Des vies entières isolées, dédiées au travail ardu et à la prière. C’est ainsi que se résume l’existence des moines et des moniales. Au monastère Saint Joseph de Toffo, la vie des moniales (bénédictines) ne diffère pas de cette réalité. Chacune d’elles a son histoire mais toutes vivent ensemble et en communauté suivant la loi de saint Benoît.
Par Josué F. MEHOUENOU
Mercredi 16 avril. Après plus de trente minutes de route depuis la localité de Ayou (commune de Toffo) sur une longue piste poussiéreuse et en réfection, nous voici au monastère Saint Joseph de Toffo. Le temps de franchir la grande porte noire qui demande à être refermée aussitôt ouverte, et deux minutes de marche sur un sentier nous conduisent vers les premières présences humaines. Sous une paillote, une moniale discute avec une mère de famille et son fils. Echanges de salutations, présentation… Le sourire et la chaleur de la sœur religieuse qui nous a accueillis, a dissipé l’une des appréhensions que nous nous faisions sur ce centre. Comme par chance, c’est sur la prieure du monastère, la sœur Marie Reine Hounsou que nous sommes tombés. Un accueil plutôt chaleureux qui nous permet de relancer les débats engagés quelques jours auparavant, par conversation téléphonique. Vingt minutes nous séparaient de 15 heures. Bientôt, la prière, nous a-t-elle soufflé. Effectivement, la cloche retentit à peine cinq minutes après. Impossible alors d’aller plus loin dans la conversation. Il fallait qu’on aille prier et comme deux bons fidèles dociles, mon compagnon et moi suivons la prieure, à la chapelle. Comme elle, nous nous déchaussons à l’entrée du lieu sacré. Mais la suite des évènements ne sera plus en notre faveur. Une fois à l’intérieur, la prieure nous ouvre les deux textes qui feront l’objet de la prière. A la différence des offices religieux auxquels nous avions été habitués jusque-là, celui auquel nous assistions, avait plusieurs particularités. En dehors de la musique d’un genre particulier accompagné de la kora, les récitations, le ton vocal et l’ensemble du rituel sont inhabituels, même si le «Notre père qui est aux cieux» et «Je vous salue Marie» sont au-rendez comme dans toute célébration catholique. N’importe qui pouvait s’apercevoir de notre intrusion, tant nos gestes étaient désordonnés. C’est donc à la fin de cette célébration que la prieure nous a donné l’occasion d’en savoir un peu plus sur le monastère Saint Joseph de Toffo fondé en 1966 à la demande de Monseigneur Bernardin Gantin, alors archevêque de Cotonou. Trois sœurs françaises et quinze africaines constituent l’effectif de ce monastère. Mais pour diverses raisons, seulement quinze moniales sont actuellement présentes. Comme tout moine et moniale, ceux de Saint Joseph, obéissent à la loi dite de Saint Benoît avec pour vocation essentielle de travailler et de prier.
