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La Nation N° 6022 du 4/7/2014

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Association de malfaiteurs dépouillant les motocyclistes (29è dossier) : Charlemagne Awadédji écope de 20 ans de travaux forcés
Publié le lundi 7 juillet 2014   |  La Nation




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Seul sur le banc des accusés, tête baissée comme en introspection en attendant l’ouverture de son procès, Charlemagne Awadédji est face à son destin, lui qui a fait de longues études qu’il arrêta en classe de CE2 à l’âge de 17 ans. A l’évocation de son nom, il se porte à la barre, s’y tient tête baissée et décline son identité. Ce menuisier de 37 ans est face à son destin. La cour de céans, composée de Célestine Bakpé (présidente), Michel Romaric Azalou et Marie-Josée Patinvoh (assesseurs) et des jurés Alabi Oladakpo, Honoré Hounyèmè, Léopold Pascal Marcellin Bada, Antoine Hossou Houessi décidera de son sort à l’aune des débats dont la transcription est assurée par Me Théogène Zountchékon, greffier d’audience. Ses avocats Olga Anassidé et Brice Ulrich Houssou tenteront de mettre hors de cause, celui qui chrétien évangélique hier, s’est converti à l’Islam en prison et a beaucoup prié au point d’avoir une marque noire sur le front.

Il y a quelques années, des délinquants d’un genre particulier faisaient parler d’eux à Cotonou et environs. Ils dépouillaient les motocyclistes de leurs sacs ou même de leurs engins, assénant parfois des coups de coupe-coupe à ceux qui leur résistaient. L’accusé d’hier était l’un d’entre eux. Les faits, présentés par la cour, indiquent que « Le mercredi 1er juillet 2009, aux environs de 6h, Laurent Dominto, conducteur de taxi-moto, transportant le sieur Théodore Thierry Koulogbo de l’Eglise Sacré-Cœur à destination de la gare routière de Guinkomey, aurait été intercepté au niveau du troisième pont par Charlemagne Awadédji et Robert Houéto, qui étaient également sur une motocyclette. Ceux-ci les auraient contraints à s’arrêter et sous la menace d’un pistolet, les auraient dépouillés de leurs bagages avant de vouloir emporter la motocyclette. Charlemagne Awadédji et son compagnon se sont heurtés à une farouche résistance de Laurent Dominto. Suite à une vive altercation, l’un d’entre eux a tiré et Laurent a reçu la décharge en pleine poitrine. Une patrouille de la Gendarmerie a fait irruption sur les lieux et réussit à arrêter Charlemagne alors que son compagnon Robert parviendra à prendre la fuite. Interpellé, Charlemagne a reconnu les faits à lui reprochés, tant à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur avant de se rétracter en partie au cours de la confrontation. » Si son bulletin n°1 de casier judiciaire ne porte mention d’aucune condamnation, l’enquête de moralité réalisée à son sujet n’est pas édifiante. Aux termes du rapport d’expertise psychiatrique, il ne présentait aucun trouble mental grave au moment des faits.
