offres. Cependant, « des informations et rumeurs qui lui sont parvenues font état de ce que tous les potentiels fournisseurs identifiés à l’occasion de la mission effectuée en Europe du 12 au 28 octobre 2013 et qui devraient être exclusivement consultés pour ce marché conformément aux décisions du Conseil des Ministres, ont été purement et simplement éliminés et que seuls les deux (02) soumissionnaires repêchés illégalement et presqu’en force puis admis à concourir seraient déclarés adjudicataires provisoires de six (06) des onze (11) lots que comporte le marché. L’un aurait été attributaire provisoire d’un (01) lot et l’autre attributaire provisoire de cinq (05) lots. Les cinq (05) autres lots seraient déclarés infructueux ».
« Si cela était vrai, dit-il, on se serait alors retrouvé presque dans une situation d’exclusivité absolue voire dans une situation de marché de gré à gré puisqu’un seul soumissionnaire serait proposé pour être attributaire de plus de deux (02) lots pour des matériels aussi sensibles et pour l’urgence signalée avec nécessité de livraison dans de brefs délais. Pire, on se serait retrouvé dans une situation où ce sont les deux (02) soumissionnaires irrégulièrement consultés qui seraient attributaires de tous les lots au détriment de ceux qui devraient avoir l’exclusivité de consultation. Cela constitue un risque pour l’autorité contractante et pour tous ceux qui sont intéressés par l’acquisition de ces engins, un éventuel grave contentieux puisque les dix (10) soumissionnaires exclusivement consultables pourraient à tout moment attaquer.
C’est au regard de tout ce qui précède, en prévention des potentiels contentieux à venir et soucieux de ne pas laisser partir toute la clientèle désespérée de la SOBEMAP du fait de l’absence de ces engins que, après le compte rendu à son Ministre de tutelle, il a pensé, dans l’intérêt supérieur de la SOBEMAP et de l’économie nationale, qu’il faille reprendre la procédure er cours en se conformant notamment et en tous points, aux décisions du Conseil de Ministres. C’est ce qui justifie la deuxième mission en Europe du 13 février au 03 mars 2014 à laquelle ont participé les mêmes acteurs intervenant dans la chaîne des marchés publics et déjà présents lors de la première mission. L’objectif étant, conformément au point 2 des décisions du Conseil des Ministres, de demander aux fournisseurs identifiés préalablement pendant la première mission, de faire à l’autorité contractante, de nouvelles propositions.
Il a précisé que sa démarche vise aussi l’utilisation rationnelle des ressources destinées à ce marché puisque dans tous les cas de figure et quelle que soit la procédure, l’objectif principal sinon l’un des objectifs principaux du marché public, c’est d’acquérir des biens performants et de qualité mais aussi et surtout à des prix très compétitifs. A titre d’illustration, une simple comparaison entre les coûts qui seraient en passe d’être homologués suivant la procédure viciée, montre un énorme écart positif (économie importante) qui pourrait servir à l’achat d’autres équipements nécessaires au profit de la SOBEMAP ».
• En ce qui concerne les actions engagées envers les soumissionnaires dont les offres ont été déjà dépouillées :
« En sa qualité de Directeur Général, il n’a connaissance d’une quelconque action engagée envers les soumissionnaires dont les offres ont été dépouillées. Il déclare qu’il est incompétent et ne saurait prendre de telles mesures car il n’est pas la PRMP/SOBEMAP ».
• En ce qui concerne les mesures prises avant d’arrêter la procédure dite de consultation restreinte :
« Il n’est pas compétent pour arrêter la procédure encore moins pour prendre des mesures dans ce sens. Pour lui, comment pourrait-il arrêter une procédure qu’il n’a pas initiée ? En tant qu’acteur intéressé au premier plan par l’acquisition desdits engins et en sa qualité de Directeur Général représentant le gouvernement dans la gestion de la SOBEMAP, il n’a fait que contester une anomalie très préjudiciable aux intérêts de la SOBEMAP et de l’Etat dans la procédure en cours et proposé au Gouvernement une démarche tendant à la corriger ».
