Dieudonné Lokossou Secrétaire général de la Centrale des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin) nie toute implication dans l’affaire Sonacop. En réponse aux accusations du gouvernement à son encontre, l’ancien Secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la Sonacop (Syntra-Sonacop) a reconnu avoir adressé en son temps, une lettre au Chef de l’Etat pour une audience mais qu’il n’a pas été reçu par ce dernier. Lire l’interview qu’il nous a accordée...
Le gouvernement se demande si vous n’étiez pas informé des malversations sous l’ex-Directeur général de la Sonacop Expédit Houéssou. Qu’en dites-vous ?
Je crois que le gouvernement est dans un jeu de diversion comme d’habitude. Je me demande même si le fait même de s’occuper d’un individu comme moi en Conseil des ministres ne relève pas d’un problème de personne. Parce qu’on n’a pas voulu la réélection de Lokossou à la tête de la Csa et cela s’est confirmé, donc il faut chercher maintenant un bouc émissaire. Je veux dire qu’un syndicat ne s’ingère pas dans la gestion quotidienne d’un directeur général. Je n’ai pas à m’ingérer dans la gestion quotidienne de Monsieur Houéssou. Il a été nommé par le Chef de l’Etat lui-même en raison de ses pouvoirs régaliens. Donc je suppose que le Chef de l’Etat l’a nommé parce qu’il le connaît bien. Il sait qu’il a les capacités morales, intellectuelles et managériales, et je ne crois pas qu’il l’ait choisi au hasard. Le syndicat ne l’a pas été consulté au moment où Houéssou a été parachuté à la tête de la société. Mieux, je ne peux pas dire et aucun travailleur ne peut dire que le Secrétaire général que j’étais s’est tu par rapport à certaines pratiques que j’ai dénoncées en Comité d’entreprise et en Ag. J’ai eu à dire au Dg de faire attention. Je vais vous citer seulement deux faits. La réfection ou le réaménagement du local qu’il a pris à Saint Michel. Lorsqu’il a commencé, j’ai été informé. Mais je lui ai dit de surseoir à cette affaire là parce que nous avons aujourd’hui des bâtiments qui ne sont pas occupés. Ce n’était pas à huis clos. Je lui ai dit que la Sonacop dispose de plusieurs bâtiments qui ne sont pas occupés et qu’on peut réhabiliter pour ce qu’il veut faire, c’est-à-dire la fabrication des tickets valeurs. Moi je n’ai jamais su qu’il avait engagé des fonds à hauteur de 276 millions et c’est fait à fonds perdu puisqu’on doit encore payer les loyers à la fin de chaque mois. Lorsque vous dites des choses à quelqu’un qui a été envoyé par le Chef de l’Etat à un moment où il n’y avait même pas de Conseil d’administration, vous voyez un peu ? Il répondait directement du Chef de l’Etat. Moi, j’avais attiré son attention sur le fait. Et ce n’était pas moi seul. Ce sont tous les membres du bureau. Deuxième chose, le contentieux Odific-Sonacop. Je lui ai fait comprendre que ce contentieux a déjà fait l’objet de transaction entre la Sonacop et le Groupe Odific et qu’il a pris plus de 2 milliards en son temps. Et que c’est cela qui a même fait partir un des directeurs généraux de l’époque. Là-dessus, c’est devant témoins que j’ai appelé l’ancien Président du Conseil d’administration, Monsieur Wassi Mouftaou et j’ai mis le portable en main libre pour lui demander si cela n’a pas été réglé et il a dit oui. A ma grande surprise, on m’a contourné pour ressusciter le problème. Tous les actes que le Dg pose, c’est quand je suis informé que je peux intervenir. Mais pourquoi on veut que ce soit le syndicat qui dénonce. Le Chef de l’Etat lui-même a envoyé quelqu’un là. L’Aig. C’est un auditeur interne du gouvernement qui devrait faire trois mois mais qui a passé plus d’un an dans la maison. Mais pourquoi on n’interpelle pas celui-là ? Moi, je ne suis pas directeur technique. Je ne collabore pas avec le Directeur général.
Donc en gros vous ne vous reprochez rien ?
Je vous assure, le silence n’est pas un délit encore que je ne me sois pas tu. J’ai parlé, mais je n’ai pas été écouté.
Le gouvernement a dit qu’un cabinet international sera commis pour un audit. Et si votre nom était cité ?
Non. Le cabinet qui a travaillé ici à l’interne a fait un travail parfait. Il y a eu 9 chefs d’accusation. Mais pourquoi on veut forcément que mon nom sorte. Je ne suis pas impliqué dans la gestion quotidienne du Dg. Je n’ai pas la signature sur un chèque. Je n’ai jamais commandé un marché. Je n’ai pas de fournisseur.
