YAOUNDE- Confinée à une place marginale pour un taux de 12% du total des exportations après avoir été une des principales sources d’approvisionnement du marché international pour un quart de l’offre jusqu’au début de la décennie, l’Afrique se repositionne peu à peu sur l’échiquier à travers des initiatives de relance de sa caféiculture dans ses différents pays producteurs.
Dans un classement dominé par l’Ethiopie et l’Ouganda, le continent noir recense pays producteurs des cafés robustas et arabica. Ses exportations s’établissent à 12 millions de sacs (de 60 kilos) pour un marché qui croît de 2,5% en moyenne par an et accuse un déficit de 22 millions de sacs pour satisfaire la demande, selon l’Organisation internationale du café (OIC).
"L’Afrique produisait environ 25% de la production mondiale, qui correspondait à peu près à 20 à 25 millions de sacs. Aujourd’hui, elle est à moins de 15 millions de sacs. La principale raison, c’est d’abord la baisse des prix au cours des années 2000, puis la libéralisation de la filière dans les années 1990 qui a donné un mauvais signal", a récemment souligné à Xinhua Denis Seudieu, économiste en chef à l’OIC.
La libéralisation évoquée est une décision brusque prise par les gouvernements africains en application d’une exigence de désengagement de l’Etat des secteurs productifs due à des programmes d’ajustement structurel imposés, sous le prétexte d’une sévère crise économique mondiale survenue à la fin des années 1980, par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).
D’un effet dévastateur, cet acte, suivi plus tard d’une chute drastique des cours mondiaux de café, a occasionné une série de problèmes structurels ayant pour conséquence d’avoir plongé la filière dans une morosité profonde mal vécue par les paysans, poussés pour beaucoup au découragement et à la désaffection vis-à- vis de ce produit de rente parmi les principales sources de recettes d’exportation.
Pendant ce temps, de nouveaux producteurs importants ont émergé en Asie et ont séduit le marché. Parmi eux, le Vietnam.
"Le Vietnam est autour de 26 millions de sacs maintenant. Alors que dans les années 1980 il produisait à peine un million de sacs. Mais l’Afrique a quand même des origines de café qui sont de bonne qualité, qui sont appréciées sur le marché mondial", note Denis Seudieu.
A l’occasion de la deuxième édition fin mai à Yaoundé d’un festival organisé par le Cameroun sous le nom de Festicoffee, l’OIC, de concert avec l’Organisation inter-africaine du café ( OIAC) et l’Agence des cafés robustas d’Afrique et de Madagascar ( ACRAM), a invité à un regain de dynamisme avec l’implication de tous les acteurs de la filière pour tirer profit d’un marché actuellement attractif.
Pour son économiste en chef de nationalité camerounaise, "si la relance est effective, la demande du café africain va reprendre". Pour l’heure, ce sont des pays d’Europe de l’Ouest au rang desquels l’Allemagne, l’Italie ou encore la France qui constituent les principales destinations de ce café.
Avec ses 8 millions de sacs l’an, l’Ethiopie en est le principal fournisseur, précisément d’arabica, et le 4e mondial, derrière le Brésil, l’Indonésie et le Vietnam. En tête pour le robusta, l’Ouganda occupe la 2e place au classement général. Les deux champions réussissent à se maintenir grâce à une politique de rajeunissement du verger satisfaisante qui fait défaut dans d’autres pays producteurs.
"Même la Tanzanie aussi s’y met. Donc, il appartient aux autres pays africains comme le Cameroun et la Côte d’Ivoire qui étaient des leaders de café de rajeunir leurs vergers. C’est un problème général mais de façon plus poussée au Cameroun, compte tenu de la perte de production : de 120.000 tonnes à 40.000 tonnes, parfois même 25.000 tonnes, imaginez l’impact sur la vie du paysan", observe Seudieu.
Le cas éthiopien est par ailleurs intéressant en ce sens que le pays "consomme presque la moitié de sa production. C’est ça d’ailleurs même qui soutient l’industrie en Ethiopie. Parce que même quand le prix international est mauvais, comme il y a aussi une consommation intérieure qui est forte, ça permet toujours de donner un prix intéressant aux producteurs."
C’est l’un des objectifs poursuivis par Festicoffee camerounais depuis sa première édition en 2013 et qui, pour la récente en mai sous le thème "café : la reprise", a consacré une journée baptisée "consommons notre bon café", programmée dans 21 villes du Cameroun, dont Yaoundé et 8 autres capitales africaines : Abidjan, Bangui, Freetown, Lagos, Libreville, Lomé et Monrovia.
A l’initiative du Conseil interprofessionnel du cacao et du café (CICC) en collaboration avec le ministère de la Culture, cette opération notamment soutenue par l’OIAC et l’ACRAM visait surtout à susciter "un nouvel intérêt pour le café robusta", selon le secrétaire général de l’ACRAM, Anselme Bouton.
"Le café robusta aujourd’hui a besoin d’être soutenu au niveau de la recherche. La recherche travaille assez bien pour permettre d’avoir un rendement meilleur. Le rendement est encore bas. Or, le marché est demandeur. Quand le marché est demandeur et que nous n’avons pas assuré, nous créons l’effet contraire", a expliqué à Xinhua le responsable institutionnel.
Pour Anselme Bouton en outre, "il y a eu un marché qui a subi le choc de la crise. Donc, les prix ont chuté et malheureusement les politiques n’étaient pas suffisamment développées pour soutenir et stabiliser les prix aux paysans. Ce qui a fait que les paysans étant découragés ont relâché. Maintenant, on sent la volonté politique qui s’exprime parfaitement dans tous ces pays producteurs de café robusta."
Et de conclure : "Nous sommes à la reprise actuellement. A partir du moment où un investisseur vient, il faut qu’il s’assure qu’il aura le produit de qualité au moment voulu. Parce que si on investit dans la transformation et à un moment donné il y a rupture dans la chaîne de production, dans l’itinéraire technique, ça affecte l’investissement".