Dakar - L’épidémie d’Ebola, qui progresse inexorablement
en Afrique de l’Ouest, suscite de "fortes inquiétudes" de pénuries
alimentaires dans les pays les plus touchés par le virus, a alerté mardi l’ONU.
En première ligne face à la maladie qui a fait plus de 1.550 morts depuis
le début de l’année, essentiellement au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée,
Médecins sans frontières (MSF) a sonné l’alarme: "le monde est en train de
perdre la bataille", a affirmé l’ONG.
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation
(FAO), le manque de main d’oeuvre, l’interruption du commerce transfrontalier
et des pénuries dûs à la maladie suscitent de "fortes inquiétudes sur la
sécurité alimentaire" dans ces trois pays.
Avec la mise en place de zones de quarantaine et les restrictions aux
déplacements, "l’accès à la nourriture est devenu un grave problème pour
beaucoup d’habitants des trois pays concernés et leurs voisins", a déclaré
Bukar Tijani, représentant régional de la FAO pour l’Afrique.
"Avec la récolte principale désormais à risque et les échanges et
mouvements de marchandises fortement restreints, l’insécurité alimentaire est
appelée à s’intensifier au cours des semaines et mois à venir", a-t-il ajouté.
Cette épidémie, d’une ampleur sans précédent, a flambé ces dernières
semaines. Le virus a fait plus de 1.550 morts dont 694 au Liberia, 430 en
Guinée et 422 en Sierra Leone, selon le dernier bilan de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS).
Au rythme de contagion actuel, il faudra six à neuf mois et au moins 490
millions de dollars (373 millions d’euros) pour parvenir à maîtriser
l’épidémie, qui risque de toucher 20.000 personnes, contre plus de 3.000
aujourd’hui, selon l’OMS.
Dans ce contexte, Médecins sans frontières a une nouvelle fois pilonné
l’OMS et la communauté internationale pour leur inefficacité face à la
propagation de la maladie.
"En six mois de la pire épidémie d’Ebola de l’Histoire, le monde est en
train de perdre la bataille pour la contenir. Les dirigeants n’arrivent pas à
bloquer cette menace transnationale", a déclaré la présidente de MSF, Joanne
Liu.
- ’Coalition mondiale de l’inaction’ -
"Les Etats se sont en général contentés de rejoindre une coalition mondiale
de l’inaction", a-t-elle lancé dans un discours prononcé aux Nations unies à
New York.
Lits, hôpitaux de campagne, personnel qualifié et laboratoires volants:
pour l’ONG, les besoins de la Guinée, du Liberia et de la Sierra Leone - des
pays parmi les plus fragiles du monde - restent immenses.
Lors de la même réunion sur Ebola, la directrice de l’OMS, Margaret Chan, a
souligné qu’"Ebola est devenue une menace mondiale qui nécessite une réponse
mondiale".
Mais elle l’a assuré: "nous pensons que l’épidémie peut être contrôlée et
qu’elle va l’être".
En Afrique centrale, la République démocratique du Congo (RDC), où avait
été découvert le virus en 1976, subit aussi une épidémie.
Le bilan y est passé de 13 à 31 morts mais la maladie reste circonscrite à
une seule zone reculée, à environ 800 km au nord-est de Kinshasa.
Les dernières analyses confirment que le "virus est différent de celui qui
sévit en Afrique de l’Ouest", a déclaré le ministre congolais de la Santé,
Felix Kabange Numbi. Des résultats "rassurants", a réagi l’OMS.
En Afrique de l’Ouest, les pays touchés se sont plaints avec force que
nombre de leurs voisins aient décidé de fermer leurs frontières par
précaution, sur fond de psychose grandissante.
La Côte d’Ivoire, pour l’heure non touchée, a fait un geste en annonçant
l’ouverture de couloirs humanitaires avec la Guinée et le Liberia, tout en
maintenant ses frontières fermées avec ces deux voisins.
La plupart des compagnies aériennes ont aussi suspendu leurs vols,
étranglant un peu plus les pays pris dans la tourmente d’Ebola.
De telles mesures sont contreproductives, a averti un spécialiste français
de la maladie, Sylvain Baize, dans un entretien avec l’AFP.
En mettant les pays contaminés "en quarantaine au niveau aérien, on
déstabilise complètement leur lutte contre l’épidémie: les rotations des
personnels soignants expatriés et l’acheminement du matériel seront
problématiques alors qu’il n’y a déjà pas assez de moyens", a-t-il souligné.
Ni traitement ni vaccin n’existe contre le virus.
Des chercheurs japonais ont indiqué mardi à l’AFP avoir développé une
nouvelle méthode pour détecter la présence du virus en 30 minutes. Cette
technologie pourrait permettre de diagnostiquer rapidement l’infection même
dans des pays où les équipements font défaut.