L’accusé reconnaît les faits et renseigne
A la barre, il parle d’une voix à peine audible. Se fait inviter par la présidente à bien s’exprimer et à la regarder dans les yeux. Il raconte que c’est son ami Robert Houéto qui est allé quelques jours plus tôt l’avertir qu’ils iraient dépouiller des passants de leurs sacs. Partis de Akpakpa au petit matin de ce mercredi 1er juillet 2009, Robert conduisant la moto, ils auraient repéré une victime potentielle à hauteur de Sacré-Cœur, un client remorqué par un conducteur de taxi-moto ‘’zémi-djan’’ qu’ils ont suivi jusque sur le pont où le conducteur, par une manœuvre habile, l’a coincé pour l’obliger à se garer. Ils cherchent alors à les détrousser. Le zémi-djan et son client résistent. Robert lui tire dans le bras à l’aide d’un pistolet. La victime se met à crier, s’en suit une altercation entre les parties. C’est à ce moment que lui Charlemagne récupère le porte-monnaie du client du zémidjan. Quand les secours arrivent, Robert, plus agile et bien bâti, réussit à s’échapper. Quant à lui, le grappin lui est mis dessus par une patrouille de la Gendarmerie nationale qui passait. Interpellé par la cour, Charlemagne déclare avoir conscience qu’en suivant son ami pour la cause annoncée, il savait qu’il allait voler et avoue que ce n’était pas la première fois. Pour accomplir leur sale besogne, ils s’arment d’armes blanches, couteaux et autres objets contondants. Ce n’est qu’après que Robert a commencé à faire usage d’arme à feu. Leurs opérations précédentes ont eu lieu à Cotonou notamment, une à hauteur de la SOBEBRA par exemple. Là, ils ont récupéré le sac de la victime dans lequel ils ont retrouvé une somme de 190 000 FCFA dont il recevra, lui, après le partage, 80 000 FCFA. Une autre fois, c’est à Gbèdjromèdé qu’ils ont opéré. Robert, dit-il, s’est garé devant une maison et lui a demandé de s’y tenir. Lui-même entre dans la maison dont il ressortira quelque temps après avec de l’argent… Parfois aussi c’est très tôt le matin qu’ils vont opérer, entre 5 et 6h, l'obligeant à faire croire à son épouse qu’il se rendait à la plage. Quand, rentré avec de l’argent, il se fait interpeller par cette dernière, il répond que c’est son ami Robert qui l’en a gratifié. Ce qui intriguait sa femme dont les inquiétudes, cependant, ne l’ont pas dissuadé de poursuivre son chemin vers la perdition. Parce qu’il gagnait ainsi facilement de l’argent, admet-il sur interpellation de la cour, concédant par ailleurs à demi mot que son travail de menuisier est pénible. A l’en croire, les opérations seraient espacées de quelques mois. La cour n’en est pas convaincue. C’est malgré lui, assure-t-il, qu’il accepte d’accompagner Robert. Mais si ce dernier lui proposait de le suivre pour aller se jeter dans la mer, le ferait-il aussi banalement, demande Célestine Bakpé. «Non, parce qu’on ne badine pas avec la mer. Elle ne blague pas» avance-t-il, déclenchant un concert de rires dans le prétoire. Rires encore lorsque, répondant à la cour, il dit savoir que la nuit, il faut rester chez soi au lieu d’aller écumer la ville, mais que c’est depuis que Robert a commencé à le solliciter, qu’il a perdu le sommeil. Ce Robert qui a décidément bon dos comme tous les absents! Mais comment ledit Robert, qui portait un pistolet dans sa culotte, conduisait la moto, pouvait-il être le chef d’orchestre, lui Charlemagne étant passif ou se contentant du service minimum ? C’est lui qui faisait tout, tient le pistolet, le coupe-coupe avec lequel on peut couper le bras aux victimes qui résisteraient. Il soutient cependant qu’ils n’ont jamais eu besoin d’en venir à cette extrême car, en cas de résistance, «on s’enfuit et on les laisse».
Un abbé téméraire, un agresseur malchanceux ?
