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Fraternité N° 3661 du 5/8/2014

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Interview avec Michel Dognon, conseiller spécial du chef de l’Etat à la bonne gouvernance et chargé du contrôle interne : « Ma mission est de prévenir les actes de mauvaise gouvernance »
Publié le mercredi 6 aout 2014   |  Fraternité


Michel
© Fraternité par DR
Michel Dognon, conseiller spécial du chef de l’Etat à la bonne gouvernance et chargé du contrôle interne


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On parle beaucoup de lui ces derniers temps au Bénin. Michel Dognon, inscrit récemment sur la liste des collaborateurs rapprochés du chef de l’Etat, s’active depuis quelques mois à instaurer un nouveau mode de gouvernance au sein des entreprises publiques. En provenance des Etats-Unis, pratiquement inconnu sur la scène publique nationale, cet homme bouscule les habitudes et croit en la réussite de sa mission. Qu’est-ce qui lui a valu de gagner la confiance du chef de l’Etat ? Pourra-t-il vraiment susciter un nouvel espoir ? A travers cette interview exclusive, il a bien voulu lever un coin de voile sur ses interventions au Bénin.

Vous êtes un Béninois de la diaspora basé aux Etats-Unis. Comment êtes-vous arrivé à prêter vos services au chef de l’Etat ?
J’ai rencontré pour la première fois le président de la République le 22 septembre 2012 en ma qualité de président de l’alliance des Béninois de New-York, de New-Jersey et du Connecticut. C’était pour discuter des questions de la communauté en présence de Nassirou Bako Arifari, ministre des affaires étrangères et de la conseillère spéciale aux affaires diplomatiques du chef de l’Etat. Au cours des échanges, le président de la République a voulu connaître mon métier. Je lui ai dit que je suis auditeur en service au bureau du contrôleur de l’Etat de New-York. Aussitôt, le ministre des affaires étrangères a fait savoir au chef de l’Etat que j’animais au Bénin des séminaires de formation à l’endroit des inspecteurs généraux des finances et ceux des corps de contrôle en général. Alors, le chef de l’Etat m’a dit qu’il a besoin de moi pour l’assister en matière d’audit. On parlait en ce moment-là de la crise du Programme de vérification des importations nouvelle génération (Pvi-ng). Il m’a demandé de me libérer pour deux semaines afin de l’aider dans la réalisation de l’audit du port autonome de Cotonou. Après cela, je me suis mis en contact avec le ministre des affaires étrangères pour poser un certain nombre de conditions à réunir avant mon arrivée au Bénin, mais on n’a pas vraiment su trouver le créneau approprié pour mener des discussions relatives au vœu du chef de l’Etat. En avril 2013, je suis venu animer un séminaire sur le contrôle interne. Par l’intermédiaire de Samuel Batcho, l’actuel directeur général du port autonome de Cotonou, le chef de l’Etat m’a reçu en audience et m’a dit qu’il voulait aller beaucoup plus loin que ce qu’il m’a dit à New-York. Il voulait en effet que l’audit ne se limite pas seulement au port, mais s’étende à toutes les entreprises publiques. C’est là que je lui ai confié que le problème du Bénin en matière de gouvernance ne se situe pas au niveau des audits, car on en a tellement fait. On peut continuer à réaliser des audits, mais que fait-on des résultats qui en sont issus ? Je lui ai dit qu’il valait mieux prévenir les actes de mauvaise gouvernance. Au niveau de la chaîne de contrôle, il y a d’abord la prévention, la détection et enfin les solutions.
Mais depuis 1960, le Bénin a choisi de se concentrer sur la détection. Si vous vous référez à l’histoire, vous verrez qu’il y a eu la création de plusieurs commissions de vérification, d’une dizaine d’inspections générales dont le rôle fondamental est d’inspecter, de vérifier et d’auditer les structures publiques. Et on aboutit toujours aux mêmes résultats. Donc, j’ai expliqué au président de la République qu’il faut mettre beaucoup plus l’accent sur la prévention. Il a épousé l’idée et m’a demandé de revenir au pays pour l’assister dans ce sens. Je suis reparti aux Etats-Unis, mais on n’a pas vraiment eu le temps de discuter des tenants et aboutissants de cette collaboration jusqu’à décembre 2013 où je suis venu participer au forum de la diaspora. Là encore, j’ai animé une conférence publique et le chef de l’Etat m’a cette fois-ci demandé de retarder mon départ afin de faire des observations sur les rapports des audits de huit entreprises publiques. J’ai accédé à sa requête et pendant 48 heures, j’ai travaillé pour lui produire mes conclusions et je suis reparti aux Etats-Unis. Une fois encore, il m’a rappelé pour assister à la restitution des rapports par des cabinets spécialisés. J’ai participé à cette séance qui a eu lieu le 1er février dernier et il a voulu que je m’implique davantage à ses côtés quant à l’amélioration de la gouvernance, mais la forme de la collaboration n’était pas identifiée. J’ai proposé être consultant du gouvernement, car j’ai un boulot aux Etats-Unis qui nécessite ma présence sur le territoire américain. Il a donné son accord et un projet de contrat a été élaboré.
Mais le 15 février quand je devais repartir, le président de la République m’a encore fait appel. Il m’a dit qu’il souhaitait que je sois son conseiller spécial en plus d’être consultant. Car il a estimé qu’en tant que consultant, le poids qu’il veut donner à ma mission ne sera pas ressenti au niveau des entreprises. C’est comme ça que j’ai été nommé conseiller spécial. Je suis reparti prendre une mise en disponibilité auprès du gouvernement de l’Etat de New-York. Et j’ai commencé depuis le 1er avril. J’ai conçu le document de planification de mes activités que j’ai soumis au Conseil des ministres.

