Pettez-moi de m’interroger à nouveau sur la mission réelle de l’expert commis par le chef de l’Etat en secours aux sociétés d’Etat. Puisque ce n’était pas tant la traque des mauvais gestionnaires qui faisait défaut. Aux dires du president Yayi lui-même, rien que les audits déjà réalisés suffisent à expédier presque tous les directeurs généraux desdites sociétés derrière les barreaux. Certains y sont d’ailleurs ou ferait l’objet de procédures diverses bien avant le recours à l’expert de la bonne gestion venu de Washington. On pouvait bien s’en passer si ce n’est juste que pour énumérer les entailles faites chaque jour dans les caisses des entreprises publiques ou semi-publiques. Surtout qu’avec ou sans son expertise, l’impunité était garantie pour tous ces Dg (Port, Sobemap, Opt, Sbee, Cncb, Soneb) grâce à la seule magnanimité du chef de l’Etat qui avoue hésiter à tirer toutes les conséquences de droit des rapports d’audit.
En clair, l’identité des pilleurs de ces sociétés ainsi que le montant approximatif de leurs méfaits sont connus ; même s’il n’y a pas de sanction. Que veut-on alors de l’expert Michel Dognon ? Parce qu’il faut plus que des prêches sur les bonnes méthodes de gestion pour empêcher les gens de voler les deniers publics. Encore faudrait-il qu’il s’approprie les méandres de la machine de gouvernance du Bénin. Il faut, en effet, que Dognon soit capable d’agir déjà sur le besoin de financement en évitant qu’il y ait de nouvelles nominations, des élections, des crises sociopolitiques. Toute nomination en période de refondation entraîne meetings de remerciement ; toute crise sociopolitique entraîne prière ; toute élection demande de l’argent pour acheter les consciences et les votes. C’est à se demander si les K.O électoraux auraient pu prospérer en 2011 sans l’activisme débordant des responsables des sociétés d’Etat érigés en leaders politiques incontournables de leurs régions d’origine respectives. Ils devront redoubler de détournement, de gré a gré, de surfacturations si la refondation ambitionne d’autre challenges tels que la révision constitutionnelle. À quel niveau de ce mécanisme devrait donc intervenir l’expert Washington pour conjurer les dérives imminentes ?
Personne ne peut dénier à l’expert Dognon une compétence avérée. Son remède d’introduire un système informatique et de communication efficient dans la gestion des entreprises publiques est d’une pertinence incontestable. Cela permet à coup sûr d’accroître les performances et de réaliser de substantielles économies sur les coûts de gestion. Parole d’expert. Reste la dimension politique, la plus déterminante dans le processus de pillage des ressources du Bénin. C’est-à-dire la capacité de l’expert à trouver d’autres sources de financement autres que les marchés gré à gré, les surfacturations, les détournements, les missions fantaisistes, les fraudes pour régler les factures des meetings de remerciement, des marches de soutien, des séances de prières, des tournées d’explication des actions du pouvoir et des campagnes électorales.
A supposer que malgré son implication pleine et entière dans la restructuration des entreprises concernées les saignées se poursuivaient sans discontinuer. Ils serait intéressant de savoir si Michel Dognon engagerait sa responsabilité personnelle. C’est important de savoir ce qui resterait de sa crédibilité en cas de persistance des saignées dans les entités présumées avoir bénéficié de son expertise au bout de quelques mois. Il va lui falloir alors faire preuve d’honnêteté intellectuelle en reconnaissant sa part dans la poursuite de la mauvaise gouvernance dans les sociétés d’Etat. Il est d’ores et déjà irrémédiablement lié par le show médiatique auquel il s’est associé à l’annonce de son entrée en scène alors qu’il n’a encore rien prouvé sur le terrain.