L’ancien Sous-secrétaire d’Etat américain chargé des affaires africaines, Herman Cohen a sévèrement critiqué le traitement dont sont victimes les investisseurs africains de la part de leurs dirigeants. Dans une interview accordée à Rfi lundi dernier, il a dénoncé cette méthode de gouvernance. Une remarque qui interpelle le président béninois Yayi Boni.
Les Etats-Unis voient d’un mauvais œil la cabale organisée par les Etats africains contre leurs propres hommes d’affaires. En tout cas, Herman Cohen, ancien Sous-secrétaire d’Etat américain Chargé des Affaires africaines de 1989 à 1993 désapprouve cette méthode de gestion. Selon lui, si les Etats peinent toujours à se développer, « le problème, c’est le manque d’investissements et, pour les investisseurs, le problème c’est l’ambiance, l’environnement ». « Je ne parle pas des investisseurs étrangers, je parle des investisseurs africains. Que font les Africains avec leur argent ? Selon la Banque mondiale, il y a 900 milliards de dollars envoyés par les Africains à l’étranger laissés dans les banques. Je parle de l’argent légitime et non pas de l’argent volé. Cela veut donc dire que les Africains gagnent de l’argent et qu’ils l’envoient à l’extérieur, parce qu’ils ont peur d’investir dans leur propre pays. C’est cela le grand drame de l’Afrique ». Et de se faire plus clair : « Regardez les entrepreneurs africains qui sont riches, ces derniers sont tous très liés au pouvoir politique. Les autres n’ont rien. S’ils investissent ou bien s’ils créent des entreprises, ils sont tout de suite harcelés par le fisc et tous les autres gens du gouvernement. J’ai l’impression que le pouvoir a peur de l’investissement africain indépendant, comme si c’était un danger pour le pouvoir ». C’est sans ambages un constat désolant et bien réel qui correspond à l’enfer que vivent les opérateurs économiques béninois. Au Bénin, c’est une lapalissade : le pouvoir politique détruit les investisseurs nationaux. Depuis près de huit ans, dans ce petit Etat de l’Afrique de l’Ouest, qu’est le Bénin, les gouvernants ont fait l’option d’affaiblir systématiquement les hommes d’affaires qui ne leur ont pas fait allégeance ou ont tenté de reconquérir leur indépendance. Séfou Fagbohoun, Patrice Talon, Sébastien Ajavon, Samuel Dossou-Aworet et bien d’autres continuent de faire la triste expérience. Le pouvoir de Yayi Boni a décidé de finir avec ces puissances financières nationales. Il a préféré s’accoquiner avec des étrangers aux objectifs troubles qui grugent le peuple. Malgré les critiques et les propositions de la classe politique et de la Société civile, le gouvernement s’obstine à ne pas changer de politique. Mais l’interview accordée par Herman Cohen montre, à n’en point douter, que la gouvernance politique et économique dans les Etats du continent noir reste un sujet de grande préoccupation dans les cercles publics ou encore les think thanks des grandes puissances. C’est dire que l’environnement des affaires en Afrique est très suivi et sa qualité peut davantage influer sur les types de relations qu’entretiennent les puissances et les Etats africains. Et c’est certainement conscient de cette réalité indéniable que l’ancien Sous-secrétaire a déclaré au micro de Rfi : « Il faut changer cette mentalité. En Asie, où ils ont avancé beaucoup plus rapidement que l’Afrique, l’homme d’affaires est le partenaire en développement de l’homme politique. En Afrique, l’homme d’affaires indépendant, c’est l’ennemi du pouvoir. Il faut changer cette mentalité ». Des Conseils dont le gouvernement béninois devrait tenir compte pour, peut-être, améliorer sa gestion afin de ne pas hypothéquer, si ce n’est déjà tard, les relations bénino-américaines.