Donc, vous êtes à la fois consultant du gouvernement et conseiller spécial du chef de l’Etat…
C’est bien ça.
Quel est le contenu de votre mission ?
Ma mission ici est d’assister les entreprises publiques en matière de bonne gouvernance et de contrôle interneIl faut d’abord comprendre qu’il y a une confusion au niveau des termes « contrôle interne ». Au niveau de chaque entreprise, il y a des postes d’auditeur interne et de contrôleur de gestion. L’auditeur interne s’occupe de la vérification et du respect des procédures de gestion de l’entreprise alors que le contrôleur de gestion s’occupe beaucoup plus de la stratégie, le calcul des coûts de positionnement de l’entreprise. Par contre, le contrôle interne, c’est l’ensemble des activités et des procédures qui donnent une assurance raisonnable à l’entreprise de ce que les résultats et les objectifs seront atteints.
Mon rôle est fondamental. En tant que conseiller spécial à la gouvernance des entreprises, c’est de les assister à bien asseoir un bon système de contrôle interne au sein des entreprises. Avec un bon système de contrôle interne, le directeur général arrive à savoir comment l’entreprise est gérée à tout moment. Je vous donne un exemple très simple. Je considère qu’un ordinateur a été mis à ma disposition par l’entreprise avec un mot de passe proposé par le directeur de l’information. Ce dernier me demande de changer le mot de passe. Et il veut qu’après un certain temps, je change encore le mot de passe pour le rendre complexe en mélangeant des chiffres, des lettres, des caractères. Tout cela, c’est pour s’assurer que toutes les informations qui se trouvent stockées dans cet ordinateur portent ma signature sans que je le sache. Et si un document m’a été confié et qu’on le retrouve dans la presse, il faut qu’on puisse situer les responsabilités. Si on découvre que c’est une personne tierce qui a trafiqué le mot de passe, ma responsabilité n’est pas engagée. Dans le cas contraire, je serai amené à répondre de mes actes. Voilà un exemple simple de l’utilité d’un contrôle interne.
Considérons toujours l’ordinateur. Il m’a été remis aux fins exclusives de l’entreprise. Mais il ne suffit pas seulement de le dire. Il faut faire sortir un texte qui réglemente l’utilisation de l’équipement de l’entreprise. Et si on prend des mesures pour empêcher l’utilisation abusive, c’est davantage mieux. Dire que l’utilisation de l’ordinateur sur certains sites internet entre 8h et 12h30 est interdite. Il faut le matérialiser par une note de service. Ensuite, il faut encore instruire le directeur de l’information pour qu’il bloque l’accès aux sites internet en question, de sorte que s’il y a des employés récalcitrants qui tentent de contourner la note de service, qu’ils ne puissent pas parvenir à leurs fins. De la même manière, le directeur de l’information parvient à détecter qui a cherché à contourner la réglementation. Voilà l’exemple typique de l’utilité d’un système de contrôle interne. Donc, ce n’est pas seulement la vérification des ressources, ce n’est pas seulement une question de stratégie, mais de savoir si tout le monde travaille, qui sont ceux qui traînent les pas, qui respectent les lois de l’entreprise. Voilà un peu ce que j’essaie de faire au niveau des entreprises publiques. Ce ne sont pas les ressources qui manquent, c’est la manière dont elles sont utilisées qui me préoccupe.
Comment comptez-vous procéder pour parvenir à cette fin ?
Ce que j’ai proposé le premier jour où j’étais en conseil des ministres, c’est un plan d’activités qui comprend trois éléments. Le premier, c’est la réforme au niveau des organes de contrôle, d’administration et de direction des entreprises. Le deuxième, c’est au niveau du développement et de la mise en place des principes de gouvernance. Le troisième élément, c’est le montage institutionnel d’une structure qui va s’occuper des entreprises.
Pouvez-vous nous en dire plus sur chaque étape ?
Au niveau de la réforme des organes de contrôle, d’administration et de direction des entreprises, c’est de voir comment changer la manière dont les directeurs généraux sont nommés. Nous ne devons pas oublier que nous sommes dans un environnement purement politique où depuis plus de 50 ans, les directeurs généraux ont toujours été nommés. Sous le président Kérékou, on a tenté de faire recruter des directeurs généraux par des appels à candidatures. Ça n’a pas donné un bon résultat. Est-ce pour cette raison que cette option a été délaissée ? C’est pareil pour ce qui est des membres des conseils d’administration. J’ai noté que ces derniers ne sont pas vraiment conscients de leur mission. Pour la plupart, ils sont là juste pour approuver des comptes-rendus et des états financiers. Or, c’est beaucoup plus que ça.
