L’homicide sur le juge Séverin Coovi peine à livrer ses secrets. Au cours de la deuxième journée d’audience, hier jeudi 3 juillet, ni le principal accusé, Clément Adétona, ni son co-accusé, Raïmi Moussé qui a également comparu, n’a fait avancer véritablement les débats. Hélas !.
La dénégation systématique, c’est la stratégie de défense choisie par le principal accusé Clément Adétona au procès dans l’affaire assassinat du juge Coovi démarré mercredi dernier. L’inculpé est resté dans sa logique, niant en bloc ses propres déclarations faites à l’enquête préliminaire et devant le juge instructeur. Il rejette toutes les charges sur ses co-accusés Raïmi Moussé et Ramane Amadou qu’il a impliqué à tort ou à raison dans l’affaire.
Quand il s’agit d’éclairer la Cour sur sa propre participation à l’événement douloureux survenu le dimanche 6 novembre 2005 ou de révéler ce qu’il a juste vu cette nuit-là, il ramène son histoire de la fameuse «noix magique» que lui aurait fait avaler le sieur Raïmi Moussé pour dire «qu’il ne se possédait plus en ce moment et qu’il n’a aucune souvenance des faits».
Contrairement à ses déclarations lors des étapes précédentes de la procédure, il soutient que ce dernier ne lui a jamais proposé la somme de 1 million francs CFA et une maison pour l’assassinat du magistrat Coovi. Clément Adétona, le détenu qui paraît bien robuste même après plus de huit ans de prison, n’a pas daigné aider la Cour à comprendre ce qui s’est réellement passé. Adages, proverbes, passages bibliques, tout est mis en œuvre par le tenace accusé pour tenir en haleine l’assistance et tenter d’emballer la Cour, les avocats dans ses diatribes.
Le gardien Boni Kora Yarou à qui il a commandé par deux fois du «ablo» et qui est revenu constater que la maison était totalement vide tard dans la nuit, a déposé à nouveau hier matin à la barre.
Le militaire retraité n’a pas varié dans ses déclarations. Il sera même réconforté dans ses propos par Fernand Sodjèdo et Abiola Alabi Magloire Folahan, respectivement chauffeur et garde de corps de feu Séverin Coovi. Ils disent avoir vu des traces de sang sous la paillotte ainsi que des tessons de bouteille quand ils sont venus le lendemain matin (lundi 7 novembre 2005) au domicile du défunt. Clément Adétona aurait servi que c’est une femme qui a rendu visite au président Coovi qui s’était blessée et qu’il a dit avoir pris du crésyl pour nettoyer.
Les deux hommes auraient ensuite composé à plusieurs reprises les trois numéros de téléphone portable de leur patron qui sonnaient dans le vide, avant de lancer l’alerte pour sa recherche, laquelle investigation conduira à la découverte le lundi vers 14 heures du corps amoché du juge dans la malle arrière de son véhicule de fonction au quartier Zongo II dans le 3e arrondissement de Parakou et avec son sac à bord. Emouvants témoignages L’émotion était à son comble lorsque le chauffeur relatait ses constats au lendemain de l’homicide. Il s’est fondu en larmes et est resté sans voix pendant de longues minutes. La veuve qui essayait de retenir ses larmes depuis le début du procès, n’a pas pu s’empêcher d'éclater en sanglots.
En ce moment, Clément Adétona est resté imperturbable dans son fauteuil. Invité à se prononcer sur certaines déclarations qui visiblement le plongent et font resserrer l’étau autour de lui, l’accusé certainement bien préparé à son jeu, n’a d’autres réponses que : «Je ne sais pas», «Je ne me rappelle pas», «J’étais déjà sous l’effet de la noix fétiche».
Sacré Clément Adétona ! Multirécidiviste, rappelons qu’il a été condamné déjà au moins deux fois pour vol d’effets vestimentaires puis vol de traverses de rails. Il s’est également évadé deux fois de prison avant de purger sa dernière peine alourdie à cause de ses évasions répétées, détention vers la fin de laquelle il a été proposé à l’ex-président de la Cour d’appel de Parakou pour des corvées à son domicile. Mais comment peut-on proposer quelqu’un de cette moralité, de ce parcours criminel et carcéral pour servir une autorité comme le président Séverin Coovi ont demandé les avocats de la partie civile. Celui qui a fait cette proposition, c’est un certain Idrissou Goussongui.
Il était appelé, lui aussi, à déposer hier à la barre en tant que témoin. L’adjudant, ex-chef de la brigade pénitentiaire de la prison civile de Parakou, explique que Clément Adétona avait fini presque de purger sa peine, qu’on pouvait le laisser en corvée dehors sans garde.
