L’opération « port obligatoire de casque à moto » lancée par la Police nationale, a démarré, le samedi 2 août 2014, mais avec une réaction populaire qui risque de mal finir. Et dans cette affaire, si Louis-Philippe Houndégnon, Directeur général de la Police nationale ne recule pas pour mieux faire respecter ce principe du code de la route, il risque de créer de graves ennuis au Président de la République, seul à répondre des éventuelles déconvenues issues des soulèvements populaires. Et pour cause.
Inévitablement, le Dgpn va créer des ennuis au Chef de l’Etat s’il tient à aller au bout de cette réforme. Car, bien que cela soit normal pour la sécurité routière, le port de casque ne pourrait pas être obligatoire pour tout le monde. Le Dgpn le sait mais apparemment ne veut pas lâcher. A y voir de près, on sent une volonté de créer des ennuis au Chef de l’Etat. On dirait qu’il venge sa corporation dont le statut n’est toujours pas voté pour l’amélioration des conditions de travail des agents de police. Cette lutte enclenchée, mettra en mal la popularité du président de la République et de sa famille politique. Les scènes du samedi à Mènontin et du dimanche à Vodjè, montrent que cette affaire va mal finir Le Dg Houndégnon est dans un schéma que personne ne comprend, puisqu’aucune urgence n’est signalée pour cette réforme. Le casque qui respecte les normes exigées, est vendu sur le marché à 15 mille FCfa. Tous les Béninois n’ont pas les moyens de débourser ce montant pour acquérir ce matériel de protection. Le salaire demeure ce qu’il est au Bénin et les programmations souvent faites ne permettent pas à un fonctionnaire de débourser cette somme d’argent en si peu de temps. Mieux, il y a des gens qui continuent de gagner moins de 35 mille FCfa (les agents de sécurité privés les tenanciers de buvette, les gestionnaires de cabines téléphoniques etc.). C’est dans ce revenu mensuel qu’ils doivent nourrir leur famille et subvenir à leurs besoins vitaux. Le port de casque, tel qu’il est exigé par la Police, oblige un père de famille à acheter pour tout son foyer des casques. Si par exemple, un enseignant du primaire qui gagne moins de 60 mille FCfa et qui vit avec son épouse et trois enfants doit suivre les instructions de la police, il lui faut acheter cinq casques, s’il n’a pas de voiture. Ce qui lui revient à 75 mille. Un montant supérieur à son revenu mensuel. Le paysan qui n’a pas d’économie et qui n’a fait des réserves que pour la rentrée scolaire de ses enfants, se doit de prendre des casques pour tous ses enfants ; car l’exigence de la Police veut que toute personne à moto (remorquée ou en conduite) porte son casque. Les vendeuses des différents marchés (Dantokpa, Missèbo, Gbogbanou etc.) sont obligées de s’acheter chacune un casque avant de monter sur un taxi moto. C’est clair que la thèse de un zémidjan= deux casques » ne marche pas aussi ; puisque l’utilisation d’un même casque pour tous les clients n’est pas différente de l’utilisation d’une même lame pour plusieurs personnes dans un salon de coiffure. Des maladies viendront certainement au rendez-vous. En gros, le Directeur général de la Police nationale veut que tous les Béninois (les 10 millions) s’ils doivent aller à moto, s’achètent un casque. Même ceux qui ont de voiture se doivent de le faire s’il leur arrivait de vouloir monter sur une moto. On pourrait alors parler de l’opération « 10 millions d’âmes, 10 millions de casques ». Sans vouloir décourager une réforme positive, il est clair que le Bénin, tel qu’il est aujourd’hui ne pourra pas respecter ce principe de port obligatoire de casque. Même dans des pays de la sous région, les autorités ont laissé tomber. Au Togo, le manque de casque n’est plus réprimé. Au Ghana, il y a tellement de routes bien faites que les motocyclistes sont épargnés, pour la plupart des accidents de route. Et si l’on tient à y arriver, on devra trouver des solutions alternatives, comme c’est le cas pour l’immatriculation des engins à deux roues.
Toute réforme n’est pas bonne à opérer
Il suffit pour le Directeur Général de la police nationale de remonter plus haut dans l’histoire pour savoir qu’on ne force pas ce qui n’est pas faisable. Les exemples sont légion. Et deux, suffisent pour éclairer Louis-Philipe Houndégnon. Bien qu’elle soit normale, la guerre contre le trafic de l’essence frelatée a échoué. Le pouvoir a fait usage des armes mais le peuple a prouvé que c’est son argent qui achète ces armes et qu’il peut les défier tant que la réforme n’est pas murie. En République du Bénin, la loi réglementant l’organisation des cérémonies funéraires, surtout en matière de dépense, est en vigueur. Mais jamais, cette loi n’a été appliquée. Chacun continue de faire ses cérémonies à sa manière, sans crainte.