Mais vous n’aviez pas mis la pression en son temps comme l’a fait votre successeur
Chacun a sa méthode. Vous savez, quand les nominations qui sont faites sont des nominations politiques, c’est toujours difficile parce que le Monsieur avait directement à traiter avec le Président de la République. Donc à partir de ce moment, il est tout puissant. Et celui qui l’a envoyé aussi ne doit pas l’oublier. Parce que moi je ne vois pas pourquoi on parle de pression parce qu’ailleurs des travailleurs ont des pressions mais qui n’ont pas eu la réaction appropriée. Depuis que j’ai pris les rennes de la Csa, je suis très rare à la Sonacop. Néanmoins, cela ne veut pas dire que je ne dois pas faire ce que je dois faire. Mais à un moment donné, lorsque la société a commencé à avoir des difficultés et le gouvernement a injecté trois milliards de dollars, sans avoir fait le point, j’ai pris un acte le 6 novembre. J’ai écrit au Chef de l’Etat pour dire que je voulais le rencontrer. Mais au temps de Kérékou, ce n’est pas une fierté, j’ai fait partir des Dg. Mais je n’écris même pas. Il suffit de voir la Secrétaire particulière du Chef de l’Etat, il vous aménage un rendez-vous. J rends hommage au Président Kérékou. Parce qu’au-delà de tout, nous sommes des responsables de confédérations. Nos rapports avec le Chef de l’Etat devraient être des rapports assez cordiaux, mais malheureusement, ce n’est pas cela. Ce n’est pas la première lettre que j’ai écrite. J’ai demandé une audience il y a quelques années, je n’ai jamais été reçu. J’ai écrit parce que je me suis dit qu’il a envoyé trois milliards il faut j’aille le remercier. C’était pour lui dire que nous avons des difficultés, vous avez injecté trois milliards, il faut prendre des garde-fous. Si aujourd’hui le Chef de l’Etat m’avait reçu et que je n’avais rien dit, il peut dire que je suis venu et que je ne lui ai rien dit. La lettre est là mais qu’est-ce qui s’est passé ? C’est le Directeur général lui-même qui m’avait appelé un lundi pour dire que le Chef de l’Etat veut nous recevoir nous tous alors que c’est moi qui ait demandé l’audience. Moi-même on ne m’a pas appelé. Néanmoins par respect à l’autorité, j’ai formé la délégation. J’avais invité les gérants, les syndicats des pompistes, des transporteurs. Nous sommes allés là-bas. On est resté pendant plus d’une heure de temps et après, c’est le Chef de Protocole, Monsieur Edon qui s’est rapproché de nous pour me tirer du groupe et il m’a laissé entendre que le Chef de l’Etat ne pouvait plus nous recevoir parce qu’il s’était rendu dans la matinée au Palais des congrès où il a mené une activité. Donc, il n’était plus en mesure de nous recevoir, de repartir et qu’il va nous rappeler. Depuis lors je n’ai plus rien eu depuis ma retraite. C’est silence radio jusqu’à ce jour. Je suis parti le 1er janvier. Normalement je devais organiser mon Congrès en juin puisque mon mandat finit en juin. Mais étant entendu que mon adjoint est resté avec moi et a été loyal pendant une vingtaine d’année je me suis dit qu’une fois que je suis parti, il faut que j’organise le Congrès. C’est pourquoi j’ai organisé le congrès. C’est moi qui aie décrété l’alternance. Et je souhaite que cela soit un exemple et qu’en 2016 il y a ait alternance.
Comment appréciez-vous alors la situation à la Sonacop ?
Je ne parle pas uniquement de la Sonacop. La gestion dans l’ensemble de nos sociétés d’Etat n’est pas bonne. Donc, je suis heureux quand j’ai lu le relevé du Conseil des ministres. On a dit qu’il aura désormais appel à candidature. Il faut qu’on nomme désormais des gens capables qui ont le profil requis de gestionnaire pour gérer une entreprise et il faut qu’ils aient un cahier de charges. Donc, on ne peut pas envoyer des gens et se contenter du bruit des travailleurs pour chercher à relever. Donc, cela veut dire que si les travailleurs ne s’étaient pas soulevés, la gabegie pouvait continuer. Je ne suis pas un agent de renseignement, mais je pense quand même que celui qui a envoyé quelqu’un dans une entreprise doit pouvoir le suivre. Il a la responsabilité morale. Moi je n’ai rien dans cette affaire.