Selon l’ancien ministre et député Walis Zoumarou, Yayi Boni n’est pas indispensable pour le Bénin et doit partir comme prévu par la Constitution. S’il faut le décourager à se maintenir aux affaires en 2016. Il y a lieu de recourir à la même méthode employée contre le Général-président Mathieu Kérékou en 2005. Seules la détermination et la maturation des Béninois constituent à ses yeux les moyens clés pour l’empêcher de se pérenniser au Pouvoir. Dans le sillage de la prochaine présidentielle, il a indiqué que son leader Abdoulaye Bio Tchané est en contact avec les populations.
La libération de Désiré Vodonou contre une caution est la preuve qu’on ne lui reprochait rien, a-t-il lâché au cours de cet entretien. Lisez plutôt.
Le Matinal : Dans la foulée de 2016, beaucoup pensent que l’actuel chef de l’Etat a des intentions de rempiler à travers la révision de la Constitution, alors qu’il finira ses deux mandats constitutionnels une fois arrivé à cette échéance. Les Etats-Unis de Barack Obama ont profité du sommet Usa-Afrique pour dire aux dirigeants africains de ne pas aller sur cette voie. Est-ce suffisant pour dissuader Yayi Boni ?
Walis Zoumarou : Ce n’est pas suffisant, encore que Barack Obama a de la peine à le dire clairement. Il est obligé d’utiliser la voie diplomatique. Une chose est sûre, si l’on doit empêcher ces dictateurs de se pérenniser au Pouvoir, il n’y a que la détermination et la maturation de leur peuple qui réussiront à les décourager. L’intervention de l’Administration de Obama a un caractère moral, un caractère de leçon, de sensibilisation. Mais cela ne suffira pas. Il faut une opposition forte, un « non » catégorique. Souvenez-vous de ce qui s’est passé sous Mathieu Kérékou. Il y avait toute une stratégie pour qu’il reste, parfois contre son gré. Il y a des gens qui ont intérêt qu’il soit là, parce qu’ils veulent être toujours là. Ce sont ces gens qui utilisaient des moyens obscurantistes pour dire nous voulons toujours Kérékou, le peuple a besoin de lui. Disons leur que nul n’est indispensable. Si quelque chose arrivait et le président de la République décède, qu’est-ce qui va se passer ? On va le remplacer. Ceux qui sont là aujourd’hui, ils n’étaient pas au Pouvoir, mais le peuple existait, le pays tournait et d’ailleurs mieux qu’actuellement. Il existera toujours. Tout un chacun de nous sait que ce qu’ils n’ont pas pu faire en dix ans, ils ne feront pas plus tard. Ils étaient-là pour faire quelque chose, ils n’ont pas pu. Est-ce que c’est après les dix ans qu’ils pourront le réaliser ? Prenons le cas du Niger. Le président déchu avait utilisé tous les astuces pour se repositionner et pour finir rempiler. Il y a eu un coup d’Etat, puis les élections démocratiques. Aujourd’hui, c’est un pays qui se porte bien qu’avant et les populations en sont fières. Tout le monde se rend compte que le nouveau vaut mieux. Dans un pays où il n’y a pas changement, ça ne progresse pas, ça n’avance pas. Si nos leaders aiment leurs pays, ils n’ont qu’à laisser le Pouvoir. D’autres ont essayé et ça a marché, mais malheureusement c’est le Pouvoir personnel. Vous savez, ce sont des gens qui ont commis des impairs, des méfaits et ils se disent quand je ne serai pas là, je vais subir les affres du peuple. C’est ça qui les encourage. S’ils avaient bien géré, bien travaillé, ils devraient se dire, il est temps que nous allions nous reposer. Le peuple appréciera ce qu’ils ont fait. Mais ce n’est pas en s’éternisant au Pouvoir que ce peuple saura ce qui a été fait. Tant qu’un président reste aux affaires, ses affidés vont toujours le louer, l’encenser. Dès qu’il y a coup d’Etat, vous voyez des manifestations de joie, des cris d’allégresse. Tout simplement parce que les populations en ont marre, mais se résignaient. Si aujourd’hui, l’un d’entre eux décède, vous allez voir des cris de joie fuser de partout. J’appelle ces dirigeants à aimer leurs peuples, leurs pays. Il faut qu’ils se disent, au bout d’un certain temps, j’ai fait ce que je dois faire, il faut que je m’en aille. 10 ans après, ça suffit. Yayi Boni doit se dire, il faut que je laisse la place aux autres. S’il n’y a pas transformation, s’il n’y a pas changement, le règne tourne en rond et on finit par créer des lobbys, des pôles, les mêmes s’enrichissent. En considérant que le Pouvoir enrichit ceux qui l’exercent, pourquoi alors ne pas permettre aux autres d’en jouir ? Les mêmes qui s’enrichissent vont placer leur argent dans les comptes à l’extérieur et dès qu’ils ne sont plus aux affaires, ils finissent par perdre parfois tout. Et tout le pays perd. Rien que pour tout cela, les gens doivent comprendre qu’il faut qu’ils laissent la place aux autres. C’est une loi naturelle qui l’impose. Il ne faut pas être là tout le temps. Nul n’est indispensable. Yayi Boni non plus.
D’après des jeunes réunis le week-end dernier à Djougou, Abdoulaye Bio Tchané est candidat à la présidentielle de 2016. Ce qui n’étonne personne. Mais ce qui suscite des interrogations, c’est qu’il n’est pas visible. Votre leader a-t-il déjà pris la mesure de l’enjeu ?
