Beaucoup d’interprétations ont été faites du mutisme des avocats, huissiers de justice et autres notaires depuis la polémique autour de la proposition de loi de certains députés portant retrait du droit de grève aux magistrats. Mais depuis hier, la position de l’ordre des avocats est connue. D’après Me Charles Badou, reçu hier sur Canal3 Bénin, l’ordre des avocats est contre cette proposition qui tend à ôter aux magistrats un droit fondamental. En plus clair, il a affirmé que pour rien, ce droit constitutionnel ne doit être grignoté, selon les humeurs ou selon les circonstances du moment.
(Lire ci-dessous l’intégralité de l’entretien qu’il a accordé à Canal3 Bénin)
Quelle lecture faites-vous de la proposition de loi qui vise à retirer le droit de grève aux magistrats ?
Il faut dire que l’ordre des avocats ne peut que désapprouver cette loi. Nous ne cautionnons pas cette loi. Il s’agit plutôt de désapprouver de manière ferme, cette proposition de loi. C’est quand même assez regrettable que, pour régler les problèmes, on soit obligé de procéder à des contorsions ou d’agiter des propositions de loi. Il s’agit d’un problème posé par les magistrats. Ils ont des revendications. L’ordre des Avocats dont je suis le porte-parole, fustige cette proposition de loi qui cherche à ôter aux magistrats un droit fondamental ; il s’agit d’un droit constitutionnel.
Les députés approchés ont justifié l’initiative de cette proposition de loi par le fait que les populations sont fatiguées de la grève des magistrats, elles veulent qu’on leur rende justice. Qu’en pensez-vous ?
Les populations sont fatiguées par le délestage, par les voies qui sont impraticables. Mais la solution du délestage n’est pas d’aller démanteler tout ce qu’il y a comme centrale électrique au Bénin. Il faut chercher à régler les problèmes plutôt qu’à les déplacer.
On s’attendait à voir le barreau béninois représenté à cette Assemblée généralePourquoi n’étiez-vous pas présent ?
Le barreau n’a pas été invité. Le barreau n’a pas pour habitude de s’immiscer là où il n’est pas invité. Si le bâtonnier était invité, il serait venu lui-même, ou il se serait fait représenter.
Dites-nous, quelles conséquences peut avoir une suppression du droit de grève aux magistrats ?
Je ne veux pas parler de conséquences, parce que, pour l’Ordre des Avocats, on ne doit pas en arriver là. C’est un droit constitutionnel qui ne doit pas être grignoté, selon les humeurs ou selon les circonstances du moment.
Les députés disent que c’est pour répondre à vos préoccupations, c’est-à-dire, les avocats, les notaires, les huissiers de justice qui sont fatigués de voir les tribunaux fermés qu’il y a eu cette proposition.
Essayons de distinguer. C’est sûr que par rapport à cette grève qui est observée, les cabinets d’avocats subissent le contre coup. Nous en sommes conscients. Et c’est pour cela que ce que l’ordre des avocats recherche, c’est plutôt que des solutions soient trouvées entre le gouvernement et les magistrats et que les différends soient résolus de manière définitive, parce que les grèves sont pernicieuses et reviennent de manière pérenne depuis un certain temps. Il y a eu des grèves d’avertissement et autres. De là, à dire que nous cherchons à ce que le droit de grève soit ôté aux magistrats, il y a un pas que nous ne franchirons pas dans l’Ordre. L’Ordre n’a jamais voulu et n’a jamais dit à qui que ce soit que, pour régler les problèmes posés par les magistrats, il faille leur ôter le droit de grève.
Selon vous, le droit le droit de grève est-il une liberté institutionnelle ?
Le droit de grève est un droit fondamental. C’est une liberté constitutionnelle qui ne doit souffrir d’aucune exception, même la loi n’a pas prévu des exceptions. Je parle ici des magistrats. Au Bénin, ce droit ne doit souffrir d’aucune exception.
Depuis que cette polémique enfle dans notre pays, on n’a pas encore vu le barreau réagir, les huissiers et autres. Cela ne pose-t-il pas un problème ?
Ça ne pose aucun problème. Le barreau réagit selon les canaux qui sont les siens. Aujourd’hui, c’est le barreau que vous avez invité, plus précisément le bâtonnier qui m’a demandé de le représenter sur votre antenne. Déjà le barreau réagit. Vous avez la position du barreau qui est de dire qu’il est contre toute velléité d’ôter aux magistrats le droit de grève. L’ordre a des canaux habituels par lesquels il réagit. Et cela a été fait et cela continuera de se faire.
A quoi doit-on s’attendre très prochainement de la part de l’ordre ?
De façon concrète, de la part de l’ordre, le bâtonnier aura à s’exprimer d’une manière ou d’une autre pour donner la position de l’ordre quant à ces questions fondamentales. Vous aurez d’autres manifestations, mais malheureusement, je n’ai pas le droit de vous les dévoiler, parce que limité par le mandat que le Bâtonnier m’a donné.
Comment se porte l’avocat béninois ?
L’avocat béninois se porte très bien. Seulement que dans nos cabinets, nous subissons les contrecoups de cette grève-là : Nos clients qui sont en détention, les dossiers qui pâtissent de la grève etc… C’est pour cela que nous demandons de manière pressante aux magistrats et au gouvernement de trouver une solution à ce problème. Et pour autant, nous n’allons pas demander que le droit de grève soit supprimé pour ce qui est des magistrats.
Que comprendre du slogan « Pas un pas sans un avocat » ?
Il faut comprendre que nous devons aller dans le sens des anglo-saxons. Ils ne font rien de fondamental sans avoir préalablement consulté l’avocat. Tout ce que vous devez faire a une conséquence juridique. Même quand vous prenez le Zémidjan, cela a une conséquence juridique, de même que lorsque vous achetez votre pain. De sorte que dans la vie, nos concitoyens ont véritablement intérêt à consulter à tout moment l’avocat. Bien évidemment que l’avocat ne vous accompagne pas dans votre chambre nuptiale, encore qu’il n’est pas trop loin.