l ne faut jamais comparer que des choses comparables. Cependant, la situation actuelle de l’Eurozone est d’un si crucial intérêt qu’il ne faut plus hésiter à établir des parallèles avec le cas de l’UEMOA. En particulier, il s’est passé tellement de choses ces jours derniers qu’il est fort à parier que certains dogmes vont s’écrouler sous les coups de boutoir de la crise.
Premièrement, il y a la querelle la plus vive, celle de l’austérité qui s’est enflammée depuis quelques mois, et a pris une autre tournure avec la montée en flèche du chômage en Europe. Il a atteint un nouveau record en mars, touchant 12,1% de la population active totale de la zone euro, avec des pics en Espagne (26,7%) et en Grèce (27,2%). En France, il tourne autour de 10,2 %, alors que les records enregistrés à deux reprises, en 1994 et en 1997, l’établissaient à 10,8 % en métropole. Faut-il alors continuer à professer l’austérité dans un tel contexte de crise sociale?
Il faut, en effet, reconnaitre que les Européens sont victimes des théories qu’ils ont établies et qu’ils se sont imposées. En 2010, deux chercheurs américains Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff avaient été largement cités pour avoir montré comment la croissance économique est moins élevée dans les pays ayant une dette supérieure à 90% du PIB. Dès lors, les avocats de la rigueur avaient pris la balle au bond, affirmant partout qu’il était nécessaire de réduire les déficits budgétaires pour retrouver la croissance économique. Et c’est dans la foulée que la crise grecque a permis d’expérimenter les mesures d’austérité concoctées à grands renforts de coupes budgétaires et de mesures fiscales tombant sur Athènes comme une pluie de grêles. Le pays a frôlé l’effondrement, oblige dès lors de se plier à la cure violente imposée par ses partenaires. La Grèce se relève doucement, au prix d’une saignée sociale sans précédent. Tout cela rappelle ici les fameux Programmes d’ajustement structurel et leurs cortèges de pauvreté et de misère.
Deuxièmement, trois économistes de l’université du Massachusetts, Thomas Herndon, Michael Ash et Robert Pollin, ont remis en cause récemment le lien entre la dette et la croissance, affirmant que cette relation est pour le moins fragile. Ils entendent montrer par là les limites de l’austérité accusée dès lors d’engendrer la récession et le chômage. Et la polémique d’enfler à nouveau. Elle est de savoir si la faible relation entre la dette et la croissance est due au fait que la dette crée une croissance plus lente ou si les périodes de faible croissance conduisent à un niveau d’endettement élevé. Nuances…
Christine Lagarde, Directrice générale du FMI, dont la position est connue, l’a encore réaffirmé hier : « il n’y a pas d’alternative à l’austérité ». Elle s’aligne de fait sur les positions allemandes, Angela Merkel étant devenue carrément la “chancelière de l’austérité” dans une Europe en crise. C’est le Président de la Commission, José Manuel Barroso qui a semblé lui répondre le mois dernier en clamant que le prix politique de l’austérité était difficilement supportable. Paris n’en pense pas moins, d’ailleurs.
Dans ces conditions, comment ne pas analyser la baisse hier des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne (BCE) comme un appel à la souplesse. «La baisse des taux d’intérêt devrait contribuer à soutenir les espoirs d’une reprise plus tard dans l’année», disait Mario Draghi, Président de la BCE. Parce que les évidences sont là : le déficit budgétaire français ne risque pas de se combler avant deux ans et l’austérité risque à terme d’aggraver une situation sociale déjà délétère.
Enfin, où donc est l’Afrique dans tout ça ? La crise actuelle donne de très mauvaises leçons à nos Etats. L’épée de Damoclès de l’UEMOA qui a atteint un déficit de 5,3% en 2012 contre 6,4% en 2011, fera désormais moins peur. La barrière des 3% de déficit budgétaire n’est désormais qu’une donnée franchissable. Les Etats seraient tentés de desserrer l’étau en prenant exemple sur « nos ancêtres les Gaulois ». Si un pays comme le Bénin prévoit pour 2013 un déficit de 3,4% (contre 4,1% en 2012 et 3,6% en 2011), il faut se demander si le débat européen ne va pas agir sur ses dirigeants. Mais, s’ils veulent mon avis : dans la crise actuelle, l’Europe est un contremodèle.