Le sieur Clément Adétona sortait même déjà en compagnie d’un autre détenu, conducteur du camion de la prison civile de Parakou, auprès de qui il était apprenti chauffeur, a-t-il ajouté. Héééé, s’écrie la salle ! Clément Adétona accuse, Raïmi Moussé récuse Le sieur Raïmi Moussé, co-accusé, cité par le cuisinier du défunt comme celui qui s’est introduit nuitamment au domicile du défunt peu avant l’assassinat et qui lui aurait promis une somme d’argent et une maison pour son «silence» pour éliminer l’ex-président de la Cour d’appel de Parakou, a rejeté en bloc toutes les allégations faites à son encontre par Clément Adétona. Il ne se lassait de répéter : «C’est faux… Archifaux... Du mensonge grossier… C’est du montage.
C’est une fausse accusation…». A la confrontation entre ce dernier et son accusateur, la scène est digne d’un jeu d’enfants, d’un jeu de ping-pong.
L’un accuse, l’autre réplique et récuse. Raïmi Moussé relate comment il a fait la connaissance de feu Séverin Coovi qui l’aurait aidé au sujet de deux différentes affaires : l’une relative à son licenciement par une institution de microfinance et l’autre, à un domaine acheté à Natitingou qu’on aurait tenté de lui arracher. Dans la première, explique-t-il, son droit de licenciement est passé de 1 200 000 à 5 017 000 F CFA, après jugement en appel.
Dans la seconde, la décision rendue en première instance a été infirmée en appel et le domaine qu’il devrait déguerpir, lui est revenu avec des dommages et intérêts. L’arrêt en ce qui concerne l’affaire de terrain n’est même pas signé avant l’assassinat de celui qu’il considère comme «le messie», celui qui lui a «essuyé les larmes».
Comment peut-il alors ôter la vie ou participer à un acte qui attenterait à la vie de son bienfaiteur alors même qu’il n’avait pas encore la signature de celui-ci pour jouir de la décision rendue en appel ?, se demande Raïmi Moussé. Il dit avoir beaucoup d’ennemis à cause de ces affaires, lesquels seraient certainement, selon lui, à la base de ses ennuis depuis plus de huit ans.
En ce qui concerne Clément Adétona qui l’accuse, Raïmi Moussé dit ne l’avoir vu que deux fois chez lui. La première fois, précise-t-il, il s’est présenté comme le jeune frère de son ami, le président Séverin Coovi, et lui aurait demandé que ce dernier a voyagé et que lui Clément ne disposait plus de moyens. De là, il aurait demandé à sa femme qu’on lui donne des vivres auxquels il a ajouté la somme de 1000 francs CFA.
La seconde fois, poursuit Raïmi Moussé, c’est le samedi 5 novembre et non le dimanche 6 novembre 2005 comme déclaré par Clément Adétona. Ce jour, celui-ci lui aurait amené un sachet de noix de coco et a demandé en retour s’il pouvait lui trouver quelque chose.
«Je lui ai remis 1000 francs CFA », a laissé entendre Raïmi Moussé. « En dehors de ça, je n’ai aucun lien avec Clément Adétona », a-t-il déclaré. Il dit n'avoir été reçu au domicile de feu Coovi que rarement et que ce dernier lui a fait l’amitié de lui rendre visite deux fois aussi.
En attendant la vérité ! Entretemps, les esprits se sont échauffés, notamment dans le camp des avocats de l’accusé Raïmi Moussé, qui ont déploré que les questions du ministère public soient de tendance à incriminer coûte-que-coûte leur client.
Ils déplorent également le fait que l’avocat général n’ait posé jusque-là que des questions à charges à leur client. «En ce qui concerne les questions à décharge, le ministère public est en route », dira Pascal Dakin pour calmer tant soit peu l’atmosphère qui se viciait.Dans l’ensemble, au terme de la deuxième journée d’audience, un flou opaque pèse encore sur les circonstances du meurtre du juge Séverin Coovi. Néanmoins, du côté des avocats de la partie civile, comme de celui du conseil des co-accusés de Clément Adétona, tous gardent espoir que la vérité triomphera, tout en condamnant le mystère qu’entretient encore Clément Adétona au sujet de cette affaire. L’audience reprend ce vendredi matin à 9 heures.Pour rappel, la Cour qui connaît du dossier depuis mercredi 2 juillet dernier n’a pas varié.
Elle est composée du président: Huguette Théodora Balley-Falana, des assesseurs: Edouard Ignace Gangny et Alleya Gouda Baco (Séïbou Boni Kpégounou : suppléant) et des jurés Godfroy José Mensah Akuété, Clarisse Dogo, Razack Dougbé, Narcisse T. Djanguédé et Mazou Issa (juré suppléant).
Le ministère public est représenté par Pascal K. Dakin. Me Brice Dossou-Yovo en est le greffier audiencier. Les intérêts de l’accusé Clément Adétona sont défendus par Me Cosme Amoussou et ceux de Ramane Amadou par Me Laurent Mafon. Quant à Raïmi Moussé, sa défense est assurée par les avocats : Evelyne da Silva,