Le juge d’instruction du 6ème cabinet, Angelo Houssou auteur d’une ordonnance de non-lieu n’est plus libre de ses mouvements. Interpellé par la police nationale à la frontière bénino-nigériane où il remplissait les formalités pour se rendre à Lagos, le juge Houssou a été ramené à son domicile militarisé au point où il doit se référer au Dgpn ou au Chef d’Etat major avant une quelconque sortie. Vu que le juge d’instruction est un magistrat indépendant, les observateurs se demandent ce qui peut bien justifier cette immixtion de l’Exécutif dans une décision de justice ?
Le juge Angelo Houssou en charge du 6ème cabinet a rendu une ordonnance de non-lieu pour les affaires de tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat et tentative de coup d’Etat. Par cette décision, le juge affirme qu’il n’y a pas d’infraction donc pas de procès pénal. Il ordonne la mise en liberté immédiate de tous les inculpés mis sous mandat de dépôt et la main levée des mandats délivrés contre les sieurs Patrice Talon et Olivier Boko. Une décision qui aura fait l’objet d’intenses polémiques. Les réactions des avocats du Chef de l’Etat et du Procureur de la République n’ont pas tardé. Ainsi, quelques heures après l’ordonnance du non-lieu, Me Paul Kato Atita, avocat béninois de Boni Yayi a interjeté appel de cette décision. A l’en croire, ce n’est pas possible que les trois infractions que sont tentative d’empoisonnement, association de malfaiteurs et tentative d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat s’écroulent d’un seul trait. C’est d’ailleurs pourquoi, il se dit serein pour la suite du dossier. A cela, il faut ajouter le communiqué de l’avocat français de Boni Yayi abondamment relayé par les médias du pays. De leur côté, les avocats de la défense se réjouissent de cette décision courageuse du juge. Selon Me Djogbénou, il n’a fait que constater la vacuité du dossier. Par rapport à cela, ces avocats se disent confiants de ce que la chambre d’accusation ira dans le même sens.
" Crainte pour sa vie "
Le second feuilleton de ce dossier qui ébranle la République est relatif à l’interpellation du juge Angelo Houssou. En effet, en partance pour Lagos, il a été interpellé par les éléments de la police nationale au moment où il remplissait les formalités. L’opinion publique apprendra via mass média que le Chef de l’Etat a instruit les forces de l’ordre pour ramener le juge à son domicile et veiller à sa sécurité. Gardé dans les locaux de la Dgpn du vendredi nuit à samedi, il sera conduit chez lui dans la journée du samedi sous forte escorte militaire. Le gouvernement par l’entremise du ministre de l’Intérieur s’est empressé ensuite d’expliquer à la télévision nationale le motif de cette interpellation qui est de veiller à la sécurité du juge. La police nationale fait elle aussi un point de presse pour confirmer les mêmes raisons avancées par le ministre. Curieusement, celui que le gouvernement dit protéger, craint pour sa vie. Dans une interview à Afrika7, un média en ligne, le juge Houssou dit craindre pour sa vie. Rappelant que son passeport a été saisi par la police, il dit ne pas comprendre la situation qui est la sienne en ce moment car il ne peut pas sortir sans l’autorisation préalable du Dgpn ou du Chef d’Etat-major. " Actuellement, je n’ai aucun contrôle sur ces militaires qui se relaient à mon domicile et dans mon quartier. J’ai très peur pour ma vie et celle de ma famille ", a-t-il indiqué avant de prendre à témoin l’opinion nationale et internationale sur les dangers réels qui pèsent sur sa famille et lui. Par cet acte, c’est à croire que le pouvoir judiciaire n’est plus distinct du pouvoir exécutif. Le fait que la " victime ", dans ces deux dossiers, soit le chef de l’Etat suffit-il pour que le juge qui vient de rendre une décision de justice soit traité de la sorte ?
Rappel
Le 20 octobre 2012, l’opinion publique nationale et internationale apprend par le biais du Procureur de la République et du Commissaire central de la ville de Cotonou que le Chef de l’Etat venait d’échapper à une tentative d’empoisonnement. Le mis en cause s’appelle Patrice Talon et les complices que sont la nièce du Chef de l’Etat, Zoubérath Kora, son médecin personnel, le Dr Cissé et l’ancien ministre, Moudjaidou Soumanou sont arrêtés et mis sous mandat de dépôt. Quant à Patrice Talon, un mandat d’arrêt international a été délivré contre lui. Le dossier qui se poursuit aussi bien à Cotonou qu’à Paris vient de connaître son verdict à Cotonou avec l’ordonnance du non-lieu. Le tribunal de Paris quant à lui doit se prononcer demain sur la demande d’extradition émise par le juge d’instruction. Maintenant que le même juge a déclaré un non-lieu, que fera le tribunal de Paris lors de l’examen du dossier demain 22 mai 2013 ?