Une vie de pénitence mais épanouie
Contrairement à l’impression qu’un néophyte peut se faire, en mettant pied dans un monastère et dans celui de Toffo en particulier, la vie des moniales leur plaît assez bien. Le non-initié se perd devant leurs discours, parfois difficiles à cerner. Toutes les moniales affichent sourire et satisfaction, le tout corroboré par une fraîcheur physique. La plupart d’entre elles paraissent assez jeunes pour leur âge, malgré la dureté de la vie quotidienne à laquelle elles sont astreintes. La sœur Caroline Houngbo, bientôt la cinquantaine, totalise déjà 27 ans de vie monastique et semble bien s’y plaire. Contrainte ? Respect du vœu perpétuel ? Respect d’une vocation ? Difficile à dire. «Je me suis sentie raccrochée à ce à quoi je suis destinée, en arrivant au monastère parce que dès que je suis rentrée, j’ai remarqué tout de suite que j’allais souffrir. Mais à chaque épreuve, j’ai toujours comme une force qui vient d’ailleurs pour me secourir. Plus l’épreuve est grande, plus cette force est immense. Je ne la demande même pas, elle vient tout de suite. Elle arrive en même temps avec l’épreuve, mais l’épreuve ne la voit pas...». C’est par ces mots que cette moniale, par ailleurs joueuse de kora à qui on peut facilement accorder les 30 ans, s’explique au sujet de la vie qui est la sienne. Une vie qu’elle juge d’ailleurs sans regret aucun. «Si quelqu’un me demande un jour de quitter la communauté, je ne m’entendrais plus jamais avec cette personne jusqu’à la fin de mes jours. Même dans les souffrances que j’ai eues, personne n’a réussi à me faire quitter le monastère. J’ai toujours dit que je n’ai pas cherché avant d’y être et seule la personne qui me l’a donné (le bon Dieu, Ndlr) pourra me sortir de là. J’ai dit oui et c’est fini».Le discours du frère moine prêtre Serge de Montgolfier, de nationalité française, seul coq de la basse-cour n’est pas loin de la sienne. Ce moine, prêtre dans une autre vie, séjourne à Toffo depuis 22 ans. Sa mission au sein de cette communauté consiste à vivre avec les sœurs, célébrer l’eucharistie, accueillir pour les confessions des moniales et des retraitants… «Je vis ma vie dans l’obéissance. Je suis dans l’obéissance, donc je suis heureux», confie-t-il au sujet de la vie qui est la sienne. Pour la prieure du monastère elle-même, la sœur Marie Reine Hounsou, la vie monastique a plus d’exigences. C’est d’ailleurs, insiste-t-elle, «une vie de grande humilité », de sorte que ceux qui y adhèrent opèrent une rupture totale et irréversible avec les leurs. «Une fois qu’on est rentré au monastère, on n’a plus de relation particulière, c’est un temps de rupture avec le monde. Notre nouvelle famille, c’est le monastère. Nous allons en famille seulement pour des cas de deuil, ou de maladie des parents âgés, pour devoir de charité et chaque cas est vu au préalable», nous a-t-elle expliqué. Il y a aussi une possibilité laissée à des parents de visiter leurs proches devenues moniales. «Les membres de nos familles sont toujours les bienvenus au monastère. Si un parent vient, ce n’est pas seulement pour sa fille, mais pour toutes les autres moniales. Nous n’allons plus vers la famille, c’est elle qui vient plutôt vers nous», a aussi déclaré la prieure. Le souci d’effacer les vies antérieures des moniales se traduit également par une totale absence des activités exercées par elles précédemment. «On peut être par exemple médecin de formation sans jamais exercer, tout comme on peut, sans aucune formation auparavant et sur la base des aptitudes développées par une moniale, lui confier l’infirmerie de la communauté», a-t-elle aussi expliqué. Elle insiste par ailleurs, sur le fait qu’on ne «vient pas au monastère en apportant quelque chose pour monter en grade. Nous sommes des sœurs et il n’y a même pas de diplôme qui compte».
