Alors que tout roule presque au ralenti dans le secteur judiciaire, le gouvernement n’a pas trouvé mieux que de vouloir faire voter une loi qui arrache le droit de grève aux magistrats. Une provocation de plus qui n’arrangera rien dans les relations exécrables qui lient l’Exécutif au pouvoir judiciaire.
Le gouvernement s’apprête à mettre le feu aux poudres dans le secteur judiciaire. Conseillé par des pyromanes, il veut retirer aux magistrats le droit de grève. Le pouvoir a visiblement décidé de troubler l’atmosphère déjà tendue et très infectée qui caractérise la Justice. Car, après plusieurs mois de grève dans le secteur judiciaire, aucun pouvoir Exécutif sérieux ne peut prendre une telle initiative. L’objectif de l’entreprise est connu : œuvrer à la mise au pas de la Justice. Seulement, l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab) a découvert le manège et entend prendre ses précautions. En effet, interrogé dimanche dernier sur le sujet au cours de l’émission Zone Franche de Canal 3, le président de l’Unamab, Michel Adjaka n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. « Au lieu d’instaurer le dialogue, le gouvernement s’oppose et trouve maintenant qu’il faut arracher aux magistrats le droit de grève. En lieu et place de solutions pacifiques, le gouvernement crée d’autres situations. Mais il nous aura au dos », a-t-il martelé. Et de poursuivre : « Le droit de grève est balisé par la Constitution en article 31 et je ne vois pas cette loi qui peut la remettre en cause. On ne peut jamais nous arracher le droit de grève à condition de réviser la Constitution ». Au cas où, le gouvernement réussirait à faire aboutir son entreprise, Michel Adjaka a menacé dans une interview accordée à Le Matinal la semaine écoulée : « En France, au Sénégal ou en Afrique du Sud, pour ne citer que les exemples souvent invoqués par le gouvernement où les collègues n’ont pas le droit de grève, les syndicats de magistrats ont toujours allègrement et impunément observé des mouvements de grève d’autant plus que l’interdiction de ce droit relève d’un abus ou tout au moins d’un détournement de pouvoir de légiférer. La magistrature béninoise ne dérogera pas à cette option qui a fait ses preuves ailleurs » (Lire Le Matinal du mercredi 11 juin 2014).
Le soutien de l’Amab attendu
Dans ce combat, plusieurs organisations syndicales ont déjà apporté leur soutien à l’Unamab. Dans un communiqué conjoint (Lire le communiqué dans Le Matinal du lundi 16 juin 2014), la Confédération des syndicats des travailleurs du Bénin (Cstb) et la Fédération des syndicats des travailleurs de l’administration des Finances (Fesyntra-Finances) « attirent l’attention des travailleurs qu’il s’agit d’une revendication de tout le peuple béninois car lorsque la politique (le pouvoir exécutif) se mêle de la Justice, il n’y a plus de démocratie ». Pour elles, tous les travailleurs doivent mener la bataille avec l’Unamab afin de protéger la justice des prédateurs de libertés. Ce combat qui porte sur la protection d’un droit constitutionnel, peut être naturellement aussi celui de l’Association des magistrats du Bénin (Amab), le second syndicat de la corporation des magistrats. Car, ce droit reste l’un des derniers moyens de résistance de la Justice face à un Exécutif très envahissant. L’Unamab a donné l’alerte et l’Amab a intérêt à la soutenir car, la garantie du droit de grève des magistrats lui permettra au moins de continuer d’exister.
Face à la menace, le Parlement pourrait lui aussi faire un choix réfléchi afin de sauver la démocratie. Une majorité peut se constituer pour empêcher l’initiative de ceux qui veulent liquider les acquis de la Conférence nationale. Ne pas le faire, c’est tomber dans le piège d’un gouvernement qui a perdu l’estime de ses mandants et dont le seul objectif aujourd’hui est de bâillonner toutes les forces qui tiennent un discours autre que le sien.