Je suis surpris d’entendre cela. J’ai comme l’impression que ceux qui tiennent ce discours sont en train de faire une contre campagne pour Abt. Nous, nous travaillons sur le terrain. Depuis qu’on a fini les élections de 2011, il n’a jamais cessé d’être sur le terrain. Il a choisi le contact direct avec les populations, une relation directe avec le peuple. Il est conscient aujourd’hui que ce n’est pas le grand bruit qui va le faire venir. Le peuple est mûr et Abt l’a bien compris, c’est pourquoi il a fait cette option. Il va dans les quartiers de villes et de villages pour rencontrer les populations. Tout dernièrement, nous étions avec lui dans la Donga durant deux semaines. Il était déjà dans l’Atacora et le Borgou. Le 16 août prochain, nous le retrouverons dans les Collines où il s’était déjà rendu. Voilà ce qui se fait depuis. On peut peut-être dire qu’il y a un déficit de médiatisation à outrance. Il y a des gens qui ne font rien et préfèrent aller à la télévision ou sur les chaînes de radio pour fanfaronner. Nous sommes convaincus que la relation directe avec les populations semble être la voie de l’avenir. De plus, ce n’est pas encore la campagne ; quand nous y serons, on fera de sorte que les gens sachent que nous sommes. Tout le monde sait qu’on ne gagne pas les élections à travers seulement les médias. Au moment, ces derniers nous aiderons à faire passer nos messages, à nous faire entendre. Mais pour nous, ce qui compte le plus aujourd’hui, c’est le contact direct avec le peuple.
Pourquoi avoir choisi cette option ?
Souvenez-vous bien, notre candidat n’était pas sur le territoire national. Il est arrivé pratiquement à la veille, c’est-à-dire à peu de temps avant les élections de 2011. On le connaissait à peine. Ce n’est qu’à travers les affiches, les mass médias et autres que beaucoup l’ont connu. Ses contacts directs avec les populations étaient limités. Cette lacune doit être vite comblée. C’est ce qu’il est en train de faire aujourd’hui. Je peux affirmer qu’il a déjà parcouru près de ¾ des communes du Bénin. Il se rendra au moins deux à trois fois dans chaque commune avant 2016. Nous avons un programme de travail. Rassurez-vous, qu’on ne fera pas comme les autres. Ils n’ont d’ailleurs pas les moyens de parcourir ces communes. Le contact direct avec la population est plus ruineux, dur et difficile. Les gens pensent qu’ils ont déjà fait tout en passant par la radio et la télévision. Moi, je suis souvent dans la Donga et je trouve rarement des candidats sur le terrain se déplacer vers les populations, aller dans les quartiers de villages et de villes autant que Bio Tchané.
L’ancien député Désiré Vodonou libéré après 40 mois d’emprisonnement. Votre regard sur cette actualité.
Je dois exprimer ma sympathie à l’endroit d’un ancien collègue. Evidemment, moi je suis contre tout ce qui est tendance à limiter la liberté. Si je prends le dossier Désiré Vodonou, tel qu’on le dit, c’est quelque part d’autre il prend l’argent avec certains. Les gens nous ont colonisés pour s’enrichir, ils ont maltraité nos populations, ils les ont emmenées faire des guerres, ils ont pillé nos richesses. Désiré Vodonou a fait quoi ? Ce n’est pas au Bénin, il amène l’argent ? En tout cas, partout où je suis s’il s’agit des intérêts du Bénin, c’est cela que je protège et je privilégie. Je ne vois pas pourquoi, on le prend. Dans cette affaire, si c’était contre un autre Béninois, on allait encore comprendre. C’est contre un étranger. Je ne dis pas aux Béninois d’aller voler les autres, mais je dis Non tel que cela s’est passé pour Désiré Vodonou. Il apporte l’argent dans le pays pour réaliser des infrastructures au profit des populations ; on ne peut pas le prendre et l’enfermer. Aujourd’hui, la libération montre plus ou moins que c’était une erreur. Si non, pourquoi on le garde, le libère sans le juger ? On n’a qu’à le juger. Nous sommes dans un pays de droit. Moi, je soutiens qu’il y a de la part du Pouvoir, certains actes qu’il pose et qui font dire qu’il y en a dans l’appareil d’Etat des gens qui ne sont pas allés à l’école. Ils font le contraire de ce qu’ils disent. Puisque je ne les comprends pas. Sa libération montre bien qu’il y avait rien, puis qu’il n’y a pas un jugement. On le libère parce qu’il a déposé une caution de 300 millions de FCfa. Tel que moi je connais Désiré Vodonou, rien que pour un jour de liberté, il pouvait donner plus. Et je ne sais pas si un jour, il y aura jugement. La caution en question, ils vont se la partager. Je me rends compte aujourd’hui que, c’est pour qu’ils prennent leur part que tout s’est passé comme cela. Ça va renforcer le sentiment des Béninois selon lequel ce n’est pas qu’on lui reproche quelque chose, mais le problème est ailleurs. Certains profitent de leur position pour escroquer les autres. Ce qui s’est passé contre Désiré Vodonou, c’est dans le but de lui prendre un peu de sous. Tout le monde a compris que cette arrestation est arbitraire. Il y a de l’abus. Il n’y a plus la démocratie chez nous. Je souhaite que notre pays redevienne véritablement démocratique.