Entre l’homme politique et l’homme ecclésiastique, peut-on dire que le calumet de la paix est en train d’être fumé ? Rien n’est moins sûr. Seulement, il est un constat. Aujourd’hui, Yayi Boni et Mgr Antoine Gnayé se respectent. L’un connaît l’autre et se voue déférence mutuelle. La preuve, le premier, en vertu des plus étendus pouvoirs que lui confère la Constitution béninoise, vient d’élever le second à la plus haute distinction qu’une Nation reconnaît, et donne à un de ses fils.
Monseigneur Antoine Ganyè, Archevêque de Cotonou, Président de la Conférence épiscopale du Bénin (Ceb) a été élevé à la dignité de Grand Croix de l’Ordre national du Bénin. C’était le dimanche 24 août 2014, à l’occasion du 60ème anniversaire du pèlerinage à la grotte mariale de Notre Dame d’Arigbo, dans le Diocèse de Dassa-Zoumè au centre du Bénin. Yayi Boni en était un témoin vivant de la décoration de l’homme de Dieu avec qui, il y a exactement un an passé, le Chef de l’Etat béninois a eu à faire des échanges épistolaires très remontés voire empreintes « d’animosité ». C’était autour des ‘’célèbres’’ Affaires dites d’empoisonnement et de coup d’Etat.
En effet, le 15 août 2913, comme à son habitude, la Conférence épiscopale du Bénin, sous la signature de Mgr Ganyè, s’adressait au peuple béninois à travers un message abordant plusieurs sujets d’actualité, ayant des conséquences sur la vie sociale et politique d’alors.
Morceaux choisis : « …En ces moments où notre vivre ensemble est mis à l’épreuve, nous avons mal au cœur que notre patrie, notre bien commun, présente à la face du monde l’image d’un pays de turbulences et de violences inutiles, d’empoisonnements et de complots douteux, d’arrestations et d’emprisonnements fortement contestés… », écrivait Mgr Ganyè
Il n’en fallait pas plus pour que Yayi Boni pique une colère et saisit son écritoire pour réagir face à ce qui paraît à ses yeux comme un « affront » ou une « provocation » de l’Eglise catholique contre sa personne alors qu’il croit dur comme fer que Patrice Talon et compagnie ont attenté à sa vie ; bien que la justice a déclaré le contraire.
Alors, l’homme de la Refondation répond vertement aux Evêques avec une pointe de colère. Yayi Boni écrivit, ce 16 août 2013 : « … C’est avec beaucoup de déceptions que j’ai pris connaissance du premier paragraphe de ce point où vous estimez que le drame qui a failli basculer dans la violence notre nation à savoir la tentative d’empoisonnement et de coup d’Etat sont douteux et ont provoqué des arrestations contestées alors même que les inculpés n’ont pas contesté les faits. C’est avec beaucoup de peine que je soulève ce point parce qu’au-delà de tout, je suis un citoyen avant d’être Président et j’ai un droit à la vie…
Je suis peiné de poser ce problème sans vouloir agacer mes chers compatriotes qui croupissent dans la misère. Je me dois de le poser parce qu’il est pendant devant la justice de notre pays et constitue aujourd’hui un sujet au cœur de l’opinion nationale et internationale.
Cependant, je me permets de vous prier avec beaucoup de respect et de considération en votre qualité de Président de la Conférence épiscopale, une Grande Institution de Foi, de bien vouloir me faire connaître les éléments en votre possession à partir desquels vous déclarez qu’il s’agit d’événements douteux et contestés… »
Puis, comme dans une réponse du berger à la bergère, Mgr Antoine Ganyè réagit promptement à l’interpellation de son « ami » d’alors Yayi Boni.
C’était en des termes très forts à la limite osés et sans ménagement. C’était le 28 août 2013. Ce fut une passe épistolaire voire d’arme de haute portée dont s’est délecté joyeusement le peuple béninois et bien sûr la communauté internationale à commencer par les chancelleries des pays accrédités au Bénin. Mais ne remuons pas la plaie.
Contentons-nous simplement de la vertu que contenait cette réponse de Mgr Ganyè à son Président de la République. Ce dernier écrivait : « …Monsieur le Président, les membres de la Conférence épiscopale ne cessent d’implorer le Seigneur d’accorder la grâce de l’écoute à tous les Responsables de notre pays.
Ils vous proposent d’entreprendre, avec votre Gouvernement, la recherche de structures et de mécanismes crédibles de concertation entre les acteurs politiques et sociaux de toutes tendances, pour le dialogue, facteur de confiance réciproque, condition de cohésion nationale, gage de paix… »
Aujourd’hui, avec cette décoration de son ami, Yayi Boni donne la preuve d’avoir assimilé et internalisé ces conseils de la Conférence épiscopale.
Alors, si le Chef de l’Etat à réussi à faire la paix avec l’Eglise catholique bien qu’il n’y ait pas de conflit à proprement ouvert entre les institutions, il reste au plan politique, économique et surtout social ; il reste beaucoup d’efforts à faire.
C’est sur ces trois tableaux, épines dorsales de la réussite d’un pouvoir, que les efforts à faire sont instamment attendus et d’ailleurs demandés à Yayi Boni et son Gouvernement.
C’est à ce prix, qu’il donnera davantage la preuve de son souci de mieux conduire la politique de son Gouvernement tel que le reconnaît et lui recommande la Loi fondamentale de notre pays. Et demain sera meilleur et apaisant pour lui et son peuple.
L’Eglise catholique devant continuer son œuvre de pacificatrice. C’est ce que je crois.