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Les motifs évoqués pour le retrait du droit de grèves des magistrats en République du Benin
Publié le jeudi 26 juin 2014   |  24 heures au Bénin


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© Autre presse par DR
Assemblée nationale du Benin


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Le Parlement du Bénin est saisi d’une proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature. Une initiative de 45 députés proches de la mouvance au pouvoir. En attendant le verdict de la plénière, votre journal.publie ici en intégralité les motifs évoqués par les signataires de la loi.

Le pouvoir judiciaire est le gardien des droits et libertés des citoyens définis par la Constitution et les lois de la République. Ce rôle de gardien des droits et libertés devient incompatible avec la jouissance incontrôlée du droit de grève par les magistrats tel que nous vivons le phénomène au Bénin.


I- Rappel de faits :


Nous avions assisté à des mouvements de grèves enclenchés pour 72 heures, renouvelés à loisir à compter du 24 janvier 2012, sans qu’aucun service minimum n’ait été prévu. Cette grève suite à une déclaration faite par le garde des sceaux à la faveur de la journée internationale de lute contre la corruption. Pourtant, qui ne connait pas le degré d’embrasement de ce phénomène de société dans notre pays ? Qui aurait déjà oubliéqu’ 2005, plusieurs magistrats, pour la plupart les plus expérimentés de la corporation, ont été condamnés à des peines d’emprisonnement ferme pour détournement de derniers publics ? Le premier rempart contre la corruption dans un Etat de droit c’est d’abord et avant tout la justice !
Combien de fois l’UNAMAB a sensibilisé ses militants sur la gravité du phénomène dans la corporation.
Le vendredi 27 juillet 2012, l’Union Nationale des Magistrats du Bénin( Unamab) s’est réunie pour déplorer la décision d’annulation de la passation de charge entre Anjorin et Attolou et pour décider après d’une grève d’avertissement de soixante douze (72) heures pour compter du mardi 31 juillet 2012 à zéro heure au jeudi 02 août 2012 à vingt quatre (24) heures.
Dans le cadre des négociations relatives aux avantages matérielles des magistrats, alors que le processus suivait son cour normal, l’Unamab estimant que le garde des sceaux aurait affiché un mépris et une provocation gratuite décida le 02 novembre 2012 :


1° de maintenir la suspension des sessions de cour d’assises et des sessions du tribunal pour enfants statuant en matière criminelle décidée à l’Assemblée Générale du 06 juillet 2012
2° de solliciter du chef de l’Etat une audience afin de l’informer du blocage des négociations et de rechercher les voies et moyens pour la reprise des travaux du comité jusqu’à l’examen de touts les points inscrits à la plate-forme revendication ;
3° de déclencher à compter du mardi 20 novembre2012 à 00 heure une grève de 72 heures renouvelable par tacite reconduction si la situation de blocage perdurait ; comme si toutes ces souffrances injustes infligées aux paisibles populations ne suffisaient pas, c’est justement au dépôt de charges que nous voudrions conséquemment et très respectueusement l’inviter, précise une autre déclaration de la corporation des magistrats.


II- Analyse des faits


A l’analyse, les différents mouvements de grève organisés par l’union nationale des magistrats du Bénin, n’ont pas respecté le principe universellement établi dans la conduite des mouvements de grève : recourir à l’arme de la grève seulement en situation ultime, c’est-à-dire lorsque toutes les autres voies de recours ont été épuisées.
D’autre part, l’UNAMAB ne tien aucunement compte de la mission fondamentale du pouvoir judiciaire : le pouvoir judiciaire est le gardien des droits et libertés des citoyens garantis par la constitution et les lois. Et les magistrats restent des fonctionnaires spéciaux ainsi qu’il résulte de leur statut particulier et de la mission fondamentale du pouvoir judiciaire.



III- Des contre exemples


Alors que le droit de grève est interdit aux magistrats en France (confère l’article 10 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature),au Sénégal ( confère loi organique n° 92-27 du 30 mai 1992), au Burkina-Faso ect…. Au bénin ce droit a été formellement établi par la loi n° 2001-35 21 février 2003 portant statut de la magistrature. Les orientations prises par le législateur béninois en la manière semblent uniques dans notre espace de partage judiciaire. L’article 10 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature en France dispose :
Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire.
Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions.
Est également interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions.


Au Sénégal, au-delà du droit de grève, le droit d’être syndiqué est aussi refusé. Dans ce pays, les fonctions judiciaires sont incompatibles avec tout mandat électoral. Les magistrats sont inéligibles aux assemblées politiques. Ils ne peuvent donc ni être députés, ni conseillers dans les assemblées locales ou régionales.
Au Sénégal, les magistrats même en position de détachement, n’ont pas le droit d’adhérer à un parti politique. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions.
Les magistrats Sénégalaisne peuvent se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève. Il leur est interdit d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer.


IV- Contenu de la disposition en vigueur au bénin.


En effet, l’article 18 de cette loi dispose :


Article 18 : comme citoyens, les magistrats jouissent de la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion, ils sont libres de se constituer en association ou en toute autre organisation ou de s’y affilier pour défendre leurs intérêts, promouvoir leur formation professionnelle et protéger l’indépendance de la magistrature.
Toutefois, dans l’exercice de leurs droits, les magistrats doivent se conduire de manière à préserver la dignité de leur charge et à sauvegarder l’impartialité et l’indépendance de la magistrature.


