Angèle M., demeurant à Natitingou: « Je ramassais la farine par terre pour me nourrir »
« Je suis de Boukoumbé. Ma maladie a duré, je ne saurai dire combien d’années. C’est arrivé au moment de l’accouchement. Mon mari et ma belle-famille m’ont abandonnée. Ma propre famille aussi. Grâce à mon neveu qui travaillait dans un moulin, je ramassais la farine par terre pour me nourrir. Souvent, mon neveu m’insultait à cause de cette aide qu’il me portait. Ma vie était difficile avec les couches que je devais porter tous les jours. Quand je mettais les chiffons, c’était comme si mes cuisses allaient se déchirer à cause des plaies et de l’urine qui coulait dessus. Et quand je marchais longtemps, c’était comme si on m’avait versé du piment dessus. C’est Dieu seulement qui m’a sauvée. J’ai rencontré l’ONG Essor et c’est grâce à elle que je suis guérie. On m’a opérée trois fois, en 2010 et 2011, à l’Hôpital St Jean de Dieu de Tanguiéta. C’est la troisième fois que l’opération a réussi. Aujourd’hui, j’ai mes six petits-enfants à ma charge. Leurs différentes mères les ont abandonnés chez moi. Je dois aller sur la montagne pour chercher du bois que je vends avant qu’on ne mange. Ce sont des Blancs qui m’ont aidée. Ils m’avaient donné de l’argent et avec, j’ai habillé les enfants et préparé leur rentrée. Je n’ai bénéficié d’aucune aide des autorités de mon pays. Mon vœu, c’est avoir ma propre chambre pour pouvoir mieux m’occuper des enfants ».
Itotcha Kpagré, demeurant à Natitingou:« Tous les jours, je portais des couches »
« J’étais en état de grossesse et le jour de l’accouchement, je suis allée à Kouandé. Ils n’ont pas pu nous référer au CHD Natitingou. Ils croyaient que le bébé était gros, et ils ont fait une épisiotomie. Ils m’ont recousu et ont fait la césarienne. C’étaient des jumeaux. Un était déjà mort et en décomposition quand on l’a sorti de mon ventre. En même temps la fistule a commencé. Tous mes pagnes étaient souillés. Si c’est maintenant qu’une telle situation arrivait, mon mari allait être arrêté, parce qu’il ne m’a pas vite emmenée à l’hôpital, au 4e jour. Quand il a constaté mon incontinence il m’a abandonnée. J’étais obligée de rester avec mes parents et c’est là que j’ai rencontré quelqu’un qui m’a aimée malgré les urines. Il m’a fait deux enfants. J’ai refusé de vivre sous son toit et malgré ça on a vécu ensemble, avec les moqueries des gens. Il a fini par se décourager, malgré les deux enfants. Je ne lui en veux pas, malgré qu’il se soit remarié. C’est une maladie très mauvaise. Si tu vas chez quelqu’un et que tu t’assois, tu dois te lever de temps en temps pour voir si tu as mouillé son tabouret. Tous les jours, je portais des couches. Le matin de bonne heure, que tu le veuilles ou pas, tu es déjà debout et t’es lavée plusieurs fois. Malgré ça, il n’y a pas ce que tu vas faire et puis l’homme ne va pas sentir l’odeur des urines sur toi. Il n’existe pas ce produit. Tous les jours, la matrice a des plaies, parce que, tout le temps, tu portes des couches. Maintenant il faut venger les filles et arrêter les maris qui abandonnent leurs femmes à cause de cette maladie. »
Thérèse M., victime de fistule et mariage forcé, vit à Tanguiéta:« C’est à cause de mon père que j’ai cette maladie »
« Mon père m’a mariée de force. Quand je suis tombée enceinte, je ne suis pas partie une seule fois en consultation. Au moment où je devais accoucher, on ne m’a pas vite emmenée à l’hôpital. C’est quand l’enfant a refusé de sortir qu’ils m’ont finalement transportée de la maison à l’hôpital. Mon mari ne m’a pas accompagnée malgré que je ne pouvais pas rester debout. Quand on a sorti l’enfant, on m’a allongée sur un lit et c’est là que ma maladie a commencé. Mon mari est arrivé pour me ramener chez lui. Mais je me suis enfuie. Mon père veut me faire repartir là-bas de force, mais je ne veux pas. J’ai été opérée mais ça n’a pas réussi. Je perds toujours les urines. Tant que je reste allongée ça peut aller, mais quand je me lève pour faire quelque chose ou que je marche, les urines coulent sans arrêt. C’est à cause de mon père que j’ai cette maladie. C’est sa faute. Plus tard, je veux devenir couturière».