L’initiative du régime en place visant à supprimer le droit de grève aux magistrats rencontre de moins en moins du soutien. A tel point qu’elle risque de connaître le même sort que le projet de révision de la Constitution qui a déjà échoué deux fois au Parlement.
Le gouvernement Yayi Boni a sa façon de régler les problèmes qui lui tiennent le cou. Très souvent, sa méthode consiste à utiliser sa majorité parlementaire pour régler ses comptes et afficher ses intentions. Dans l’un ou l’autre des cas, on l’a déjà vu à l’œuvre avec la loi interdisant la grève aux douaniers, celle instituant la Liste électorale permanente informatisée (Lépi), un texte qui s’est révélé médiocre. Il y a quelques mois, une proposition de loi visant à encadrer la grève dans le monde des travailleurs était dans le vent, mais ayant suscité de vives indignations, elle a été rangée. Tellement, les différents regroupements des travailleurs se sont mobilisés que le gouvernement a été obligé de retirer son texte du circuit. Le régime en place n’a de cesse montré son penchant à toujours tailler les textes à sa mesure, comme c’est également le cas en ce qui concerne la révision de la Constitution. Son projet a certes rencontré une opposition de circonstance au Parlement, mais il reste à savoir jusqu’à quand cette résistance va tenir. Pour le moment le but poursuivi par Yayi Boni est inatteignable, mais n’est pas totalement irréalisable. C’est dans le même contexte que se retrouve aujourd’hui, le projet de loi portant suppression du droit de grève aux magistrats. Depuis qu’il a été initié par des Parlementaires soutenant le régime en place, on note qu’il enregistre de moins en moins de soutiens. Trois députés au départ signataires de la proposition de loi ont changé d’avis en s’y opposant. L’un après l’autre, Nazaire Sado, Cyriaque Domingo, Parfait Houangni ont retiré leur signature au projet de loi. Ces différents revers risquent de se révéler contagieux à l’Hémicycle et pourraient précipiter l’initiative à sa propre mort. A l’Assemblée nationale, ceux qui militent contre ce projet de loi ne se situe plus uniquement dans le camp de l’opposition. Ils proviennent également de la majorité parlementaire. Tout cela fait dire à l’opinion publique que l’opposition de circonstance qui s’était retrouvée pour faire échec à la révision de la Constitution se met peu à peu en place pour sauver l’Etat de droit. Si la désillusion à l’égard du projet se fait sentir de plus en plus dans le camp présidentiel, c’est parce que tous semblent se convaincre que les intentions du chef de l’Etat sont ailleurs et non qu’elles se résument aux arguments qu’avancent les députés signataires du texte de loi.
Complot ?
Y-a-t-il un complot contre la justice ? Beaucoup de faits conduisent à ne pas le nier. Il y a eu d’abord cette regrettable accusation de l’Ancien Garde des Sceaux Marie Elise Gbèdo, traitant les magistrats de corrompus. Il s’en est suivi des excuses de la même ministre de la justice. Dans la même période, le dossier des nominations irrégulières dans les Cours et Tribunaux éclate et empoisonne davantage les relations entre les acteurs de la justice et l’Exécutif. Ensuite, le monde entier a suivi de près les affaires d’empoisonnement et de coup d’Etat dans lesquelles, la dignité du juge d’instruction a été traînée dans la boue et l’indépendance de la justice remise en cause par le Pouvoir en place. Depuis quelque temps, c’est une autre question qui est à l’ordre du jour. Retirer le droit de grève aux magistrats. Le gouvernement a sans doute une dent contre les magistrats. Chaque fait est une parfaite illustration de la volonté du régime à affaiblir la justice. Au cours des rapports conflictuels entre les deux institutions, l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab) s’est montrée « intraitable » et difficile à manœuvrer. C’est cela le vrai problème du Pouvoir en place qui a montré son incapacité à faire face aux préoccupations des magistrats.