Dans un mémoire complémentaire adressé à l’ARMP, le DG/SOBEMAP apporte des précisions sur les points suivants :
• la publication de l’avis d’appel d’offres restreint :« seuls les soumissionnaires préalablement identifiés et visités lors de la mission de prospection reçoivent la publicité de l’avis. L’avis d’appel d’offres restreint a été régulièrement rendu public et disponible aux soumissionnaires qualifiés pour soumettre des offres à travers l’avis général n°009/S0BEMAP/PRMP/S-PRMP/2013 du 09 décembre 2013 et les lettres d’information n°075 à 084/2013/AC/PRMP/SOBEMAP du 09 décembre 2013 y afférentes ont été adressées individuellement aux soumissionnaires concernés par la consultation restreinte » ;
• le droit applicable à ce marché : les règles de procédure d’acquisition des travaux, biens et services de la BOAD et non le code des marchés publics du Bénin ;
• la procédure conduite à Paris : elle a été conduite par le Directeur Général qui a mis en place une commission de passation à Paris : les lettres d’invitation ont été envoyées à sept (7) des dix (10) fournisseurs retenus sur la liste restreinte le 18 février 2014 et leurs offres ont été dépouillées le 21 février 2014 à Paris par la commission mise en place à Paris à cet effet.
IV- CONSTATS ISSUS DE L’INSTRUCTION
• non-respect des règles de procédure d’acquisition des biens, services et travaux financés par un prêt de la BOAD de mars 2000 et joint en annexe 3 au contrat de prêt à travers :
- non obtention de l’Avis de Non Objection (ANO) de la BOAD sur le dossier d’appel d’offres international restreint pour la fourniture de matériels de manutention portuaire avant son lancement par la PRMP ;
- non obtention de l’ANO de la BOAD sur la liste additive de fournisseurs autorisés par la DNCMP pour participer à l’appel d’offres restreint ;
• critères d’évaluation des offres non adéquats par rapport à l’envergure et à la spécificité du marché ; non prise en compte de critères de post-qualification liés au service après vente et relatifs aux coûts d’acquisition de pièces de rechange, au délai de livraison en raison de l’urgence, de la capacité technique (chiffres d’affaires), pas d’exigence d’attestation financière d’une banque ou institution financière ;
• composition irrégulière de la Commission de passation de marché mise sur pied à Paris (qui au vu de son montant doit être spécialisée) ;
• le délai accordé aux soumissionnaires pour préparer leurs offres n’offre pas les mêmes chances à ces derniers : si les 10 fournisseurs prospectés ont eu droit à 44 jours calendaires, les 2 derniers autorisés par la DNCMP n’ont eu que 14 jours ;
• le délai accordé aux soumissionnaires consultés à Paris est d’environ trois jours (18/02/14 : lettres d’invitation et 21/02/14 analyse des offres) pour un marché d’une si grande envergure.
• la BOAD a donné son avis de non objection sur l’attribution provisoire le 29 avril 2014 et les projets de marchés le 03 mai 2014, ce qui prouve que la SOBEMAP n’a pas suspendu la procédure.
• ré allotissement des lots
V- OBJET DE L’AUTO-SAISINE
De ce qui précède, il résulte que la présente auto-saisine porte sur :
• l’irrégularité de l’appel d’offres international restreint d’Agoué conduit par la PRMP de la SOBEMAP ;
• l’irrégularité de l’interruption du processus de l’appel d’offres restreint d’Agoué ;
• l’irrégularité du nouvel appel d’offres international restreint de Paris conduit par le DG de la SOBEMAP.
A- SUR L’IRREGULARITE DE L’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL RESTREINT D’AGOUE CONDUIT PAR LA PRMP DE LA SOBEMAP
Considérant qu’aux termes de la clause 3.0.1 de l’article 3 du Contrat de Prêt 2012112/PR BN 20124000 entre la BOAD et la SOBEMAP, « les biens, services et travaux financés sur le prêt sont acquis conformément aux dispositions contenues dans le document intitulé » Règles de procédure d’Acquisition des biens, services et travaux financés par un prêt de la BOAD » de mars 2000 et joint en annexe 3 audit Contrat de Prêt.
Que lesdites « Règles de procédure » prévoient, entre autres :
« – l’appel d’offres international, pour la fourniture et la pose d’équipement de manutention ;
• l’appel d’offres international pour les travaux de construction des magasins ;
• l’appel d’offres international pour les travaux de réhabilitation et d’extension de l’atelier de réparation ;
• la consultation restreinte internationale, pour le contrôle et la surveillance des travaux et des équipements ;
• la consultation restreinte dans l’UEMOA, pour la formation du personnel et l’acquisition du système informatique de gestion des conteneurs » .
