La grogne contre la proposition de loi relative à l'amendement de l'article 18 de la loi n°2001-37 du 21 février 2003 portant Conseil supérieur de la magistrature ratisse large, sauf dans le groupe des députés auteurs dudit texte de loi. Alors que la persistante grogne prend des dimensions importante et inquiétante, l’honorable Djibril Débourou et les siens sont montés au créneau comme pour défier les hommes en toge à qui ils promettent de tout mettre en œuvre pour arracher leur droit de grève. Pourtant, le style, le discours et les arguments choisis par les conférenciers qui étaient face à la presse parlementaire ce lundi 30 juin 2014, font penser à une mission commandée visant à tenir en respect toute une corporation vue comme dernier rempart contre un dessein politicien.
Au-delà d’une simple réforme envisagée par le Parlement, le projet de restriction des libertés syndicales aux magistrats risque de donner lieu à un bras-de-fer entre magistrats (appuyés des centrales et confédérations syndicales) et députés. C’est du moins ce qu’annonce la guerre de déclarations née entre l’institution parlementaire et l’Union des magistrats du Bénin depuis la dernière sortie des députés auteurs de la proposition de loi relative à la suppression du droit de grève aux magistrats.
Défensive
Quatorze(14) des quarante cinq (45) députés signataires de la proposition de loi relative à l'amendement de l'article 18 de la loi n°2001-37 du 21 février 2003 portant Conseil supérieur de la magistrature étaient face à la presse ce lundi 30 juin 2014. Il était question pour ces derniers de dénoncer ce qu’ils appellent « une avalanche de réactions allant de la simple réprobation à des menaces ouvertement proférées contre les députés signataires ». Reconnaissant que la constitution du Bénin, en son article 31 dispose que « l’Etat reconnait et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi. », Djibril Débourou et ses collègues ont souligné que l’article 96 de la même constitution énonce : « l’Assemblée nationale vote la loi et consent l’impôt. » De même, l’article 98 dispose que la loi détermine les principes fondamentaux du droit de travail, de la sécurité sociale, du droit syndical et du droit de grève. Se prévalant de leurs prérogatives car étant seuls détenteurs du vote des lois, les signataires expliquent que leur « conscience a été interpellée par la banalisation des mouvements de grève du fait de leur caractère intempestif, d’une part, et de la perte exorbitante subie par le contribuable béninois, d’autre part ».
Contre-attaque
Très actif sur les réseaux sociaux et dans les médias, par ces temps de crise dans le secteur de la Justice, le président de l’Union des magistrats du Bénin n’a pas tardé à répondre à ses détracteurs. En effet, moins de 24h après la sortie des députés, le magistrat est revenu dans une publication sur son compte Facebook, sur les raisons de la surpopulation carcérale. Dans son exposé, le secrétaire général de l’Unamab axe les défaillances du système judiciaire sur trois points essentiels : les nominations irrégulières, sources de démotivation, la gestion approximative du personnel et la construction de juridictions sans prisons. En un mot, les dysfonctionnements relevés par Michel Adjaka trouvent leurs solutions dans la satisfaction des revendications des magistrats en grève.
Mission incomprise
A bien y voir, les signataires de la proposition de loi querellée semblent s’inscrire dans un mauvais rôle. Plusieurs faits permettent de le penser. Primo, le projet des députés est critiqué par non seulement les professionnels du secteur de la Justice, mais aussi et surtout les acteurs de la société civile, les politiques, les syndicalistes de tous ordres et même le Béninois lambda. Secundo, le jusqu’auboutisme de certains députés malgré la volte-face de certains signataires (dont le nombre est porté à trois avec la démission de Parfait Houangni) frise à un acharnement entretenu par la ferme volonté soit de satisfaire à un égo, soit d’honorer à un engagement. Tertio, pourquoi c’est seulement la Justice qui intéresse les députés auteurs de la proposition de loi alors que la grève cause aussi bien de dommages dans d’autres secteurs non moins sensibles ? Par ailleurs, les revendications des magistrats qui sont restées inchangées depuis bientôt un an, ne sont-elles pas connues de tous? Qu’ont fait ces députés qui, en plus de légiférer sont investis d’une mission de contre-pouvoir, pour mettre le gouvernement face à ses responsabilités, pour n’avoir pas su utiliser les deux moratoires à lui accordés par l’Unamab. Etait-il opportun pour ces députés de faire une option aussi radicale et, à la limite, liberticide ?