Enfermées et isolées jusqu’à la mort
«Ouvrez et refermez aussitôt». C’est bien le premier message que le monastère de Toffo offre à ses visiteurs. Sur un petit écriteau en lutte contre la rouille, posé sur les deux grands battants de la porte noire barbelée qui donne accès à ce lieu de recueillement, cette information accueille le visiteur et l’introduit en même temps dans le contraste entre le monde extérieur et le monastère. Déjà en ouvrant cette porte, on s’aperçoit du grand silence qui y règne et on y découvre en empruntant le sentier qui conduit à l’accueil, les barbelés posés çà et là sur certains murs, découvrant ainsi l’aspect trop calme et même craintif des lieux. Si ce ne sont quelques mouches têtues qui entourent le visiteur de leur musique plutôt désagréable, le silence serait entier et on les entendrait non seulement voler, mais aussi les fourmis marcher. En dehors des espaces réduits et limités aux visiteurs, aucun autre emplacement du monastère n’est ouvert au public. D’ailleurs, les lieux sont bondés de portes toujours fermées, qui donnent souvent sur d’autres. On peut bien se demander comment les moniales elles-mêmes arrivent à se retrouver dans ce «pénitencier» qui s’étend à perte de vue. Mais les lieux ont leur organisation et chaque moniale garde toujours accroché à la taille, un trousseau de clés. En raison du mode de vie qui est le leur, elles ont besoin d’espace et de beaucoup d’espace, selon la prieure. A Toffo, l’espace total dépasse 25 hectares. Toutes choses qui seraient indispensables pour leur permettre de s’y sentir à l’aise et épanouies, puisqu’elles sont appelées à y vivre jusqu’à la mort. Une fois que les moniales prononcent leur vœu perpétuel, elles sont condamnées à la vie monastique et à ses exigences jusqu’à la mort. Car, c’est bien une fois l’âme rendue que prend fin pour elles cet engagement. Seulement, soutient la sœur Marie Reine Hounsou, il peut arriver qu’une engagée demande à se retirer face à des difficultés. Dans ces conditions, l’intéressée est écoutée, suivie et conseillée et «si ce que l’intéressé avance comme argument est fondé, nous sommes engagées à l’aider à se réintégrer dans la société». Mais de tels cas, selon nos investigations, seraient plutôt rarissimes en raison de tout l’encadrement qui accompagne la vie monastique. Une vie qui elle aussi, est parfois choisie au détriment de l’angoisse causée aux proches, parents et amis.
L’irrésistible appel de Dieu
Les moniales rencontrées à Toffo ont chacune leur histoire. Elles sont d’ailleurs variées les unes comme les autres. Mais toutes s’accordent sur le fait qu’il y a un appel irrésistible auquel elles n’ont pas pu déroger. «Quand on écoute l’appel de Dieu, on y vient. J’ai senti que ma place est ici et l’église me l’a confirmé. Quel que soit ce qui arrivera par la suite comme difficulté avec la grâce, je vais finir ma vie ici». C’est ainsi que la sœur Marguerite Fandjinou, 48 ans, engagée depuis janvier 1987, résume elle, le fameux appel pour consacrer sa vie à Dieu dans un monastère. L’une des plus jeunes moniales, Natacha Dégila, engagée en septembre 2007 estime pour sa part que «ce n’est pas facile et ce n’est pas aussi très difficile». Pour ce qui la concerne, c’est le contact avec les moniales de Toffo et la familiarité avec le monastère où elle venait se reposer par moment, qui a fini par la convaincre que sa place était en ces lieux. La doyenne des lieux, la sœur Myriam Loire, aujourd’hui âgée de 87 ans, estime elle que c’est parce qu’elle a senti l’appel de Dieu. «Il m’a dit, c’est là tu dois aller et j’y suis» et elle y est depuis fort longtemps, 60 ans précisément. En effet, c’est depuis 1954 que cette moniale dont la démarche porte le poids de l’âge a fait sa profession, suivie de sa profession perpétuelle en 1959, avant de rejoindre depuis 1968 le monastère de Toffo. L’histoire de la prieure du monastère rejoint celle des précédentes, même si elle a été faite d’hésitations, de «temps de recul, de réflexion…», surtout qu’à l’époque, elle était, selon son témoignage, la seule fille et l’aînée de ses parents. Mais celle de la sœur Caroline Houngbo sort de l’ordinaire et résulte d’une longue conversation de plusieurs jours entre une voix interne et elle-même. Le processus pour en arriver là, n’est pas aisé non plus. Il dure entre neuf et dix ans. Au monastère Saint Joseph de Toffo, deux sœurs ont pour vocation de suivre les aspirantes à la vie religieuse. Pour la plupart des étudiantes ou des jeunes filles en début de carrière, les aspirantes qui «se prononcent vraiment pour la vie monastique» font un stage sans être complètement à l’intérieur de la communauté. Stage à la suite duquel elles font un bilan et analysent les motifs de leur choix. «Si cela répond avec les normes de discernement données par Saint Benoît, elles font un stage au noviciat pendant trois mois où elles vivent complètement la vie des novices», nous a détaillé la sœur Marie Reine Hounsou. De cette étape, elles font une demande pour entrer au pré postulat, ensuite le postulat, le noviciat, et la première profession. Et