Depuis peu, le pouvoir en place tente de mettre au pas la justice et la presse. Les intimidations et les manœuvres de domestication pratiquées par le régime constituent un mauvais présage pour la démocratie et la paix en République du Bénin.
Attention au danger qui arrive ! Les troisième et quatrième pouvoir sont dans le viseur du régime en place. C’est une stratégie qui vise à mettre au pas ces piliers de l’Etat de droit. Tout se passe dans la perspective de 2016. Et désormais, les gens y vont à visage découvert. Et puisqu’on sait qu’on ne peut rien face à la résistance de deux forces incontournables (la presse et la justice), on utilise l’une pour fragiliser l’autre. Le plan du régime est de fermer la bouche aux journalistes. On veut les intimider à travers les assignations et l’application stricte des décisions de justice, relatives aux délits de presse. En dehors des dossiers, en cours, on apprend que d’autres plus anciens seront réveillés. Pour réussir son coup, le pouvoir est décidé à placer à des postes stratégiques des magistrats aux ordres. Comme l’a toujours souligné Michel Adjaka, Président de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab), le pouvoir veut compter sur ces bons magistrats aux ordres. Mais il n’arrive toujours pas à les trouver et c’est ce qui retarde les corrections des nominations. Dès qu’il trouvera des éléments dont il a besoin, des maillons importants de la justice seront dressés contre la presse et des journalistes se retrouveront régulièrement en prison. Des organes de presse seront aussi suspendus et le 4è pouvoir se verra fragilisé. L’objectif visé est d’opposer la presse à la justice puis de voir les journalistes se plier aux ordres du pouvoir.
En plus de ce schéma qui se dessine, il y a les magistrats eux-mêmes qui sont menacés déjà. La suspension du droit de grève est brandie et l’objectif est de les réduire au silence. Ce coup, une fois réussi, permettra au pouvoir d’avoir son monopole sur cette corporation judiciaire. Et donc, les magistrats n’auront plus de voix pour dénoncer les nominations et affectations illégales.
La presse étant mise à genoux, il n’y aura plus personne pour crier au secours. Le complot proprement dit sera mis en œuvre et sous les regards impuissants du peuple, 2016 pourrait être une continuité pour ce régime. En clair, le pouvoir veut opposer la presse aux magistrats, réussir à les affaisser et opérer un passage forcé en 2016 à travers la révision de la Constitution et le maintien au pouvoir des actuels maîtres du jeu.
Les preuves des démarches en cours
Deux exemples illustrent les manœuvres du gouvernement. Le premier : malgré tout, le gouvernement a refusé d’abolir les peines privatives de liberté des journalistes. C’est une réalité dans beaucoup de pays de l’Afrique de l’Ouest et il n’y a aucun inconvénient à l’appliquer en République du Bénin. Les Associations des professionnels des médias ont tout fait mais le projet de loi en route pour l’Assemblée nationale contient toujours des dispositions qui indiquent l’emprisonnement des journalistes en cas de délit de presse (Cf arts : 299 à 310 de la section 3 du projet de code, sauf dernière modification des références). La prison est bel et bien ouverte pour les journalistes au Bénin, selon le projet de loi.
Le second acte du gouvernement : Il y a 37 jours à cette date, un journaliste a été jeté en prison pour délit de presse. Il a même été interpellé sur mandat d’arrêt pour répondre d’une condamnation de 90 jours. N’est-ce pas drôle, dans un pays qui défend le respect de la liberté d’expression et de la presse ? Peu avant lui, un autre responsable d’organe a été condamné à trois mois d’emprisonnement, assorti de sursis. Son journal, suspendu pour trois mois également. Le même journaliste a été gardé à vue à la brigade des recherches pendant une journée pour n’avoir pas suffisamment diffusé son acte de condamnation. Face à ces manœuvres du pouvoir, les journalistes n’en veulent pas aux magistrats. Ils savent que leur malheur, c’est le régime en place.
Ces agissements relèvent de l’intimidation. Il faut préciser que le dernier cas d’interpellation concernant le patron d’un journal est relatif à un dossier qui l’oppose au Président de la République, détenteur du pouvoir de grâce.
Pour celui qui sait lire les actes, c’est un plan qui est en cours d’exécution. Il y a longtemps qu’un Chef d’Etat a poursuivi un journaliste jusqu’à ce point. Et connaissant Yayi Boni, s’il n’a rien derrière la tête, il aurait laissé tomber depuis. Faut-il le rappeler, ces actes interviennent quelques mois seulement après sa participation et ses assurances faites aux deuxièmes Etats généraux de la presse béninoise (tenus en février 2014 à Cotonou).