Ce jour-là pourtant, face à la résistance de leurs cibles, ils n’ont pas renoncé et n’ont pas fui ! En effet, lui succédant à la barre, la victime, Théodore Koulogbo, prêtre de l’Eglise catholique romaine, en service dans le diocèse de Kandi, de sa soutane vêtu, raconte que ce 1er juillet 2009, en fin de vacances, il se rendait à Ganhi pour la station de bus où il devait embarquer pour Kandi. C’est sur le tronçon Sègbèya-Yénawa, vers 5h30, qu’il a hélé un zémidjan. « Sur le troisième pont, raconte-t-il, un motocycliste ayant remorqué un homme nous serre pour essayer de nous faire tomber sur le trottoir. L’un d’entre eux avait brandi un pistolet. Le zémidjan fit demi-tour pour s’enfuir en sens inverse mais son moteur s’est éteint. Ayant déjà vu le pistolet brandi et craignant qu’il me tire dessus, j’ai demandé au zémidjan de s’arrêter et ai levé les bras en signe de résignation. L’agresseur m’a fouillé et récupéré mon porte-monnaie de sous mon pardessus. Le zémidjan s’enfuyait alors à pied en direction de Ganhi. C’est alors que le délinquant qui avait l’arme proposa à son second qui venait de me dépouiller après m’avoir demandé ce que je fais dans la vie, et appris que je suis en formation pour devenir prêtre, de prendre la moto du zémidjan, une ‘’Bajaj neuve’’ et de le suivre. Entendant cela, le zémidjan qui s’en allait est revenu sur ses pas pour protéger sa moto. C’est dans la résistance que celui qui venait de me dépouiller, demanda à son second en l’appelant Robert, de lui remettre l’arme. C’est lui qui a pris l’arme et a tiré sur le zémi-djan qui reçut le coup à l’épaule. Ensuite, me joignant à ce dernier, j’ai réussi à bondir sur l’agresseur et à lui arracher l’arme. J’ai alors essayé de lui tirer dans la jambe, mais le coup ne partit pas. Soit je ne sais pas manipuler l’arme, soit il n’y avait plus de cartouche dedans. Pendant que nous y étions, un car de voyageurs passait et je me suis mis à crier ‘’au voleur !’’ mais, vitres closes, les passagers n’ont pu entendre mes cris. Pendant ce temps, notre agresseur criait que c’est plutôt lui qui était agressé. Il voulut ensuite s’échapper en sautant par-dessus la rampe du pont mais je me suis agrippé à lui pour l’en empêcher. Dans cette ambiance, passait de l’autre côté de la voie, une patrouille de la Gendarmerie nationale qui nous voyant, s’est retournée vers nous. Le second agresseur qui se tenait sur leur moto s’est enfui. Le délinquant a alors jeté à terre le porte monnaie qu’il m’avait arraché. Je l’ai récupéré… ». Le prêtre, qui semble faire preuve d’une mémoire infaillible sur le sujet, fait savoir qu’il est difficilement physionomiste et ne saurait reconnaître le délinquant qu’il a maîtrisé ce jour-là et «que si c’est l’accusé, il a dû prendre un peu de poids». Suite à cette déposition, la défense s’attachera à souligner que le zémidjan, dans ses déclarations à l’enquête préliminaire, soutenait que c’est celui qui a tiré sur lui qui a fui. Le prête dit ne rien y comprendre surtout qu’au moment où ils avaient été sollicités pour les besoins de l’enquête, le zémidjan lui avait dit qu’il ne voulait pas se prêter aux exigences de la justice. La défense insiste, veut savoir si le prêtre est sincère, s’il lui arrive de se tromper. L’homme d’église « jure devant Dieu et devant les hommes» qu’il est sincère et qu’il dit la vérité, mais reconnaît humblement que comme tout homme, il peut se tromper. Mais, en l’espèce, insiste-t-il, «je suis sûr d’avoir retenu celui qui m’a agressé». La défense sollicite de «donner acte». Revenu à la barre, l’accusé dit reconnaître la victime et avoir pris son porte-monnaie mais soutient n’être pas l’auteur du coup de feu. Quand la cour le relance, il indique n’avoir pas fouillé la victime mais avoir juste pris son porte-monnaie par terre. L’arme du crime et le portable ramassé sur les lieux par la Gendarmerie et mis sous scellés n’ont pu être représentés à l’audience. Me Olga Anassidé en déduit malicieusement que «la pièce à conviction a disparu» et promet d’en «tenir compte». Rires dans le prétoire… L’enquête de moralité est défavorable à l’accusé, et l’expertise médicale suggère qu’il tient un discours changeant, adapté aux interlocuteurs, que sa personnalité est fausse…