Que selon la clause 9.0.3 de l’article 9 dudit Contrat de Prêt intitulée » Engagement quant au projet » « L’emprunteur (ici la SOBEMAP) s’engage irrévocablement, à compter de la date de signature du présent Contrat de prêt et aussi longtemps que des sommes en principal, intérêts ou autres seront dues au titre du Prêt, à se conformer aux dispositions suivantes, limitativement énumérées :
• soumettre à l’approbation préalable de la Banque les dossiers d’appel d’offres les comptes rendus de commissions d’adjudication, les références techniques et financières des adjudicataires et les projets de marchés et d’avenants relatifs aux biens, services et travaux acquis grâce au Prêt ;
• fournir à la Banque, un rapport trimestriel d’avancement du Projet portant sur les aspects techniques et financiers faisant apparaître les écarts entre les prévisions et les réalisations tant sur les délais que sur les coûts ;
• étudier la possibilité d’obtenir de l’Etat béninois, une dérogation pour mettre en place ses propres procédures de passation de marché en vue de la réduction des délais dans l’acquisition des biens et services.
Considérant que la clause 2.2.1 du chapitre 2 intitulé » champ d’application » stipule en son alinéa 1 « Les différentes procédures décrites .sont applicables à l’ensemble de la clientèle de la Banque. Elles s’appliquent à tous les biens et services à acquérir ou tous travaux à réaliser ainsi qu’à tous Marchés passés au titre du Prêt, pour la mise en œuvre, dans les conditions prévues à l’Accord ou au Contrat de Prêt, et sous réserve des dérogations qui peuvent leur être apportées de commun accord entre la Banque et l’Emprunteur.
Que l’alinéa 2 de ladite clause précise « Le modes de passation des marchés décrits dans les présentes Règles de procédure s’appliquent à tous le Marchés de fournitures de biens, de prestations de service et de travaux, financés intégralement ou partiellement au moyen du prêt » ;
Considérant qu’en vertu des possibilités de dérogations offertes par l’alinéa 1 de la clause 2.2.1 rappelé ci-dessus, l’emprunteur (la SOBEMAP), à la suite d’une mission de prospection en Europe et sur requête de la PRMP en date du 21 novembre 2013 adressée à la DNCMP a sollicité son avis favorable pour procéder à une consultation restreinte internationale pour l’acquisition des engins et matériels de manutention ;
Qu’entretemps, le Conseil des Ministres, en approuvant une communication relative au compte rendu de la mission de prospection qu’il a diligentée en Europe pour l’acquisition en procédure d’urgence d’engins et équipements de manutention au profit de la SOBEMAP, a donné des orientations générales pour la conduite de la passation du marché d’acquisition desdits engins et équipements et adopté la liste de dix (10) entreprises prospectées à travers l’extrait du relevé n° 25 Extra des décisions prises en sa séance extraordinaire du mardi 26 novembre 2013 ;
Que ladite liste a été validée par la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics par procès-verbal n°13-57/DSEM/2013 du 29 novembre 2013 ;
Que par requête n°002-C/2014/DG/SPRMP du 14 janvier 2014, la PRMP de la SOBEMAP a demandé l’autorisation de la BOAD pour la procédure de consultation restreinte internationale en invoquant « le caractère sensible et spécifique de même que les coûts très élevés des engins et matériels de manutention à acquérir » ;
Que par lettre n°PRESID-DAJ/DAJO-2014/O1821 du 10 février 2014, la BOAD a donné son avis favorable pour l’utilisation de la procédure de consultation restreinte internationale qui consacre un avenant pour le Contrat de Prêt ;
Considérant que cet avenant au Contrat de Prêt trouve son fondement juridique dans les stipulations aux points a), b), c) et notamment e)i) de la cause 3.2 du titre III intitulée : » Procédures de passation des marché « des Règles de procédure de la BOAD ;
Que ladite clause 3.2 stipule respectivement en ses point a), b), c) et e) i) que :
a) « L’acquisition des biens, services et travaux doit se faire comme prévu dans l’Accord ou le Contrat de Prêt) ;
b) « Si des modifications s’avèrent nécessaires, l’Emprunteur doit saisir la Banque d’une note argumentaire proposant une autre modalité devenue plus adéquate »
c) « Toute modification doit préalablement être agréée par la Banque et faire l’objet d’un avenant à l’Accord ou au Contrat de Prêt » ;
e) i) qu’ « en règle générale » ».., « s’il s’agit d’une consultation restreinte, la lettre de consultation et la liste des entreprises pressenties) doivent être soumises à la Banque « avant le lancement des consultations ».