c’est seulement six ans après, qu’elles prononcent la profession perpétuelle. Comment réagissent les parents notamment face à ces choix osés qui créent le parallèle avec leurs progénitures ? Visiblement, celles qui sentent l’appel pour l’engagement ne s’en soucient pas vraiment. Ce qui importe à leurs yeux, c’est de se mettre au service de Dieu. Dans leur entourage, elles sont tout simplement appréciées. Même s’il trouve «difficile» leur mode de vie, Justin Adanmanhoué, ouvrier depuis 17 ans au monastère, apprécie cette option que font des fidèles de mettre toute leur vie au service de Dieu. L’inspecteur de l’enseignement de premier degré à la retraite, William Basile Cakpossè est plutôt heureux de l’exemple de travail que ces moniales donnent à la communauté villageoise de Toffo au sein de laquelle, selon ses propos, le travail n’est pas la chose la mieux partagée. Pour lui, ce monastère représente aussi tout un symbole car, c’est son regretté père qui aurait offert le premier domaine de six hectares à l’église catholique par le biais de Bernadin Cardinal Gantin, natif de Toffo, au moment où le prélat assumait encore les fonctions d’archevêque de Cotonou. «Tout ce qui se fait dans cette maison, indépendamment de la prière, impacte sur la communauté villageoise de Toffo et le label qui en ressort, donne une certaine notoriété à la maison. Cela doit nous inciter à travailler puisque ce sont des gens voués à la prière et qui font de la production de qualité», constate-t-il.
Prière et tentation au quotidien
Un monastère, c’est un lieu où vivent les moines et moniales, en retrait du monde, de par leur vocation d’embrasser le monde et de porter la terre entière dans leurs prières. Ils ont aussi pour mission de vivre du travail de leur main et d’accueillir ce monde qui vient vers eux, pour intercéder en sa faveur sans cesse. D’où la présence d’une maison appelée hôtellerie pour l’accueil et le séjour des gens, pour «leur faire partager notre vie de prière et notre calme et le silence pour que les gens se retrouvent», nous a aussi dit la prieure.«Ora et labora», entendez «travaille et prie». C’est ce qu’on pourrait qualifier de leitmotiv dans chaque monastère. A Toffo, les moniales ne dérogent pas à cette règle. «Notre journée est répartie entre le travail, la prière et la lecture de la parole de Dieu. Le matin au lever, la première chose, c’est de commencer par prier», illustre à ce propos la moniale Marguerite Fandjinou. En dehors de la prière quotidienne, elle évoque «le travail manuel de tous les jours pour toutes femmes de maison, à savoir la cuisine, le ménage, le gagne-pain, le tissage, la confiture, le jardin, le poulailler, l’entretien du linge, la propreté des lieux, le raccommodage». Ce mode de vie visiblement anodin est bien loin de correspondre au travail de tous les jours dont parle cette dernière. La journée des moniales est répartie exclusivement entre le travail et la prière. Dans un cas comme dans l’autre, le rythme est impressionnant, puisqu’il n’est pas concevable de voir une moniale au repos. Même le temps de relaxe est consacré à une autre activité, peut-être moins physique que les autres. Pour ce qui est de la prière, on peut aussi dire qu’elle est «excessive», même si la sœur Marie Reine Hounsou et les siennes l’apprécient comme faisant partie de leur vocation. Ainsi, au lever, tous les jours sauf le samedi, il y a à 4 heures 45 minutes le premier office appelé les matines. A 5 heures 15 minutes, une autre prière suivie d’un temps d’oraison. A 7 heures 10 minutes, elles tiennent une réunion appelée «chapitre» avant de se retrouver pour lire la règle et écouter son commentaire. Elles passent ensuite aux différents travaux et attendent que sonne la cloche à midi, pour se retrouver à l’église pour une prière de 15 minutes dite «sexte». A la sexte, succèdent le repas puis le temps de la sieste. A 14 heures 45 minutes, il y a la prière dite «none» avant la reprise du travail à 15 heures. A 17 heures 30 minutes, elles font la prière des vêpres, la louange du soir puis une heure de lecture spirituelle. Le repas est prévu pour 19 heures 10 minutes. Après quoi, il y a la récréation ou la rencontre communautaire faite de partage des nouvelles en communauté. Elles tiennent ensuite le chapitre pour décortiquer la journée et se demander mutuellement pardon pour les éventuels heurts et ensemble, elles procèdent à la récitation du «je confesse à Dieu». A cette phase, succèdent les complies à l’église pour une demi-heure avec la participation des hôtes qui séjournent dans le monastère. Vers 21 heures, elles ont un temps libre, puis à 22 heures, intervient le couvre-feu. Dès cet instant, et ce jusqu’au lendemain après la prière matinale, il n’y a plus d’échanges de parole. A cette vie de prière, jouxte celle de la tentation. Toutes les moniales sont unanimes sur le fait, tout comme le frère Serge de Montgolfier pour qui «la tentation est quotidienne». Mais elle semble peu suffisante pour ébranler ces serviteurs de Dieu dont la foi semble avoir de l’avance sur la tentation ou toute autre épreuve.
