Marcel Baglo et son agence de gestion des frontières ont constaté mercredi dernier lors de leur visite d’inspection dans la localité de Towè, commune de Pobè que quatre bornes frontières érigées pour fixer les limites entre le Bénin et le Nigéria ont été repoussées sur 1500 mètres vers le Bénin. Même si face à l’ampleur de la situation, une décision de soumettre le dossier à la commission mixte bénino -nigériane de délimitation des frontières, il n’en demeure pas moins que la question de la limitation des frontières du Bénin est entière et mérite bien qu’on s’y attarde si on est encore un état souverain.
Héritage de la colonisation qui a balkanisé l’Afrique en 1885 sous le Chancelier du Reich Otto Von Bismarck à la conférence de Berlin, les milliers de kilomètres de frontières artificielles que le Bénin partage avec ses voisins divisent non seulement les pays mais également les peuples de la même aire culturelle et géographique. Il y a quelques années encore, les écoliers du cours primaire au Bénin apprenaient que la superficie de leur pays était de 112.600 km². Limité au sud par l’océan Atlantique, à l’est par le Nigeria, à l’ouest par le Togo et au nord par le Niger et le Burkina Faso, ce territoire s’est depuis réduit à peau de chagrin - et les Béninois ne manquent pas d’humour à ce propos.
Grignoté par la mer du fait de l’ érosion côtière grandissante, amputé par le grand voisin de l’est, le Nigéria à Sèmè Kraké, Owodé dans la commune de Sèmè Kpodji, Aglogbè, Médédjonou dans Adjarra… par le Burkina Faso du côté de Kourou-Koalou près du fleuve Pendjari, le Niger avec la perte de l’île de Lété devant la Cour internationale de Justice à la Haye, le Bénin n’a plus une superficie de 112.600 km²Plus grave aucun béninois ne plus se targuer de dire avec certitudes la superficie de son pays. Attribut de souveraineté, le Bénin, l’a perdu. Les nombreux conflits frontaliers qui ont opposé le Bénin à ses voisins n’ont pas suffit à amener les gouvernements successifs à arranger cette tare de la colonisation. De mémoire de Béninois, j’ai encore en souvenir l’affrontement manqué en 1994 entre les armées béninoise et nigérienne pour la propriété de l’île de Lété sur le fleuve Niger que se partagent les deux pays frères. Le même scénario est d’actualité à Kourou-Koalou pourtant considéré comme neutre avant le verdict de la Haye.
. Ces querelles autour de ligne de démarcation déteignent sur le bon voisinage entre les communautés frontalières qui partagent souvent les mêmes réalités culturelles. On retrouve ce cas de figure entre le Togo à Sanvee-Condji et le Bénin à Hilla-Condji au sud, et au nord entre Nadoba au Togo et Boukoumbé au Bénin. Sous d’autres cieux, le partage du Yorouba ou Nago entre les peuples béninois et nigérians de part et d’autres des différentes frontières en est une illustration. Face à tout ce qui précède, il est temps que le Bénin mette en priorité une politique de délimitation et sécurisation de ses frontières poreuses. Mais en attendant que le rêve d’une Fédération des Etats-Unis d’Afrique devienne une réalité pour mettre fin à cette balkanisation de l’Afrique, la gestion des frontières reste toujours un problème lancinant. Même si pour les populations riveraines, ces frontières n’existent pas en tant que telles.