Qu’ainsi, sur ladite liste des dix (10) entreprises prospectées et pressenties pour être consultées figurent : LIEBHERR, TEREX GOTTWALD, France TRUCK, MANULOC, CHARLES SERVICES, GROUPE CFAO, CF TECHNOLOGIES, MPI, CEA et SOLOMAT ;
Considérant donc, tel que rappelé plus haut, qu’aux termes de la clause 3.01 de l’article 3 du Contrat de Prêt 2012112/PR BN 20124000 entre la BOAD et la SOBEMAP, la procédure à utiliser pour l’acquisition des biens, services et travaux est bel et bien celle intitulée » Règles de procédure d’Acquisition des biens, services et travaux financés par un prêt de la BOAD » de mars 2000 et joint en annexe 3 audit Contrat de Prêt.
Que les procédures nationales n’étant donc pas celles devant être utilisées, la conduite de tout processus d’acquisition de biens, services et travaux selon lesdites procédures nationales, sauf celles non prévues et non contraires aux valeurs qui sous-tendent lesdites règles est irrégulière.
Considérant donc que selon la clause 3.1.2 b) du Contrat de Prêt, l’Appel d’Offres International Restreint (AOIR) est pour l’essentiel, un appel d’offres par appel direct à la concurrence ;
Que la clause 3.1.3 précise que « L’AOIR ne s’adresse qu’aux candidats que l’Emprunteur choisit, de consulter, éventuellement à la suite d’une procédure de présélection en raison notamment de la nature particulière ou des circonstances et de la spécificité concernant les travaux, les prestations à effectuer ou les biens à fournir »
Que les points b et c de ladite clause précisent respectivement qu’il ne peut être recouru à ce mode que lorsque :
« -des raisons particulières militent contre l’application stricte des règles de l’Appel d’Offres International (AOI) » ;
Qu’en faisant une lecture combinée des stipulations de la clause 3.1.3 en ses points b) et c) et de la clause 3.2 du titre III, en son point e)i), les autorisations accordées par la DNCMP à deux nouvelles entreprises pour intégrer ladite liste arrêtée par la BOAD, constituent une violation manifeste des clauses 3.1.2 et 3.1.3 des « Règles de procédure » de la BOAD relatives à l’Appel d’offres International Restreint ;
Que mieux, ces autorisations résultant de l’application de l’article 35 de la loi 2009-02 du 7 août 2009 portant code des marches publics en République du Benin résulte d’une méprise sur la procédure applicable (celle nationale ou de la BOAD) et ne s’inscrit nullement dans l’esprit et la lettre, notamment du point e)i) qui précise qu’en « règle générale » … « s’il s’agit d’une consultation restreinte, la lettre de consultation et la liste des entreprises pressenties » doivent être soumises à la Banque « avant le lancement des consultations » ;
Qu’il est indéniable que cette méprise trouve son origine dans les allégations mêmes de la PRMP de la SOBEMAP qui, devant préciser lors de son audition le droit applicable, a affirmé que : « le droit appliqué au marché d’engins de manutention au prof t de la SOBEMAP est le droit béninois (Code des Marchés Publics) pour ce qui est de la procédure menée sous sa responsabilité selon l’Autorité contractante, le document de mars 2000 de la BOAD relatif aux « règles de procédure d’acquisition de biens, services et travaux pour un prêt de la BOAD » n’était pas disponible car non annexé au dossier d’emprunt signé à Lomé. Ses requêtes et recherches personnelles ne lui ont pas permis d’obtenir ledit document, …. qu’il a alors contacté pour conseil un cadre de la DNCMP qui a répondu que la Loi béninoise a bel et bien été mise en œuvre dans les marchés publics sur prêt de la BOAD. Telles sont les circonstances qui l’ont conduit à n’appliquer que le droit béninois »
Considérant en outre que la PRMP de la SOBEMAP, après la validation du Dossier d’Appel d’Offres International Restreint (DAOIR) par la DNCMP, n’a pas cru devoir recueillir l’Avis de Non Objection (ANO) de la BOAD avant le lancement de la procédure d’AOIR ;
Que cette situation constitue une seconde violation manifeste des Règles de procédure de la BOAD applicables, notamment l’alinéa 4 de la clause 2.3.3 du chapitre 3 intitulé » Directives aux Emprunteurs et aux Soumissionnaires » qui s’énonce ainsi qu’il suit : « La Banque examine les documents d’Appel d’Offres avant leur publication ; si à un moment quelconque du processus d’acquisition des biens, services et travaux, même après l’attribution du Marché, la Banque conclut que les procédures convenues n’ont pas été suivies à une étape donnée, elle peut déclarer l’acquisition non conforme à ses règles, et tirer toutes conséquences de droit accordées par la loi, l’Accord ou le Contrat de Prêt, ou les présentes Règles de procédure ».
