Dans le but de s’acheter les fournitures scolaires et livres au programme pour ne pas être une charge de trop pour leurs parents, certains élèves et étudiants mettent à profit les vacances pour exercer diverses activités rémunératrices.
Un sac sur l’épaule, des bouteilles en plastique contenant des produits divers et une thermos électronique en main, Cosme, élève en classe de 2nde va de buvette en buvette et de rue en rue, proposant aux usagers ses articles. Dans son sac, se trouvent divers produits tels que des pains de savon, des brosses à dents électroniques, des pommades chinoises et des déodorants. « C’est pour ne pas avoir à attendre papa ou maman que je me suis lancé dans la vente de ces produits pour qu’à la rentrée prochaine, je puisse me coudre ma tenue kaki, m’acheter les cahiers dont j’ai besoin et les livres scolaires au programme », confie-t-il. Cosme s’est fait engager par une société qui commercialise les produits chinois et est payé en fonction de sa vente journalière. « Je suis tenu de vendre beaucoup de produits dans la journée si je veux être bien payé le soir car, c’est en fonction de ça qu’on me paye. Cela ne m’avantage pas parce que la vente est difficile en ces temps-ci », ajoute-t-il.
Se distraire en travaillant
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Tout comme lui, plusieurs sont ceux qui mettent les vacances à profit pour se faire un peu de sous. Pour d’autres, c’est une manière de se distraire pendant cette période tout en se faisant de l’argent. « C’est pour me distraire que je fais ce job. Il n’y a pas meilleure manière de bien passer ses vacances. J’apprends en même temps à ne pas dépendre des autres, et mes parents sont fiers de moi puisque je le fais tous les ans. C’est ma manière à moi de me divertir pendant mes vacances », déclare Z. Marius, étudiant en 1ère année à la faculté de droit de l’université d’Abomey-calavi. En effet, Marius travaille dans une boutique de vente de pièces détachées avec un Nigérian, et est bien payé par son employeur. « Je gagne 30 000F cfa le mois, et aussi, il y a le geste de certains clients à mon endroit, ce qui me permet des fois de rentrer avec 10 000Fcfa ou 20 000Fcfa par jour », affirme-t-il. A quelques mètres de cette boutique de vente de pièces détachées, se trouve un petit restaurant dans lequel travaille Mouniath. « Je gagne 15 000 Fcfa le mois et je compte passer tous les trois mois ici. Je suis dans le deuxième mois, 45 000 Fcfa à la fin, ce n’est pas beaucoup, mais ce n’est pas petit non plus », dit-elle. Pour d’autres qui n’ont pas trouvé ni boutique, ni restaurant encore moins la vente ambulante, ils se tournent vers les chantiers de construction qui constituent leur dernier espoir. C’est le cas de Cédric, étudiant en 1ère année en Géographie qui, à défaut du mieux, travaille comme manœuvre sur le chantier de construction de la voie d’Agla. « On me paye 1.500F cfa par jour et si j’arrive à faire au moins un mois et demi, je serai à 60 000F cfa sans compter mes repas journaliers », souligne-t-il. Par ce moyen, les jeunes adolescents et adolescentes arrivent, tout en gagnant de l’argent, à développer d’autres aptitudes.
Travailler pour ne pas être un souci de plus…
« Je travaille pour que ma mère n’ait pas à se gêner encore pour moi pour les fournitures et autres. Depuis la classe de 3ème, elle ne paye que ma scolarité et le reste, je le fais grâce à mes économies de vacances », lance Béthel, élève au Ceg Gbégamey. Ainsi, conscient de la situation économique de leurs parents, et pour ne pas être un souci de plus pour eux, certains jeunes élèves et étudiants ne se font pas prier pour un tant soit peu les aider dans la tâche qui est la leur. Et ce faisant, ils acquièrent une expérience de la vie de travailleur et s’imprègnent aussi des difficultés. Ce qui leur permet aussi de développer d’autres compétences. « En s’occupant ici de la vente des pièces détachées, je connais le prix de chaque pièce et aussi, je peux connaître la panne au niveau d’une voiture en entendant le bruit du moteur », affirme Marius avec joie. Il a par ailleurs souligné que grâce à son patron, il sait conduire aujourd’hui une voiture sans avoir le permis, ce qu’il ne pouvait jamais faire s’il était resté à la maison. « J’observe comment mon patron conduire chaque fois qu’on sortait ensemble. Puis, un jour, il m’a laissé le volant en restant à côté de moi, il criait bien sur moi quand je faisais d’erreur. C’était un moment inoubliable », termine-t-il. Dans le même temps, Mouniath parle de ses nouvelles aptitudes de préparation de mets acquises auprès de la gérante du restaurant où elle travaille. « J’ai appris beaucoup de recettes avec le chef cuisinier. Je peux maintenant préparer des ragoûts et de différentes sortes de riz », précise-t-elle. A la maison, je suis limitée à la préparation du riz blanc ou au gras et à la pâte. Mais ici, bien que je sois venue pour gagner de l’argent, ça me sert en même temps de formation. C’est formidable, a-t-elle expliqué. Et, en agissant ainsi, nombreux sont les jeunes qui, de par leur souci d’alléger le poids financier que constitue leur scolarisation pour leurs parents, acquièrent en exerçant ces jobs des compétences dans beaucoup d’autres domaines. Ainsi va la période des vacances chez certains apprenants.
