Djakpata », c’est le nom par lequel on désigne la vipère dans certaines langues du sud Bénin. Il y a quelques années, c’est un quotidien béninois qui s’est octroyé le même nom pour des raisons qui sont propres à son promoteur. Plus récemment, le nom « djakpata » est sorti des réflexions ingénieuses des autorités du ministère de l’intérieur et des hauts gradés de la police pour dénommer une opération coup de poing qui vise à décourager définitivement les malfrats, les suspects et autres larcins qui troublent la quiétude des paisibles populations béninoises. Et l’opération a bel et bien pris corps puisque presque tous les jours les résultats sont exposés devant les caméras par les initiateurs et leurs coéquipiers qui sont à la recherche de mérite pour avancer.
Et les professionnels des médias mettant de côté les règles et l’éthique de leur profession se confondent aux incultes exposant les visages desdits malfrats sur les écrans de télévision avec à l’appui des interviews forcées pour établir la culpabilité devant le public. Une sorte de jugement populaire où les individus présentés et dont on n’a pas participé à la traque et dont on ne sait toujours où et comment ils ont été interpellés sont obligés- face à la menace de l’outillage de l’armada d’hommes en uniforme prostrés en embuscade- de se déclarer coupables. Or, en temps normal et selon le code d’éthique et de déontologie des médias, ils devraient être considérés comme des présumés coupables jusqu’au moment où la culpabilité ait été établie au cours d’un jugement rendu par un tribunal compétent. Fort de cela, leur identité et leur image devraient être protégées quelques soient la « presse » des hommes en uniformes. Mais hélas, ils disent et nous acquiesçons comme si leur éthique et déontologie s’implosent aux nôtres ! Et la conséquence logique, c’est qu’ils vont nous toiser du coin de l’œil et se dire : « voilà des analphabètes d’une corporation qui se dit quatrième pouvoir ». Manipulés ! Oui, nous le sommes, puisqu’ils nous utilisent à leurs fins.
Arrêtons-nous un instant sur cette opération pour dire qu’en fait le flic « djakpata » ne fait pas que détecter les actes criminogènes. Au nom de ce serpent venimeux très redoutable, des flics poursuivent des personnes dont les poches présentent des reliefs, les piquent et les renvoient ; c’est la Chronique d’un djakpata pickpocket ! D’autres agitent leur venin devant les étalages d’essence de contrebande pour faire fuir les vendeurs têtus et les déposséder ; dans certains coins, les motos subissent aussi la loi de « djakpata ».
Bref, « djakpata » n’est plus redouté pour la seule menace qu’il représente lorsqu’il mord sa victime ; il mord aussi les poches, piquent les motos et vident les bouteilles d’essence de contrebande. Oh « djakpata » nouvelle formule !
A une époque très récente, nous avons assisté à des vagues de zémidjans émergents, des enseignants émergeants, des agents de santé émergeants, des juristes émergeants, des politiciens émergeants, des élèves et étudiants émergeants, des douaniers émergeants, des policiers et gendarmes émergeants, des militaires émergeants, des journalistes émergeants, etc. Et je me demande si bientôt il n’y aura pas des « djakpata » dans tous ces domaines… Si c’est le cas, attention à son venin. Ceci n’est que le décor planté pour une réflexion plus approfondie sur ce terme ancien-nouveau « djakpata ». Mais avant de vous quitter, il semble que des « journalistes djakpata » existeraient déjà dans nos organes. Ce serait vraiment intéressant d’en parler. Réfléchissez-y, observez dans votre environnement et parlons-en.