Parce que l’état civil est essentiel à la bonne connaissance de l’état des personnes et à la programmation du développement, il est important qu’il soit bien tenu. Ce n’est pas encore vraiment le cas au Bénin où, en raison de son manque de fiabilité, les listes électorales par exemple manquent aussi de fiabilité. Et où les politiques de développement manquent parfois de statistiques adéquates. La Direction générale de l’état civil, au ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes, s’en préoccupe. Son directeur général, Joseph Iropa Konti, économiste statisticien de formation, revient ici sur l’importance de l’état civil et sur la dynamique en cours pour la mise en place des centres secondaires d’état civil, attendus pour contribuer sensiblement à l’amélioration de la donne dans ce domaine.
Réalisé par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI
La Nation : Monsieur Joseph Iropa Konti, qu’est-ce que l’état civil et en quoi sa bonne tenue peut-elle favoriser le développement ?
Joseph Iropa Konti : Disons en termes simples que l’état civil, c’est le principal système qui permet d’identifier l’individu dans toute société moderne. C’est donc par l’état civil que nous savons quelle est l’identité de chacun de nous. Et cette identité doit être unique.En réalité, l’état civil est la première source d’information statistique au plan démographique et, partant, au plan de la planification du développement basé sur la population. Donc, avec les données de l’état civil, on devrait pouvoir savoir le nombre de naissances ou de décès par jour, l’âge des intéressés. En fait, grâce à l’état civil bien tenu, nous avons l’ensemble des indicateurs démographiques qui sont le sous-bassement des politiques de développement.
Dans un pays comme le nôtre, la fiabilité de l’état civil pose encore quelques problèmes comme l’attestent souvent les querelles autour de la liste électorale. D’ailleurs le processus de réalisation de la Liste électorale permanente informatisée (LEPI) n’a pas échappé à la polémique fondée sur le manque de fiabilité de l’état civil.
Pourquoi en sommes-nous encore là ?
Sur cette question, il faut d’abord reconnaître que depuis les indépendances, le pays n’a pas mis l’accent sur l’état civil, pour lui donner l’importance qui lui est due. De fait, aujourd’hui nous sommes rattrapés par les faits. Les listes électorales nous coûtent très cher parce que notre état civil n’est pas fiable. Or, dans les pays modernes, c’est l’état civil qui donne la liste électorale. C’est donc conscient des faiblesses que le gouvernement a compris qu’il faut prendre la question à cœur. On ne peut, en effet, plus faire comme avant. C’est la raison d’être de la Direction générale de l’état civil qui doit en faire un outil de développement et de réduction des coûts.
Votre direction a alors fait le diagnostic pour relever qu’en dépit de la loi portant Code des personnes et de la famille qui les a prévus depuis 10 ans, les centres secondaires d’état civil ne sont pas encore effectifs.
Que représentent ces centres?
Je dois faire remarquer que ces centres dits secondaires sont, en quelque sorte, des centres de rapprochement des services d’état civil des populations. Il ne s’agit pas en réalité, de nouveaux centres en tant que tels. Mais, c’est comme si les anciens centres principaux se rapprochaient des populations, vers les centres de santé, vers les villages reculés, pour permettre par exemple que dès qu’un enfant naît, ses parents ne soient pas obligés de parcourir de longues distances avant de le déclarer et d’avoir son acte de naissance, si possible, au niveau du centre de santé. Ceci devrait aussi permettre que les décès qui ont lieu dans nos familles, dans nos hôpitaux soient effectivement déclarés parce que c’est une obligation légale. Or, les problèmes de distance font qu’on a des taux ridicules de déclaration (à peine 4% pour les décès); ce qui ne saurait perdurer. En somme les objectifs de ces centres secondaires, c’est de faciliter la tâche aux populations et leur permettre de bénéficier, mieux que par le passé, des services d’état civil qui relèvent, avant tout, du service public, un droit absolu pour le citoyen.
Concrètement, où seront situés ces centres secondaires ?
Il y a deux types de centres secondaires : ceux qui sont institués dans les centres de santé et ceux qui le sont dans les villages. Pour ceux qui sont institués dans les centres de santé, nous allons privilégier, dans une première étape, les grands centres de santé où se produisent la plupart des naissances et des décès qui ont lieu (CNHU, HOMEL, hôpitaux départementaux, hôpitaux de zone) pour voir l’impact. Au niveau des villages, nous allons privilégier les centres à forte densité de population. Puis, nous créerons des centres secondaires dans les quartiers de ville qui sont apparemment débordés, dans les arrondissements très peuplés afin de décongestionner les centres principaux que constituent ces arrondissements.
La Direction générale de l’état civil a justement organisé ces jours derniers, un atelier national aux fins de déterminer les conditions de mise en œuvre de ces centres secondaires.
Dites-nous, quand le citoyen béninois pourra-t-il commencer à en jouir ?
Disons que c’est avant tout une démarche tant holistique que participative. Elle prend en compte tous les acteurs concernés par l’état civil (communes, arrondissements, acteurs de la justice, de la santé, etc.) et qu’il faut d’abord une forte appropriation du concept. C’est pourquoi, après l’atelier national que vous évoquiez, nous irons à des ateliers dans les départements, les communes, les arrondissements. C’est dire si ces ateliers décentralisés doivent impliquer fortement les élus locaux parce qu’en fait, c’est eux qui doivent gérer ces centres ; les animer car ils seront placés sous leur autorité. Une fois qu’on se sera mis d’accord sur ce qu’il faut faire, restera alors que le ministre de l’Intérieur prenne l’arrêté de création de ces centres. Dans notre planning, tout ce processus doit pouvoir s’achever d’ici à la fin de l’année pour qu’avant le 1er janvier 2015, nous connaissions tous les centres secondaires d’état civil créés. Viendra ensuite la phase de démarrage et de fonctionnement continu de ces centres. Au cours de cette phase il est prévu un mécanisme d’appui pour permettre aux agents qui y serviront d’être bien formés, de comprendre leur mission et d’avoir, au besoin, le minimum de moyens pour fonctionner correctement. Et il y aura un dispositif de suivi-évaluation au niveau national pour corriger au fur et à mesure les dysfonctionnements afin que l’objectif ultime de création de ces centres, qui est de parvenir à 100% de naissances et de décès enregistrés à l’état civil se concrétise.