Réaction de la présidente de l’INPF sur la faible représentation (moins de 15%) des femmes au Gouvernement: Vicentia Bocco demande à Yayi d’honorer ses promesses vis-à-vis des femmes
Publié le mercredi 3 septembre 2014 | L`événement Précis
La présidente de l’Institut national pour la promotion de la femme (INPF), Professeur Vicentia Boco réagit suite à la composition du nouveau gouvernement du président Boni Yayi. Au détour d’un échange avec la presse, l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur a, au nom de l’institut qu’elle dirige, porté la voie des femmes et exprimé leur étonnement face au taux de moins de 15% de femmes dans cette nouvelle équipe gouvernementale :«…Il est très dur pour les femmes d’accepter que le chef de l’Etat ne leur rende pas l’amour qu’elles ont pour lui ». En exprimant sa déception, elle assimile surtout cet acte du président de la République à un véritable désamour témoigné à l’endroit de la gente féminine. Lire l’intégralité de son interview à ce sujet.
Madame Vicentia Bocco, que pensez-vous du dernier remaniement du chef de l’Etat qui n’a pas du tout fait de cadeau aux femmes ?
Vous avez pu constater avec moi que les femmes sont de nouveau sous représentées dans le gouvernement. Le gouvernement compte actuellement quatre femmes sur 27 ministres. En pourcentage, cela fait moins de 15%. L’Institut national pour la promotion de la femme (INPF) que je représente, se réserve de revenir sur quelques réflexions à ce sujet. Mais d’abord, je voudrais commencer par rappeler que le chef de l’Etat a la prérogative de choisir les membres de son gouvernement. Personne ne peut lui dénier cette prérogative. Il peut même choisir de faire zéro femme dans son gouvernement et même dans son cabinet. Mais c’est toujours le chef de l’Etat, le Docteur Thomas Boni Yayi qui, à son avènement au pouvoir, a dit qu’il allait œuvrer pour la promotion de la femme. Dans la foulée, il a créé l’INPF, après sa prise du pouvoir. C’est lui-même qui a promis 30% de femmes dans le gouvernement. Il est vrai que le gouvernement auquel j’ai participé, comptait à peu près 30% de femmes effectivement. Mais depuis, le nombre de femmes n’a cessé de diminuer et aujourd’hui, je me refuse de faire ce calcul. Seulement, je suis meurtrie par ce chiffre : moins de 15%. Après toutes ces promesses, je pense qu’il est très dur pour les femmes d’accepter que le chef de l’Etat ne leur rende pas l’amour qu’elles ont pour lui.
Mais, je ne suis pas en train de dire que le président de la République n’a rien fait pour les femmes. Il a fait beaucoup pour elles. Il y a encore Madame Inès Aboh qui est au secrétariat général de la présidence. C’est une grande promotion. Il a nommé d’autres femmes à différents postes. Je disais tantôt que le chef de l’Etat a fait beaucoup pour les femmes, je m’en vais citer quelques exemples comme les microcrédits aux plus pauvres. Il a aussi permis la gratuité de la césarienne, la gratuité des filles à l’école, au primaire et au premier cycle du secondaire, il a pris la décision d’offrir des bourses aux filles qui vont en formation technique et professionnelle, et il a créé l’INPF. Mais on a constaté que le chef de l’Etat a un amour discriminatoire pour les femmes. Autant il fait pour les femmes, autant il les maltraite. Excusez-moi du peu, mais je parle par expérience. La promotion de la femme doit prendre en compte toutes les catégories de femmes. Celles qui se sont débrouillées pour arriver à un certain niveau, il n’y a pas de raisons pour que ces femmes soient victimes d’une promotion discriminante. Je voudrais demander au chef de l’Etat de tout faire pour corriger cette situation parce qu’elle ne nous honore pas. N’oublions pas que nous sommes un pays phare où beaucoup viennent se renseigner dans plusieurs domaines. Je parle d’autant plus que notre pays a ratifié le Protocole de Maputo qui dit de manière extensive dans son article 9 que les femmes participent à toutes les élections. Que les femmes doivent être représentées en parité avec les hommes à tous les niveaux dans le processus électoral. Que les femmes soient des partenaires égales des hommes à tous les niveaux de l’élaboration, de la mise en œuvre des politiques de développement de l’Etat. Je demande au chef de l’Etat, au vu de tout ceci, de bien vouloir honorer ses promesses. L’analyse qu’on pourrait faire est que le chef de l’Etat arrive à la fin de son mandat et il se dit qu’il n’a plus besoin des femmes. Il aurait bien tort. Car, ce qu’on laisse comme héritage, est plus important après et pendant son passage au pouvoir. C’est ce que retiendra l’histoire qui serait plus important. Le président est encore bien jeune, il pourrait bien briguer, dans quelques années, de postes dans la gestion des affaires d’Etat. Il aura à nouveau besoin de nous. La surprise, c’est d’attendre à quelques mois de la fin de son mandat et de mettre 50% de femmes au gouvernement.
Parlons de compétences au niveau des femmes.
Les femmes doivent comprendre que c’est par leur détermination qu’elles seront présentes sur la scène politique et elles doivent y travailler quotidiennement. Toutes les femmes doivent œuvrer pour leur propre promotion, car quelle que soit la personne qui est au pouvoir, il ne fera que ce qui va dans son intérêt. Il ne manque pas de compétences dans ce pays. Le problème, c’est qu’il ne met pas toujours les femmes qu’il faut à la place qu’il faut. Je connais beaucoup de femmes qui n’ont pas démérité et qui ont été sorties de manière peu élégante du gouvernement. Elles ont fait du bon travail, pourtant, elles ont été remplacées par des personnes qui n’ont pas fait mieux par ailleurs. Je crois que ce n’est pas la compétence des femmes qui est en jeu, mais le critère du choix. Quand une femme fait mal, on dit que les femmes ne sont pas compétentes. Une femme n’est pas compétente ne veut pas dire que toutes les femmes sont ainsi. Je crois qu’il faut très bien faire la distinction.
En tant que présidente de l’Institut national pour la promotion de la femme, quelles sont vos actions pour corriger le tir ?
Nous essayons de faire du plaidoyer, d’entretenir les uns et les autres, surtout les acteurs du développement, les acteurs politiques, pour qu’ils acceptent que les femmes mettent leurs compétences au service du pays. Nous travaillons avec les populations pour qu’elles maintiennent les filles à l’école afin qu’elles soient quelque chose demain. Nous faisons de la sensibilisation pour encourager les femmes à prendre part aux prises de décisions. Ça fait partie des attributs de l’institution. Nous veillons aussi à l’application des textes. Enfin, il y a la communication autour de la promotion de la femme.