Considérant par ailleurs que le DAOIR non soumis à l’ANO comporte des insuffisances dont il convient de relever certaines ;
Que les pièces administratives à exiger des soumissionnaires étrangers et ceux nationaux, si ces derniers étaient autorisés, ne devraient pas être les mêmes ;
Que des caractéristiques techniques des équipements au niveau de certains lots sont laissées au choix des soumissionnaires potentiels qui doivent les proposer ;
Qu’un tel laisser-aller est susceptible de créer des difficultés lors de la comparaison des offres à l’évaluation ;
Que les critères d’évaluation et de comparaison des offres ne prennent pas suffisamment en compte ceux de post qualification tels que le délai de livraison, la disponibilité et les coûts des pièces de rechange à convertir en termes monétaires ;
Que ces anomalies auraient pu être relevées si le DAOIR était régulièrement soumis à
la BOAD avant son lancement ;
Que la procédure de passation du marché d’acquisition d’engins de manutention portuaire conduite par la PRMP de la SOBEMAP à Agoué souffre de beaucoup d’irrégularités susceptibles d’aboutir à la passation d’un marché non conforme que la BOAD refusera de financer ;
Qu’il est donc aisé de constater que la procédure d’Agoué a été tributaire de conjectures ou d’errements au plan procédural ;
Qu’il s’ensuit que la PRMP de la SOBEMAP n’a pas conduit avec rigueur le processus de passation de ce marché.
B- SUR L’IRREGULARITE DE L’INTERRUPTION DU PROCESSUS DE L’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL RESTREINT D’AGOUE CONDUIT PAR LA PRMP DE LA SOBEMAP
Considérant que les raisons de l’interruption de la procédure d’Agoué sont explicitées dans la lettre n°006-C/2014/DG du 05 février 2014 adressée par le Directeur Général de la SOBEMAP à titre de compte rendu à son Ministre, le Ministre en charge de l’Economie Maritime ;
Qu’il ressort desdites allégations du DG que la décision d’interruption du processus d’appel d’offres d’Agoué vise à faire respecter la décision du Conseil des Ministres contenue dans l’extrait du relevé extra du Conseil des Ministres rappelé plus haut ;
Qu’il convient de faire observer que le législateur Béninois de 2009 à travers la loi 2009-02 du 7 août 2009 portant code des marchés publics et des délégations de service public en République du Bénin n’a expressément conféré aucune attribution au Conseil des Ministres dans le processus de passation d’un marché public ;
Que dans ce cadre, hormis chaque membre du Gouvernement pris isolément représentant l’autorité contractante au niveau de son département, la législation et la réglementation nationales des marchés publics résultant de la transposition des directives communautaires 4 et 5 de l’UEMOA, n’ont conféré des attributions qu’à la Personne Responsable des Marchés Publics (PRMP), la Cellule de Passation des Marchés Publics (CPMP), la Cellule de Contrôle des Marchés Publics (CCMP), la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics (DNCMP), le Ministre de l’Economie et des Finances (MEF), le Maire, le Directeur Général et les autorités approbatrices au niveau des sociétés d’Etat ;
Qu’aussi, toute intervention d’un autre organe décisionnel dans le processus de passation, de contrôle ou d’approbation d’un marché d’une société ou d’un office d’Etat, non habilité par les directives communautaires ou par la législation et la règlementation nationales ne peut-elle qu’être analysée comme une immixtion irrégulière dans ledit processus ;
Que dans ce cadre, il convient de faire observer que même si cette procédure était manifestement irrégulière et que annulation devrait-il y avoir, les responsables de la SOBEMAP ou toutes personnes intéressées avaient la latitude de saisir l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) sur la base des irrégularités constatées ou sur le fondement de l’article 86 de la loi 2009-02 du 07 août 2009 ;
Qu’à l’état actuel de la législation et de la règlementation nationale des marchés, toute interruption de procédure de passation d’un marché par un organe autre que l’Autorité de Régulation des Marchés Publics est irrégulière.