Une porte du «Non retour»
Il ne fait l’ombre du moindre doute que franchir le pas, ce qui est appelé dans le jargon monastique «vœu perpétuel», n’est ni plus ni moins que de passer par une porte de «non retour». Pour le monde extérieur, il est parfois difficile, lorsqu’on côtoie la vie au monastère de comprendre comment les moines et surtout les moniales parviennent à surmonter les «épreuves» que leur impose leur engagement, pour s’adapter à un mode de vie qui sort de l’ordinaire et qui reste pour le moins difficile à vivre. Dans un monastère, ainsi que nous avons pu le constater à Toffo, tout est régi et réglementé. On pourrait dire que tout est réglé comme une horloge. Mais les instants de repas sont vécus comme des expériences hors du commun. Nous avons pu nous en apercevoir à l’occasion du déjeuner que la prieure du monastère Saint Joseph nous a offert dans la journée du jeudi 17 avril. En compagnie de huit autres jeunes gens séjournant dans le monastère, certainement à des fins de retraite spirituelle ou de formation, nous sommes passés à table. Le premier élément imposant du réfectoire, c’est sa propreté. Un silence imposant y règne. Avant même d’y être conduit par la sœur Marie Reine Hounsou, l’une des moniales, celle en charge de la restauration (sans doute) y avait apprêté la nourriture et le couvert comme dans un luxueux hôtel. Avant de déguster le plat de pâte noire à la sauce poisson et au crincrin, les jeunes en compagnie de qui nous nous trouvions et qui semblent plutôt familiers au monastère «nous ont conduit en prière». Environ cinq minutes d’échanges avec Dieu et de demande de bénédiction, de pensées à l’endroit de ceux qui n’avaient pas comme nous la possibilité de prendre un si bon repas… Vint ensuite le moment de la gloutonnerie. Là encore, nous avons suivi un peu les faits et gestes de nos «devanciers». Chacun était concentré sur son plat et nos coups d’œil croisaient par moment, ceux de quelques-uns parmi eux qui se demandaient sans doute, qu’elle était notre mission. Le silence du temps de repas est tel que pour parler à son voisin, il faut faire des gestes. Il y avait aussi le dessert. L’autre particularité que nous avons pu noter, c’est qu’une fois le repas terminé, la table était débarrassée et tout est remis en ordre. Il fallait aussi attendre que le dernier occupant finisse son plat, pour que tout le monde se lève ensemble et quitte le réfectoire. Dans cet univers visiblement complexe, mais vécu par les moniales non pas comme une routine, mais beaucoup comme «une vie épanouie», on peut bien se demander aussi à quoi se résument les instants de divertissement. Regarder la lune, sentir les fleurs, marcher, mais aussi et surtout lire. C’est la caricature des distractions des moniales qui elles, s’y plaisent et en profitent bien pour s’épanouir, le monastère étant pour elle, une porte de non-retour d’où, entrées heureuses et vivantes, elles n’en ressortent une fois le dernier souffle rendu.