Au terme de nombreuses interventions sur la proposition d’interdiction de grève aux magistrats, il ressort la détermination du député Djibril Debourou et de ses collègues à aller jusqu’au bout. D’ailleurs, Hélène Kèkè n’a pas raté de mettre à nu les réelles intentions des députés Sacca Lafia et de Djibril Debourou qu’elle a tenté de dissuader, mais hélas.
Incompatibilité avec tout mandat électoral politique, interdiction au corps judiciaire de toute délibération politique, inéligibilité aux assemblées politiques, pas d’adhésion à un parti politique, même en position de détachement, interdiction à toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République, interdiction de toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions, interdiction de se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève, interdiction d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions. Ce sont les libertés démocratiques chèrement acquises que les députés signataires proposent d’arracher aux magistrats. Et tout manquement par un magistrat aux dispositions du présent article est sanctionné par une mise à la retraite d’office et forcée. En réalité, de la lecture du rapport de la commission des lois sur cette proposition de loi, il se dégage diverses opinions lors des discussions générales engagées au cours des travaux en commission. Ces opinions selon le rapporteur de la commission des lois Grégoire Akoffodji, les diverses opinions ont permis de regrouper les arguments des commissaires en trois positions résumées en opinions opposées à la proposition de loi ; opinions favorables à la proposition de loi et opinions demandant une mission d’information temporaire avant tout agissement. C’est à compter avec la position d’une catégorie de députés hostiles à cette proposition de loi qui ont estimé que le prétexte de la suppression du droit de se syndiquer et de se mettre en grève tel que formulé par les initiateurs, est un cheval de Troie pour annihiler l’indépendance de la justice. Alors, en décidant d’interdire aux magistrats le droit de se présenter aux élections, les initiateurs ont décidé de violer l’article 13 de la Charte Africaine des droits de l’Homme qui dispose que : « tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leurs pays soit directement soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis ».
Contradictions avec le nouveau Code électoral
Le député Candide Azannaï dans son intervention, a ressorti des contradictions dans la reformulation de cet article 18 querellé. Selon lui, il y a un lien direct dans cette reformulation avec les prochains scrutins. « En décidant de retirer le droit de grève aux magistrats, l’on prépare également une mise en condition contre les magistrats pour les élections car ces derniers ont un rôle déterminant à jouer au niveau de la Cena. Et le président de la Cena vient directement de la présidence. Nous devons faire attention », a relevé Candide Azannaï. « On nous dit que les magistrats ne doivent pas participer aux délibérations politiques. Il y a contradiction ! car, lorsqu’on votait le code électoral où la Cena leur a donné un rôle déterminant, c’est comme si aujourd’hui, nous allons contre la loi que nous même nous avions voté. La Cena n’est-elle pas un organe politique ? A moins qu’on me démontre le contraire », s’est indigné le député Fcbe Nicaise Fagnon. Ainsi, relevaient ces députés lors de leurs interventions à propos de la reformulation de l’article 18 proposé par les députés qui veulent installer l’anarchie et le désordre dans le pays. En définitive, ceux-ci estiment qu’on ne saurait permettre aux magistrats de participer à des délibérations politiques sus-indiqué dans l’article 28 du Code électoral qui stipule que le coordonnateur d’arrondissement chargé de superviser toutes les actions relatives à l’organisation et au déroulement du vote, est désigné prioritairement parmi les magistrats encore en exercice ou à la retraite, et leur interdire à nouveau aujourd’hui de participer à des délibérations politiques.
Attaques des députés Fcbe, de la Rb, du Prd, de l’Un et les non-inscrits
Pendant que les férus de la majorité parlementaire entre autres les députés Djibril Débourou, Sacca Lafia, Chabi Sika sont prêts à aller jusqu’au bout, certains députés Fcbe ont manifesté leur désaccord pour cette proposition de loi. C’est le cas du député Kindjanhoundé qui estime que ses collègues s’adonnent à un jeu dangereux avec le vote de cette loi. Pour lui, il y a mieux à faire que de vouloir nécessairement arracher aux magistrats le droit de grève. « Depuis plusieurs années, les magistrats n’ont pas perçu des droits et on se lève pour encore leur interdire le droit de grève. Au lieu de procéder ainsi, les initiateurs de cette proposition de loi devraient plutôt chercher à régler des problèmes sociaux auxquels ils sont confrontés », a déclaré le député Kindjanhoundé. Que ce soit les députés Francis Loko, Nazaire Sado et autres de la Rb, la loi ne saurait passer car c’est porter entorse à la Constitution béninoise. Mieux, expliquent ces derniers, le groupe parlementaire Rb n’est nullement associé à ce complot contre la démocratie béninoise. Que ce soit les députés Prd, Un et les non-inscrits, ils ne sont pas d’accord pour cette proposition de loi qui fragilise les libertés démocratiques. Selon Eric Houndété, les initiateurs de cette proposition de loi sont totalement en déphasage avec la bonne cause. Sinon, comment comprendre qu’un député croupisse actuellement en prison et qu’on lui refuse d’aller se faire soigner. Il se demande si cela aussi, c’est le fait des grèves des magistrats.