C-SUR L’IRREGULARITE DU NOUVEL APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL RESTREINT DE PARIS
Considérant que celle nouvelle procédure dé localisée à Paris a été enclenchée à la suite de l’interruption irrégulière de la première, celle d’Agoué ;
Que la commission qui a conduit la procédure d’ouverture, de dépouillement, d’analyse et d’évaluation des offres, présidée par le Directeur Général de la SOBEMAP, a pour rapporteur, le représentant du Directeur National de Contrôle des Marchés Publics et pour membres, l’Inspecteur Général des Finances, Chef de Service du Ministère de l’Economie et des Finances, le Directeur Financier de la SOBEMAP, le Chef Service Inspection et Propreté des Engins, représentant le syndicat des travailleurs de la SOBEMAP ;
Qu’à l’analyse, cette commission n’est assimilable à aucune des commissions prévues par la loi 2009-02 du 7 août 2009 et le décret n02010-49 du 26 novembre 2010 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Personne Responsable des Marchés Publics (PRMP), des Commissions de passation des Marchés Publics (CPMP) et des Cellules de Contrôle des Marchés Publics CCMP).
Que la CPMP spécialisée prévue par la règlementation en vigueur au Bénin pour les marchés de grande envergure est composée de :
- « un président représentant l’autorité contractante ;
- un représentant du Ministère en charge du développement ;
- un juriste, représentant du Ministère de la Justice ;
- un représentant du Ministère en charge des travaux publics ;
- un représentant du Ministère en charge de l’Urbanisme et de l’Habitat ;
- le Directeur National de Contrôle des Marchés Publics ou son représentant ; le Directeur technique concerné ou son représentant ;
- toute personne dont la compétence est jugée nécessaire » ;
Considérant que pour justifier la régularité de la Commission de Paris, le Directeur Général fonde son argumentaire sur l’article 3.8.1 du chapitre 8 des Règles de procédure de la BOAD qui stipule que « Aux lieu, date et heure fixés dans les lettres d’invitation, les lettres d’invitation, les plis contenant les soumissions sont ouverts, dépouillés et analysés par une commission dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par l’Emprunteur » ;
Que ladite commission est composée des représentants de l’Emprunteur, des représentants de l’Etat central, actionnaire unique de la SOBEMAP à travers le Ministère de l’Economie et des Finances et un représentant de la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics au plan local pour son expertise ;
Qu’à l’évidence, aucune similitude ne peut être établie entre la configuration des commissions prévues par la réglementation nationale et celle ayant conduit le processus de passation du marché de Paris ;
Que la composition de cette commission mise en place à Paris ne s’accommode nullement du cadre institutionnel prévu par la réglementation des marchés publics en République du Bénin en vue d’assurer la séparation des fonctions de passation et d’approbation des marches publics ;
Que le cas échéant, l’approbation des marchés issus de la procédure de Paris serait effectuée par le Directeur Général de la SOBEMAP qui, ayant présidé la commission, devrait, conséquemment, en être aussi l’autorité signataire ;
Que cette situation qui ne garantit pas la séparation étanche des fonctions d’autorité approbatrice et d’autorité signataire d’un marché est irrégulière ;
Que le risque d’aboutir à une telle situation est latent étant donné que, même délocalisée à Paris, au 50 Rue des Vignes 92000 Nanterre Résidence Paris-Nanterre bureau 117, le processus de signature et d’approbation des projets de contrats issus de cette procédure, ne peut que continuer et s’achever sur le territoire national ;
Qu’en tout état de cause, il est en droit, de jurisprudence constante, que l’incompétence est une cause de nullité absolue ;
Que tout projet de contrat signé dans de telles conditions ne peut qu’être entaché d’irrégularités ; Considérant par ailleurs qu’il n’a pas été prouvé que le DAOIR ayant servi à l’appel d’offres international restreint de Paris a été régulièrement soumi-s à la DNCMP pour validation et à l’Avis de Non Objection de la Banque ;
