La Chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris, à la demande d'extradition de Patrice Talon, a sollicité des informations et reporté son verdict au 18 septembre 2013. A analyser les compléments d'informations demandés par la justice Française, on est bien tenté de s'interroger sur la pertinence et le contenu du dossier de demande d'extradition envoyé par la justice béninoise.
La Chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris a rejeté hier, le mémoire présenté par le gouvernement du Bénin au sujet de la demande d'extradition de l'homme d'affaires Patrice Talon et son supposé complice Olivier Boko, dans les affaires dites " tentatives d'empoisonnement et de coup d'Etat ". Précisant qu'il s'agissait d'un jugement avant dire droit (ADD), le président de la cour d'instruction a justifié son rejet par une insuffisance de charges à l'encontre des deux prévenus. Il est alors demandé au Bénin de fournir entre autres, et dans un délai de deux mois au greffe de ladite Cour, des pièces telles que : la nature précise des infractions commises par Patrice Talon et Olivier Boko, les peines encourues selon le droit béninois, les délais de prescription de ces mêmes peines, une communication sur l'état d'avancement du projet de révision de la constitution du Bénin, la preuve que le Bénin est signataire de la Convention de New York du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels et inhumains ou dégradants…
Dossier incomplet
A bien y voir, la décision de la chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris porte sur la forme du dossier transmis par le Bénin. Et déjà, on peut bien se demander comment le Bénin a pu fournir un dossier de demande d'extradition sans y intégrer des éléments aussi élémentaires comme le lieu, les preuves, les circonstances… de l'infraction reprochée aux prévenus. Ces données manquent-elles aux résultats des enquêtes menées aussi bien par la police béninoise que par le juge d'instruction qui a prononcé un non-lieu ? Même si les spécialistes de droit prétendent que le non-lieu rendu par le juge Angelo Houssou ne saurait impacter la décision de la justice française, vu qu'elle avait déjà mis le dossier en délibéré, les observateurs se demandent tout de même si les réserves émises par le juge dans sa décision de non-lieu, ne rejoignent pas la curiosité de la chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris.
Convention de New York
Par ailleurs, il est également demandé au Bénin de fournir la preuve de sa ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, un traité de droit international de promotion des droits de l'homme adopté sous l'impulsion des Nations unies dans le but d'empêcher la torture partout dans le monde, adopté et ouvert à la signature depuis le 10 décembre 1984. Selon un rapport des Nations Unies sur l'état de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, datant du 30 aout 2002, le Bénin ne figure point sur la liste des États qui ont signé ou ratifié la Convention, à la date du 1er juillet 2002. Toutefois, il est mentionné dans ledit rapport qu'il a reçu les instruments de ratification ou d'adhésion le 12 mars 1992. Toutefois, certaines sources laissent croire que le Bénin aurait " ratifié partiellement " la Convention de New York le 12 mars 1992, sauf qu'il lui reste de reconnaitre la Compétence du Comité contre la torture, conformément aux dispositions des articles 21 et 22 de la même convention.
Deux questions reviennent donc sur les lèvres : l'Etat béninois a-t-il bouclé entre temps son processus de ratification de la convention de New York ? Le gouvernement aura-t-il assez d'éléments pour convaincre enfin la justice française, qui visiblement manque de preuves ?
Encadré : Cotonou avant Paris
Selon certaines sources, la justice française n'a aucunement tenu compte de l'ordonnance de non-lieu rendu par le juge d'instruction béninois. D'ailleurs, des spécialistes des questions de droit prédisaient la chose. Pour ces derniers, non seulement le rejet de la Chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris est basé sur la forme du dossier et non sur le fond, il y a lieu de faire remarquer que le dossier était déjà mis en délibéré avant que l'ordonnance du juge Houssou n'intervienne. On peut donc envisager que la bataille juridique se fera d'abord à Cotonou, en attendant Paris. Rendez-vous donc à la chambre d'accusation où les avocats des deux parties pourront mener un débat intellectuel et professionnel.