Cela veut dire que ce n’est pas toute loi en vigueur qu’on applique. Au Bénin, il y a une loi sur la corruption et l’enrichissement illicite. Une structure existe légalement pour faire appliquer cette loi. Mais à ce jour, qui a-t-on sanctionné réellement pour corruption ou enrichissement illicite ? Ce n’est pas une faiblesse pour cette structure. Mais c’est certainement parce qu’elle est consciente que les Béninois ne sont pas encore bien mûrs pour éviter l’enrichissement illicite, par exemple. Ces cas, pour dire que la police a manqué de faire une étude sociologique avant de penser à mettre en vigueur un principe qui n’est même pas réglementé. L’arrêté signé en 2011 par le préfet Placide Azandé au sujet du port de casque n’a visé aucune loi en la matière. Il a simplement fait recours au Centre national de sécurité routière (Cnsr) et ses attributions.
L’arrêté préfectoral
« Article 1er : Les conducteurs et les passagers des véhicules à deux roues et assimilés pourvus d’un moteur thermique en circulation dans les Départements de l’Atlantique et du Littoral doivent porter un casque de protection répondant aux normes internationales en la matière » ;
« Article 5 : Tout véhicule visé à l’article 2 du présent arrêté, ne peut être vendu que muni d’au moins un casque normalisé qui en constitue un accessoire obligatoire. » Voilà quelques passages de l’arrêté 2011 n°2_0321_Dep-Atl-Lit/Sg/Spat pris par le Préfet pour rappeler le port de casque dans ces deux départements. L’article 5 précise que les motos ne doivent plus être vendues sans casques. Depuis 2011 que cette disposition a été prise, qu’est-ce que la Police a fait pour que les vendeurs des motos livrent leurs marchandises avec les casques ? Une question à laquelle seul le Dgpn pourrait répondre. Ce n’est que l’application de cette disposition qui pourrait aider à faire respecter ce principe de port de casque obligatoire.
Houndégnon ingrat envers le peuple béninois ?
Le Directeur général de la police nationale a tout gagné de ce peuple mais semble le remercier en monnaie de singe. Non seulement sa nomination a été accueillie à l’unanimité mais aussi le peuple lui fait plaisir de respecter ce qu’il demande. Depuis avril 2013 qu’il est aux commandes, ces réformes passent comme une lettre à la poste. En décembre, il a demandé que les usagers des routes de Cotonou empruntent les pistes cyclables, cela s’est passé sans protestation et la population a même renfloué les caisses de l’Etat dans cette affaire à travers les frais de fourrières versés au trésor à l’époque. Quelques semaines plus tard, la même police demande aux populations d’immatriculer les motos afin de faciliter la sécurité dans le pays. Malgré le coût que cela fait, des gens ont même démarré avant que le gouvernement ne revoie le prix à la baisse. C’est en cours. Et personne n’entend se laisser arraisonner à l’échéance du délai fixé. Cette réforme n’a pas encore fini de prendre et voilà la jeune équipe dirigeante de la police qui refait surface avec cette affaire de casque. Comme on le dit souvent, « même quand on veut tuer l’animal, on lui donne de l’eau à boire ». Si ce n’est pas des réformes et que ce sont des manières pour amener les populations à remplir les caisses de l’Etat, Le Dgpn n’a qu’à patienter. Tout le monde n’a pas encore réuni les moyens pour immatriculer les motos et c’est trop tôt de demander l’acquisition de casques aux mêmes propriétaires de motos. Imposer cette réforme serait une manière de ne pas reconnaitre au peuple son mérite d’avoir accepté les deux précédentes sans grogne.
L’opération pour sauver les caisses publiques ?
Plus besoin de démontrer l’inefficacité de cette opération. Elle sera un fiasco d’office et la suite sera dégénérée, si les forces de l’ordre ne revoient pas leur manière de réprimer. Mais l’insistance de la police pour forcer une population pauvre à acheter les casques est suspecte. Il semble qu’on travaille pour le trésor public. Selon les informations qui circulent, tout motocycliste surpris sans casque est interpellé et amendé contre une somme de 35 mille FCfa. Aucun point n’a été encore fait mais le constat fait sur le terrain et les images qui circulent montrent que des centaines de motos sont déjà saisies. Ces propriétaires paieront au trésor le montant exigé. Rien d’officiel mais on apprend que l’objectif visé n’est pas forcément pour faire du bien aux populations mais plutôt d’aider à alimenter les caisses publiques qui seraient au rouge. On se rappelle de l’opération piste cyclable qui a permis à la Police de donner du sang neuf aux finances publiques. Visiblement, c’est la même chose qui se fait.