Que dans son mémoire en défense, le Directeur Général de la SOBEMAP a déclaré que le dossier utilisé pour sélectionner les nouveaux attributaires du marché est constitué en partie du dossier de consultation du 09 décembre 2013 hormis les points contraires aux procédures de la BOAD à savoir :
• le non respect de l’article 3.1.3 du chapitre l, Titre III qui dit que seuls les candidats (prospectés, visités) donc jugés techniquement qualifiés et choisis par l’emprunteur (SOBEMAP) sont consultés ;
• le non respect des dispositions des articles 3.6.20 à 3.6.24 du chapitre 6 des Règles de la BOAD relatives aux conditions d’allotissement, de soumission et de gain de un ou plusieurs lots ;
Considérant que sur les dix (10) fournisseurs prospectés figurant sur la liste restreinte, seulement sept (7) ont été consultés et ont participé à l’AOIR de Paris ;
Que dans sa réponse à cette situation présumée anormale, le DG de la SOBEMAP a expliqué que les deux fabricants exclusifs de Grue mobile Portuaire que sont L1EBHER ET TEREX GOTTWALD n’ont plus été consultés en raison de ce que l’étude qui a conduit au dimensionnement initial du projet date de plus de deux (2) ans ;
Qu’entre-temps, certains travaux confortatifs recommandés par ladite étude devraient être effectués par le Port Autonome de Cotonou, pour permettre entre autre, le dégagement du bord à quai ;
Qu’à la date de la consultation à Paris, le magasin n°5 qui se trouve sur l’emprise des engins de manutention lourd que sont les grues de quai n’est pas détruit et ne le sera plus ;
Que dès lors, l’acquisition d’une grue de quai qui coûte plusieurs milliards de francs CFA n’était plus urgente car sa rentabilité devenait incertaine du fait de la non destruction dudit magasin ;
Que la non consultation du troisième fournisseur Charles Services est liée au fait que lors de l’AOIR de décembre 2013, il n’a répondu que sur une seule feuille laissant de côté, le dossier d’appel d’offres, donnant ainsi à l’autorité contractante la preuve d’un désintéressement vis-vis du marché ;
Que plusieurs autres fournisseurs figurant sur la liste restreinte ont proposé le type de matériel qu’il proposait de fournir ;
Considérant cependant que la BOAD a marché son avis de non objection sur les propositions d’attribution des marchés de la SOBEMAP pour un montant global de 9.247.324.132 francs CFA par télécopie n°06036 du 29 avril 2014 ;
Qu’en tout état de cause aucune logique ne peut sous-tendre la délocalisation de la deuxième procédure à Paris.
Qu’il s’ensuit que les règles de procédure de la BOAD et les dispositions de la loi n°2009-02 du 07 août 2009 qui ne sont pas contraires auxdites règles de procédure de la BOAD n’ont pas été respectées dans la mise en œuvre de la procédure de ce marché à Paris et qu’elle est aussi irrégulière.
PAR CES MOTIFS ET SANS QU’IL SOIT NECESSAIRE DE STATUER SUR LES
AUTRES MOTIFS,
DECIDE
Article 1er : La procédure d’Appel d’Offres International Restreint (AOIR) n°009/S0BEMAP/PRMP/S¬PRMP/2013 conduite par la PRMP de la SOBEMAP est annulée.
Article 2 : La procédure d’Appel d’Offres International Restreint (AOIR) conduite par le Directeur Général de la SOBEMAP à Paris est annulée.
Article 3 : La PRMP de la SOBEMAP est tenue de reprendre la procédure de passation du marché d’acquisition de matériels de manutention portuaire au profit de la SOBEMAP, conformément aux règles de procédure d’acquisition des travaux, biens et services de la BOAD et aux dispositions de la loi n°2009-02 du 07 août 2009 qui ne sont pas contraires auxdites règles.
Article 4 :La PRMP de la SOBEMAP met en place une commission spécialisée à cet effet conformément à l’article 25 du décret n° 2010-496 du 26 novembre 2010 portant attributions, organisation et fonctionnement de la PRMP, de commissions de passation et des cellules de contrôle des marchés publics.
Article 5 : La présente décision sera notifiée :
- à la Personne Responsable des Marchés Publics et au Chef de la Cellule de Contrôle des Marchés Publics de la SOBEMAP ;
- au Directeur Général de la SOBEMAP ; au Président de la BOAD ;
- au Président du FONAC ;
- au Directeur National de Contrôle des marchés publics
- au Président de la République.
Article 6 : La présente décision sera publiée dans le Journal des Marchés Publics, dans le quotidien « LA NATION » et sur le Site web de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics.