Le dossier sur la gratuité de la césarienne au Bénin se poursuit avec votre journal. Suite à notre article inaugural d’hier, des volontaires se sont portés vers nous pour plus de révélations. En attendant de rendre publiques les déclarations de certains administrateurs, voici un courrier envoyé depuis le ministère de la santé à l’Agence nationale de gratuité de la césarienne (Angc) qui a fait monter la tension dans la maison.
Qui l’emportera ? Le bras de fer se durcit entre le cabinet du ministère de la Santé et le Conseil d’administration de l’Angc. Sans nul doute, ce projet finira par disparaître si le gouvernement et son Chef ne prennent pas de si tôt leurs responsabilités. Ce qui est sûr, la crise est déjà assise à l’Angc, puisqu’un courrier (publié ci-dessous) en date de juin 2014 est venu du cabinet ministériel pour tout enflammer. Les administrateurs maintiennent leur pression. « Ces trois agents doivent repartir au ministère », nous a confié, hier au téléphone, un des administrateurs. Il estime qu’ils n’ont pas leur place à l’Angc et la structure n’a pas demandé un appui en ressources humaines. D’après ses commentaires, les trois agents contestés, notamment deux femmes et un homme sont mutés à l’Angc en guise de soutien social du gouvernement à des familles. Parmi les trois (nous taisons le nom), il y a une des femmes du feu Pierre Urbain Dangnivo, porté disparu en 2010 sous le régime Yayi. L’administrateur dit que personne n’a rien contre elle ni les autres ; « mais si l’on veut aider des gens, il faut trouver la bonne formule et les envoyer là où le besoin se fait sentir », a-t-il insisté. A la question de savoir pourquoi le Conseil d’administration a attendu la prise de service des intéressés avant de commencer à protester, l’administrateur répond : « nous n’étions pas informés, nos réunions se tiennent par semestre et c’est lorsqu’on était en session pour étudier le budget qu’on a remarqué que la masse salariale a augmenté. Nous avons interpellé la Directrice générale d’alors qui nous expliquait que trois autres agents ont été envoyés du ministère. Nous avons dit niet ! Et dans le budget, on a enlevé les primes prévues pour leur être payées. Les fonds envoyés par le gouvernement pour accompagner la gratuité de la césarienne n’augmentent pas ; à quoi bon d’augmenter les charges ? ».
Au cours de notre investigation, nous avons interrogé un agent de l’Angc pour savoir si, réellement, les trois agents ne sont pas utiles. « A l’Angc, à part quelques travaux techniques dans nos bureaux, on ne fait rien de spécial. On reçoit les factures provenant des hôpitaux et on paie. Et donc, il n’y a pas un besoin aussi important ou urgent qui puisse nécessiter l’envoi de trois autres agents. Néanmoins, on fait avec, puisqu’ils sont là. En réponse à la même question, l’actuel Directeur Général par intérim qui gère l’Angc cumulativement avec ses fonctions de Directeur général de l’Agence nationale pour la transfusion sanguine (Ants), nous a confié : « Ecoutez, je viens d’arriver, je ne m’intéresse pas à cette crise. Je m’attelle à reformer la maison pour qu’elle soit plus bénéfique aux populations ».
Confusion dans l’interprétation des textes
Toute la guerre est partie de l’interprétation des textes de la République. Les deux protagonistes (Conseil d’administration et cabinet du ministère) lisent, chacun à sa manière, la loi n°94-009 du 28 juillet 1994, portant création, organisation et fonctionnement des offices à caractère social, culturel et scientifique. Pour le ministère, la gestion du personnel ne concerne pas le Conseil d’administration et il n’a pas le pouvoir d’accepter ou de rejeter un agent. Le ministère se base sur l’article 11 de la loi sus citée qui dispose : « la gestion quotidienne et la direction de tout office sont assurées par un directeur général nommé par Décret pris en conseil des ministres sur proposition du ministre de tutelle, après avis du ministre des entreprises et semi-publiques. Il peut être assisté d’un adjoint qui le supplée en cas d’absence ou d’empêchement. Ce dernier est nommé par arrêté du ministre de tutelle sur proposition du directeur général de l’office. Les directeurs techniques sont nommés par le directeur général après approbation du ministre de tutelle, hormis l’agent comptable… ».
Le Conseil d’administration évoque l’article 6 du décret n°2009-096 du 30 mars 2009, portant création, organisation et fonctionnement de l’Angc qui stipule : « l’Agence nationale de gestion de la gratuité de la césarienne est administrée par un conseil d’administration investi des pouvoirs les plus étendus, pour agir en toutes circonstances au nom de l’Agence. Il les exerce dans la limite de son objet social ». Les administrateurs estiment que leur mission est de veiller au bon fonctionnement de l’office et ils ne doivent pas cautionner la mauvaise gestion de ses ressources à travers des recrutements et mutations anarchiques. Ils indiquent d’ailleurs qu’il ne s’agit même pas d’une mise à disposition et que la mutation est mal venue. A suivre….