Pourtant, tous les magistrats savent qu’ils peuvent utiliser les moyens de droit pour faire valoir leurs revendications. Ils savent aussi qu’il leur est loisible d’adresser un recours gracieux au président de la République pour lui demander de rapporter l’acte qu’ils estiment illégal. Certainement que tout cela ne permet pas de jouer sous manteau à la politique politicienne qu’on connaît à tous les fonctionnaires béninois !
S’agissant de l’article 10, les dispositions contenues dans le premier alinéa sont superfétatoires. Car, les droits prévus à cet article sont déjà garantis à tous les citoyens béninois (dont les magistrats), par les articles 23 et 31 de la Constitution de la République du bénin.
L’article 31 dispose : l’Etat reconnait et garantit le droit de grève.
Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève, s’exerce dans les conditions définies par la loi.


V- Jurisprudence de la cour constitutionnelle


Selon la jurisprudence de la cour constitutionnelle (décision DCC 11- 065 du 30 septembre 2011), le droit de grève bien que fondamental et consacré par l’article 31 précité, n’est pas absolu ;
Qu’en effet est absolu ce qui est sans réserve total complet sans nuance ni concession qui tient de soi-même sa propre justification et est donc sans limitation de toute représentation qui échappe a toute limitation et a toute contrainte qu’en disposant que le droit de grève s’exerce dans s’exerce dans les conditions définies par la loi le constituant veut affirmer que le droit de grève est un principe a valeur constitutionnelle mai qu’il a des limites et habilite le législateur a tracer lesdites limites en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève est un moyen et la préservation de l’intérêt général auquel la grève est de nature a porter atteinte qu’en ce qui concerne les services public la reconnaissance du droit de grève par le constituant ne saurait avoir pour effet obstacle au pouvoir du législateur d’apporter a ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui tout comme le droit de grève a le caractère d’un principe a valeur constitutionnelle qu’en raison de ce principe les limitations apportées au droit de grève peuvent aller jusqu’à l’interdiction dudit doit aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays qu’ainsi l’Etat par le pouvoir législatif peut aux fins de l’intérêt général et des objectifs a valeur constitutionnelle interdire a des agents déterminés le droit de grève.


VI- Position de l’organisation internationale du Travail OIT


L’organisation internationale du travail OIT dans son 336ème rapport cas no 2383 affirme :


« Les fonctionnaires de l’administration et du pouvoir judiciaires sont des fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et leur droit de recourir a la grève peut donc faire l’objet de restrictions telle que la suspension de l’exercice du droit ou d’interdictions »


VI- Dilemme du législateur béninois


Face à la situation de grèves répétées qui paralysent indéfiniment les cours et tribunaux sur l’ensemble du territoire national il importe que l’on s’interroge sur la proportionnalité entre les revendications des magistrats et les souffrances des justiables au regard des missions spécifiques assignées à la justice qui est et demeure pourtant un service public. Le législateur béninois se trouve devant un dilemme qu’il se doit de trancher : continuer de privilégier le droit de grève des fonctionnaires de l’administration et du pouvoir judiciaires, d’un côté ou prendre parti au droit a la justice des populations, de l’autre, les initiateurs de la présente proposition de loi ont pris désormais parti pour les populations.



V- Concluions


Les grèves répétitives des magistrats constituent une violation des droits fondamentaux et des principes garantis par notre constitution.
Elles constituent notamment :
- Une violation des droits de l’homme ;
- Une violation des droits des personnes détenues ;
- Une violation du droit à la justice des citoyens.


1. De la violation des droits de l’homme


Aux termes de l’article 18. Alinéa 4 de la loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin nul ne peut être détenu pendant une durée supérieure à 48 heures que par la décision d’un magistrat auquel il doit être présent. Ce délai ne peut être prolongé que dans des cas exceptionnellement prévus par la loi et qui ne peut excéder une période supérieure à huit(08) jours.
L’absence de magistrats dans les juridictions est préjudiciable à la mise en œuvre de cette exigence constitutionnelle.


2- Le droit des personnes détenues


Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré…. Ce principe édicté par le pacte relatif aux droits civils et politiques en son article 9alinéa 3 est violé par les recours intempestifs au droit de grève par les magistrats.


3-Droit d’accès à la justice


L’article 7 de la charte africaine des droits de l’homme qui fait partie intégrante de notre constitution en son point l-a et qui dispose : toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue. Cedroit comprend entre autres : le droit desaisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnues en garantis par les conventions, les lois les règlements et coutumes en vigueur. Les mêmes grèves nuisent gravement au droit d’accès et de jouissance de la protection et des arbitrages judiciaires. Eu égard à tout ce qui précède, l’article18 de la loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature, dans sa formulation actuelle, ne permet pas un bon fonctionnement de notre justice. Il expose le peuple béninois à des violations massives et répétées des droits de l’homme à cause de son laxisme avéré. Il mérite d’être revu pour une meilleure protection des droits de l’homme. Le moment est venu de permettre à notre justice, d’avoir un meilleur fonctionnement comme en France, au Sénégal, ou ailleurs….


C’est pourquoi, la présente proposition de loi, en modifiant l’article 18 de la loi susvisée en discussion, se conforme au fond, au droit et pratique international en la matière. Enfin, le dernier alinéa de l’article 18 nouveau est rajouté pour sanctionner tout manquement aux nouvelles normes édictées.


Telle est la teneur, Monsieur le Président, de la présente proposition de loi que nous vous prions de soumettre à l’appréciation de notre auguste assemblée.

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