« Une sanction exemplaire » ? « Non, ne l’acculez pas ! »
Au moment de prendre ses réquisitions, l’avocat général Djimila Djima Kalifa, dénonce la cupidité, la recherche du gain facile. Il rappelle les faits et souligne que l’agression n’a finalement foiré qu’à cause de l’altercation intervenue entre les parties et qui a compromis le plan des délinquants. Association de malfaiteurs, vol à main armée, coups et blessures volontaires sont les chefs d’accusation pour lesquels l’accusé comparaît. Le représentant du ministère public s’emploie à en démontrer la constitution, relevant que l’accusé et son compère sont coutumiers des agissements, agissent de concert comme dans le cas d’espèce où, trois jours avant l’opération, l’accusé était informé d’après ses propres déclarations. Djimila Djima Kalifa relève que ce 1er juillet-là ils ont bien attaqué leurs victimes à l’aide d’une arme et ont fait des blessures à l’une d’entre elles. Au surplus, même s’il les nuance parfois, l’accusé lui-même n’a-t-il pas reconnu les faits, tant à l’enquête préliminaire qu’à la barre ? Invitant la cour à constater l’intention de nuire, il l’exhorte à tenir compte des éléments du dossier pour comprendre que c’est bien l’accusé qui a fait usage de l’arme à feu. Car, on ne saurait tenir rigueur à une victime qui, dans les circonstances d’un crime comme celui-là, ne peut identifier formellement l’agresseur. Et il faut, par la décision à intervenir, décourager les délinquants de cet acabit qui troublent la quiétude des paisibles populations. Il la veut exemplaire, suggérant à la cour de déclarer l’accusé coupable des faits mis à sa charge et de le condamner à la peine de vingt ans de travaux forcés.La défense, dans la droite ligne des déclarations de son client, n’a pas entendu faire dans la démagogie. Me Brice Houssou se demande s’il faut condamner durement pour le plaisir de condamner ou tendre la main à un égaré social, qui a reconnu son tort, pour le repêcher et lui donner une seconde chance, exemple étant pris de personnes qui, par le passé, ont été de vrais délinquants, et qui ont retrouvé le droit chemin. «Condamner oui, mais acculer non», plaide-t-il convaincu que le plus dangereux est certainement celui qui a fui. Ne voulant pas déposer les armes trop facilement, la défense relève les aspects du dossier et des dépositions à la barre, qu’il n’est pas formellement prouvé que c’est l’accusé qui a tiré le coup de feu, qu’il y a un doute qui devrait lui profiter. Davantage parce que c’est un accusé qui a fait preuve de bonne foi, reconnaissant de façon constante depuis l’enquête préliminaire sa participation et même à d’autres crimes. Et que cela dénote d’un repenti actif que la cour devrait accompagner en vue de le récupérer pour qu’il soit quelqu’un d’autre dans la société demain; plutôt que de le retourner en prison pour 15 ans, au risque d’en faire définitivement un divorcé social.Olga Anassidé sensibilisera particulièrement les jurés, insistant sur l’incapacité de la victime à attester de qui l’a agressé et tiré sur le zémidjan, et sur la sincérité de son client. Dénonçant une démarche sélective de l’avocat général qui ne considère que ce qui dessert l’accusé et rien de ce qui lui est favorable, elle dit attendre de la cour qu’elle l’aide à se reprendre car il est encore récupérable. C’est ce que l’accusé lui-même prétend en implorant la clémence de la cour. Celle-ci, établissant sa culpabilité pour les faits mis à sa charge, le condamne à 20 ans de travaux forcés et au paiement des frais de justice. Il quitte la barre, les pas lourd. Sa victime, debout, le regarde, impassible et s’en détourne… Il ne se constitue pas partie civile. Réalisant la portée de la peine, Charlemagne, les yeux rougis, se prend le visage dans les mains, lève les yeux vers le ciel et reprend le geste à plusieurs reprises. Il est escorté vers la sortie par les gendarmes. Le jugement intervenu hier, lendemain du cinquième anniversaire du crime, le renvoie en prison pour quinze ans encore…




Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI

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