Le deuxième élément a trait au développement des principes de gouvernance. Vous savez qu’il y a eu des audits au niveau des entreprises publiques et la plupart des rapports ont recommandé un certain nombre de réformes à court terme. Je suis allé en entreprise où j’ai rencontré les directeurs généraux, leur staff et les membres des conseils d’administration, où j’ai demandé de faire sortir tous les rapports d’audit de ces trois dernières années, de faire adopter par le conseil d’administration les recommandations à court terme et de m’envoyer un planning d’exécution. 17 entreprises ont suivi mes instructions. Ces mises en application seront auditées à la fin du mois de septembre. L’autre activité qui a trait au deuxième élément, c’est le renforcement des capacités des directeurs généraux et des membres des conseils d’administration. Ces derniers sont au nombre de 240 qu’on a divisé en trois groupes. Leur formation a duré deux jours et a porté sur deux thèmes principaux dont la lecture des états financiers. Les directeurs généraux et directeurs techniques quant à eux étaient au nombre de 180 qu’on a divisé aussi en trois groupes. Là, nous leur avons parlé des composants des systèmes de contrôle interne. Au cours de cette formation, nous avons pu évaluer leur système de contrôle interne. Là, ce sont les entreprises elles-mêmes qui s’auto-évaluent.
Quant au montage institutionnel, il s’agit d’assurer le suivi après mon départ en termes d’assistance aux entreprises publiques. Cette nouvelle structure va aider l’inspection générale d’Etat et tous les corps de contrôle.
Avant de débuter les séries de formations que vous dispensez à l’endroit des directeurs généraux et des membres des conseils d’administration, vous avez initié une tournée dans les entreprises et offices d’Etat. Quels sont les constats que vous avez faits ?
Le premier constat, c’est qu’il y a une confusion terrible au niveau du rôle des membres du conseil d’administration. Ils sont rares à réellement savoir ce pourquoi ils sont là. Il y en a qui ne participent jamais aux réunions. Au niveau des directeurs généraux, le constat est qu’ils ne savent pas vraiment ce qu’est un contrôle interne encore moins son importance. Pour eux autres, c’est l’auditeur interne qui s’occupe de tout ça. Il faut absolument insister davantage sur le renforcement des capacités en matière de contrôle interne.
Lors des séances de formation, avez-vous l’impression de faire passer votre message ?
Absolument. J’ai fait appel à un autre consultant en la personne de Badarou Ramanou, expert-comptable, qui met son expertise à la disposition des membres des conseils d’administration. Tous ont reconnu qu’ils avaient des faiblesses et cette formation est venue combler ce vide.
Vous connaissez le lien dangereux qu’il y a entre la politique et la gouvernance des structures publiques. Estimez-vous être à même de bousculer les habitudes ?
Je ne dirai pas que c’est un lien dangereux. Que ce soit ici ou ailleurs, lorsqu’un parti politique accède au pouvoir, même dans les pays où les directeurs généraux sont recrutés après appel à candidatures, le pouvoir en place veut toujours avoir le contrôle. Ce n’est pas un secret que la plupart des pouvoirs utilisent les ressources publiques pour faire leur campagne. Lorsqu’un président de la République prend l’avion pour sillonner son pays, il en profite toujours pour faire de la propagande.
Au niveau du Bénin, nous avons une situation particulière. Depuis les années 1960, les entreprises publiques ont toujours été financées par le budget national. Et on n’attend pas réellement beaucoup de choses de ces entreprises. Du coup, le pouvoir public pense qu’il peut toujours s’ingérer dans la gestion des offices publics. On ne connaît pas de limite.
Y-a-t-il des raisons d’espérer que les choses changent qualitativement ?
Les choses ont commencé par changer. Au niveau du contrôle interne, on demande le changement d’une pratique, d’un environnement. Lorsque cela commence à changer, les impacts positifs se ressentent au niveau de l’entreprise. Prenez la Société béninoise d’énergie électrique (Sbee). Le directeur général a commencé par lancer des appels à candidatures pour le recrutement des directeurs techniques. C’est important en matière de système de contrôle interne. Je crois qu’à la longue, nous aurons des changements positifs.

Propos recueillis par Moïse DOSSOUMOU

Moïse DOSSOUMOU

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