Les autorités communales d’Abomey-Calavi sont sur la sellette. Les députés veulent mettre sur pied une commission d’enquête d’information et de contrôle pour faire la lumière sur le bradage des parcelles et des réserves administratives dans cette commune. Le sujet a fait l’objet d’une question orale avec débat hier jeudi 12 juin à l’Assemblée nationale en présence du gouvernement représenté par le ministre en charge de la Décentralisation, Isidore Gnonlonfoun.
Par Thibaud C. NAGNONHOU
Les députés s’invitent dans le débat relatif au bradage des terres dans la commune d’Abomey-Calavi. Le dossier était en plénière hier à l’Assemblée nationale. A l’issue des débats, les députés ont décidé de mettre sur pied une commission d’enquête aux fins de voir clair dans les faits dénoncés et pratiquement reconnus par le ministre en charge de la Décentralisation, Isidore Gnonlonfoun. Celui-ci a fourni des éléments de réponse à la question orale avec débat posée par le député Léon Comlan Ahossi et neuf autres de ses collègues.
Les révélations du ministre
Dans son intervention qui a séduit tous les députés, le ministre en charge de la Décentralisation n’est pas allé par quatre chemins pour reconnaître l’effectivité de la mauvaise gestion foncière évoquée par les initiateurs de la question. Selon lui, les faits sont réels et dépassent l’entendement. «Le bradage des terrains d’habitation, de morcellement et de vente abusifs des réserves administratives et parcelles disponibles par les autorités communales restent une préoccupation majeure qui se pose avec acuité dans la commune d’Abomey-Calavi en particulier et la quasi-totalité des communes du Bénin en général», a d’entrée de jeu souligné le ministre. Il a annoncé que son ministère n’est pas resté les bras croisés face à l’ampleur des plaintes, dénonciations et rumeurs persistantes relatives à ladite question. Il a été organisé un atelier de réflexion sur les problèmes de lotissement qui a réuni tous les maires et les préfets de département. A la suite de ce séminaire, Isidore Gnonlonfoun dit avoir effectué en novembre 2012 une descente inopinée dans la zone de palmeraie communément appelée ZOPAH dans la commune d’Abomey-Calavi. Son objectif, explique-t-il, était d’aller constater l’existence effective et l’état des réserves administratives constituées à l’occasion de lotissement. Il a failli tomber en syncope tant les plaintes des populations s’étaient avérées. Le ministre Joseph Gnonlonfoun dit avoir relevé une mauvaise gestion des lotissements, notamment des réserves administratives légalement constituées pour les besoins de développement. Des domaines destinés notamment à la construction d’infrastructures au profit du ministère en charge de la Jeunesse et des Sports et au ministère en charge de l’Environnement ont été bradés et vendus. A l’en croire, au regard des manquements constatés, il a pris plusieurs résolutions en vue de mettre fin à la saignée. Des instructions fermes ont été données aux préfets de département, chacun dans son ressort, aux fins de l’interdiction formelle du morcellement et de la vente des réserves administratives. Aussi, l'autorité ministérielle dit-elle avoir instruit le maire d’Abomey-Calavi pour poser des plaques d’identification sur toutes les réserves et faire arrêter tous travaux de construction privés en cours sur les parcelles concernées dans la commune. En dehors de ces mesures qu’il qualifie de conservatoires, le ministre ajoute le contrôle, l’identification et l’élaboration d’un répertoire des parcelles disponibles et des réserves administratives issues des opérations de lotissement dans certaines communes du Bénin. Cette dernière action qui touche 26 communes fortement concernées par la question va démarrer bientôt avec la mise en place des membres de la commission nationale, a souligné Isidore Gnonlonfoun pour montrer la détermination du gouvernement à mettre fin à cette mafia foncière qui règne en maître au sein de cette commune reconnue comme étant la cité dortoir de Cotonou. Pour le ministre, le problème n’est pas un défaut de texte. Mais un problème du type d’homme qu’est le Béninois toujours prêt à contourner les lois de la République.
Arrêter la saignée
Dans leurs réactions, les députés toutes tendances politiques confondues ont désapprouvé ce scandale foncier. Le phénomène de la mafia foncière a pris des proportions telles que à Abomey-Calavi et si rien n’est fait, cette commune risque d’être un village difficile à vivre, a souligné le député Léon Comlan Ahossi, l'auteur de l'interpellation du gouvernement. Son collègue Edmond Zinsou saluera aussi Isidore Gnononfoun pour les mesures audacieuses qu’il a prises pour mettre fin à la mauvaise gestion foncière qui a cours dans toutes les communes et particulièrement à Abomey-Calavi. Le député Félicien Chabi aussi scandalisé dit ne pas comprendre comment les colons ont réussi le lotissement de Cotonou et qu’on soit incapable depuis 1982 à ce jour nous-mêmes à réaliser le lotissement d’Abomey-Calavi. Selon lui, cette question ne sera réglée que par la loi foncière et domaniale déjà adoptée et dont les décrets d’applications sont en cours. Jonas Gbénamèto va surtout inviter les députés à prendre leurs responsabilités. Il a suggéré la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour voir de près les faits dénoncés et reconnus par le gouvernement. «Les espaces publics deviennent de plus en plus rares et insuffisants et c’est en ce moment que les réserves administratives font l’objet de bradage. Ce n’est pas normal», souligne-t-il pour révéler que le mal n’est pas qu’Abomey-Calavi. Cette mafia foncière existe aussi à Sèmè-Podji où selon lui, un cimetière d’arrondissement est en cours de morcellement. Cette proposition de création de commission d’enquête parlementaire sera fortement soutenue par les députés Nicaise Fagnon, Claudine Prudencio, Zéphirin Kindjahoundé et consorts. «La seule solution est de mettre sur pied une commission d’enquête parlementaire à Abomey-Calavi pour avoir du crédit auprès des populations qui subissent les affres de cette mafia», souligne Zéphirin Kindjanhoundé. «Nous avons le dos au mur par rapport à la mafia foncière», ajoute son collègue Emile Tossou qui propose à l’urgence pour le gouvernement, le pouvoir judiciaire et le Parlement de mutualiser leurs efforts pour venir à bout du problème.