Des aide-maçons de circonstance
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Sur les chantiers de construction de maisons à Abomey-Calavi, ces apprenants qui mettent les vacances à profit pour se faire de l’argent sont aussi présents. Le travail de ces employés circonstanciels est bien défini. « Je ne suis pas maçon mais aide-maçon. Je ramasse des gravillons et du sable dans la brouette. Je fais le mortier que je serts au maçon avec les briques », a expliqué Hervé, élève en classe de première. A l’en croire, ce travail est difficile mais il faut le faire pour avoir un peu de sous avant la reprise des cours. « Rien n’est facile dans la vie. C’est cela le sens de la vie. Je le fais chaque année au point où je connais tous les maçons du coin. Je suis payé à 1000 f Cfa par jour. Cela paraît insignifiant, mais quand on fait le point après 3 mois d’activités, c’est un peu consistant pour aider les parents », a-t-il expliqué. A l’instar de Hervé, ils sont nombreux ces apprenants qui aident les maçons sur les chantiers de construction de maisons à Abomey-Calavi et à Cotonou afin de préparer la rentrée prochaine des classes.
Vendeurs de fripes
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Sous des hangars continus, séparés en lots par des allées, le marché de friperie « Missèbo » grouille de monde. Les clients passent d’un vendeur à un autre sans trop se gêner. A côté de ces vendeurs fixes, il y a aussi des vendeurs ambulants qui trimbalent des piles de vêtements sous les bras. « Ce marché s’anime tous les jours durant toute la semaine et il est toujours plein de monde », confie Yvette, vacancière et revendeuse de vêtements d’enfants. Avec les vacances, ce marché s’anime encore plus. Les jeunes apprenants fréquentent ce marché pour la vente des fripes. Ils ne sont pas titulaires de stands, mais démarcheurs de clients. Positionnés de part et d’autre de la voie, ils sont les premiers à vous accueillir pour vous proposer des articles. « Grand-frère, venez, il y a de bons jeans ici. Ou bien que voulez-vous ? il y a des tee-shirts et de bonnes chemises que vous pouvez porter sur les pantalons jeans. Suivez-moi pour faire vos choix », ainsi vous accueille Roger, un jeune apprenant. « Pendant les vacances, ces jeunes nous aident à mieux écouler nos articles en nous trouvant des clients. Quand ils démarchent bien, un article qu’on peut vendre à 3000 F cfa, on peut le vendre à 4000 voire 4500 F cfa. On se partage la différence et à la fin de la journée, ils sont payés en fonction de leurs efforts. Par exemple, Roger peut finir la journée parfois avec 15.000 F cfa comme revenu », explique Shola, vendeur de fripes. Pour ce vacancier, travailler est une manière de porter assistance à ses parents qui n’ont pas assez de moyens pour supporter les charges scolaires. « Mes parents ne sont pas riches. Pendant les vacances, je viens souvent vendre ici pour me faire de l’argent. Ainsi, à la rentrée, j’aide mes parents à acheter non seulement mes fournitures scolaires, mais aussi celles de mes frères et sœurs ainsi que nos frais de scolarité. Cette activité me permetteaussi de me prendre en charge durant toutes les vacances, sans déranger les parents », a expliqué Roger.
De petites vendeuses dans les quartiers
Dans les quartiers, les vendeuses de fruits se multiplient. Dans leur rang se trouvent des vacancières qui veulent occuper sainement la période de repos. Elles préfèrent la vente des fruits plutôt que de passer leur temps à courir derrière les hommes. « Il vaut mieux chercher de l’argent par le travail que de compter sur les hommes. Par exemple, je vends de l’orange et par jour, je peux en vendre deux lots de quarante. Je fais un bénéfice de 1000 F cfa par jour. Quand je n’arrive pas à écouler les deux lots de quarante par jour, je le fais en deux jours au plus. Imaginez ce que je peux gagner avant la rentrée. C’est mieux de compter sur ses propres forces que de compter sur les hommes qui vont abuser de toi sans finalement résoudre aucun de tes problèmes », a confié Edwige, élève en classe de 3ème. Pour elle, aucun homme ne peut satisfaire totalement les besoins d’une femme. Il vaut mieux apprendre à se prendre en charge très tôt afin d’y être habituée. Elles sont nombreuses, ces vacancières qui épousent la vision de Edwige. « Les hommes ne font plus rien aux femmes de nos jours. Raison pour laquelle, je mets les vacances à profit pour faire mon petit commerce. Si je vends pour 5 F Cfa, je saurais que c’est le fruit de mes efforts. Je le mérite donc fièrement au lieu de me laisser abuser par un homme. Ainsi va la période des vacances chez certains apprenants.