Le projet ‘’gratuité de la césarienne ‘’ est vraiment malade. En dehors des incohérences qui s’observent dans les hôpitaux avec les souffrances des bénéficiaires, il y a une crise provoquée qui mine l’Agence de gestion de ce projet. Notre séjour dans les méandres de cette agence a permis de découvrir le désordre qui s’y règne. Voici la suite du feuilleton sur la gratuité de la césarienne.
Acte trois : le régionalisme, le manque de suivi et l’obstination. A l’Agence nationale de gestion de la gratuité de la césarienne (Angc), il y a deux catégories de personnels. Des agents venus du privé et certains du public. Tenez-vous tranquilles ! Aucun d’eux n’a été recruté. Ils ont été tous nommés.
C’est Issifou Daouda Takpara, alors ministre de la santé qui a composé la première équipe pour lancer l’agence. Il est parti et ceux qu’il a faits venir sont encore là, en majorité. Ce qui signifie que « ce sont ses gens » qui animent l’Angc, selon les déclarations d’un des anciens responsables interrogé. Le successeur du ministre Takpara a voulu aussi placer « ses gens ». D’où l’affectation des trois agents contestés.
Actuellement, c’est le Directeur de l’Agence nationale de transfusion sanguine, un ressortissant du département du Mono (localité d’origine de la ministre actuelle), qui gère l’Angc, cumulativement avec ses fonctions.
Ce qu’il faut ajouter à la récente publication, c’est que les agents contestés ne sont pas venus au même moment. « On nous a envoyé deux que nous avons pu gérer sur le budget de 2013 avant que le troisième ne vienne en plein exercice budgétaire, l’année dernière.
C’est en voulant intégrer ses primes au budget de l’année 2014 que les administrateurs se sont révoltés », confidence d’un des anciens de l’agence qui a requis l’anonymat. Selon un autre responsable de l’agence, « quand les deux premiers agents ont été mutés, le conseil d’administration a protesté, mais sans faire trop de pression ».
En réalité, c’est une vieille histoire que des gens ont laissé perdurer. Sinon, plusieurs fois, par écrit, il a été demandé au ministère de la santé de retirer lesdits agents. Les administrateurs l’ont même dit, au cours d’une audience avec la ministre de la Santé, mais sans suite.
Le dossier, selon une autre source, a même conduit le ministère et le Conseil d’administration devant le Chef de l’Etat, qui a donné des instructions, finalement infructueuses. Plusieurs évènements se sont produits : l’un dans les coulisses de la chaîne de télévision BB24 et l’autre à Lokossa, en présence du Directeur adjoint de cabinet du ministère de la santé au sujet de ces trois agents. Mais ils n’ont jamais été rappelés.
Dans les recommandations issues des sessions du conseil d’administration en septembre 2013 et février 2014, il a été demandé au ministère de rappeler les agents envoyés à l’Angc. Que ce soit les anciens Dg ou l’actuel, personne ne sait quoi faire ; car sans une décision officielle du ministère pour rappeler les agents concernés, personne ne peut les renvoyer, quel que soit le bruit des administrateurs.
Une agence en proie à la mauvaise gestion
Depuis cinq ans qu’elle est créée, l’Agence nationale de gestion de la gratuité de la césarienne (Angc), n’a jamais subi de contrôle. Les trois milliards Fcfa régulièrement mis à sa disposition, sont gérés facilement par cinq personnes. Il s’agit du Dg et les Directeurs techniques. Aucune structure compétente ne vient vérifier si l’orthodoxie financière est respectée. Seuls les plans financiers sont établis par un cabinet et soumis à qui de droit pour validation. Ni l’inspecteur général d’Etat (Ige), ni l’Inspection générale des services (Igs) n’a songé y faire un tour.
Les fournitures et autres matériels de travail sont commandés et réceptionnés par la Direction générale et nul ne sait comment cela se passe. Bref, l’Etat a jeté déjà près de 15 milliards Fcfa dans cette structure sans s’intéresser à sa bonne gestion. Le passage de l’Inspection générale du ministère de la santé (Igm) en février, dernier n’a été que pour une mission ponctuelle qui, selon les documents consultés, n’a pas concerné la gestion financière.
L’agence ne dispose pas d’un dispositif qui permet de suivre l’application effective de la mesure de gratuité de la césarienne dans les hôpitaux. Aucune mission de contrôle ne fait régulièrement l’inspection sur le terrain pour interroger les bénéficiaires et les responsables d’hôpitaux. L’Angc est réduite à quatre missions essentielles : collecter les factures, payer les hôpitaux, acheter des fournitures et entretenir le personnel.
Et si ce n’est que ça, une simple direction centrale rattachée directement au ministère avec deux chefs-services suffirait pour la mise en œuvre de la gratuité de la césarienne. On n’avait pas besoin de créer cette pléthore de Direction technique coiffée d’une Direction générale. Pire, à part deux conducteurs de véhicules administratifs dont un contesté, le secrétaire particulier, la secrétaire administrative (contestée) et la gestionnaire des services publics, également contestée, tous les autres sont des Directeurs.
Il n’y a aucun chef service à l’Angc. Bref, le nombre de Directeurs dépasse le nombre d’agents à diriger. Mais il faut préciser qu’en 2013, un arrêté ministériel a été pris pour redéfinir l’organisation interne de l’Angc, mais il n’a jamais été appliqué.
Le vrai malheur des trois agents contestés
Qui est véritablement contre les trois agents ? Le ministère de la Santé, la Direction générale de l’Angc ou le Conseil d’administration ? Plus haut, on indiquait que lorsque les deux premiers agents ont été affectés à l’agence, les administrateurs, se basant sur les textes et la situation de la maison, ont protesté. Mais, ils ont gardé la bouche bée et ces agents ont perçu régulièrement leurs primes jusqu’à la fin de l’année 2013. C’est quand la troisième est venue que le ton s’est levé pour dire non à la « moquerie ».
« Si nous nous taisons, elle va prendre l’habitude d’envoyer des gens remplir inutilement l’agence », a indiqué un des administrateurs.
Malgré la crise dans la douceur, les grognes sur les radios et les menaces, le conseil d’administration, sur requête de la direction générale de l’Angc a autorisé, en fonction des besoins, le recrutement de cinq agents. La bonne nouvelle a été que les agents contestés ont été autorisés à postuler et il est dit dans les résolutions qu’ils seront priorisés avant que le dossier ne soit ouvert à d’autres à l’externe. Notification en a été faite au cabinet du ministre.
Et c’était l’occasion pour ces agents de régulariser leur situation à l’Angc. Le processus attendait d’être enclenché quand le ministère a envoyé une lettre incendiaire au conseil d’Administration (publiée mercredi dans votre journal). A suivre….