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Dénonciations contre le régime au pouvoir et réplique du Gouvernement: Désamour Nago-Yayi, du réconfort pour l’opposition
Publié le mercredi 3 septembre 2014   |  L`événement Précis


Mathurin
© Autre presse par DR
Mathurin Nago, Président de l ’Assemblée Nationale du Bénin


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Les récents et poignants propos du président de l’Assemblée nationale, Mathurin Nago, contre le régime de Boni Yayi sonnent probablement la fin de la lune de miel entre les deux hommes. En dépit de son appartenance à la mouvance présidentielle et à la majorité parlementaire, Mathurin Nago vient de poser un acte pour le moins audacieux, dont les répercussions et bouleversements dans le paysage politique béninois sont incalculables.

Pour une première, Mathurin Nago a frappé gros. Mais apparemment, il a dû évaluer et réévaluer la teneur et les impacts de tels propos avant de les lâcher. Depuis dimanche dernier, en tout cas, le président du parlement béninois a fini par dévoiler à la face du monde les ressentiments qu’il nourrissait depuis fort longtemps contre le régime Boni Yayi. L’endroit choisi n’est pas non plus anodin. Il était dans son Bopa natal, en face de ses frères et sœurs. Idéale occasion saisie par l’ex-ministre de l’Enseignement supérieur pour dire de tout son cœur ce qu’il pense réellement des actions de son chef et leader au sommet de l’Etat. Et il y est allé avec une forte dose de diatribes. « …Ce n’est pas parce que nous sommes dans la mouvance que nous ne devrons plus tirer la sonnette d’alarme. Nous avons l’obligation de réclamer la bonne gouvernance. Nous devons travailler dans la sincérité, dans le bien, dans la légalité et dans la vérité. Nous devons éviter la frustration qui est une bombe à retardement, en planifiant un développement équitable et équilibré sur toute l’étendue du territoire national….Parce que je pourrais être un obstacle à un plan qui se tramerait savamment, on a décidé de s’occuper de moi, et on s’en occupe très bien. C’est difficile à comprendre. C’est décevant. C’est impensable de croire en une telle méchanceté. La politique politicienne béninoise a ses secrets que la raison ne peut comprendre. Nous devons affirmer et réaffirmer notre engagement et notre fidélité aux côtés du peuple Béninois. Ce que nous faisons, c’est d’abord pour notre patrie. Et nous devons continuer le combat parce que nous avons besoin de préserver nos acquis démocratiques. C’est le moment plus que jamais de continuer la bataille. Ce n’est pas en démissionnant ou en me mettant de côté que je vais encourager les autres à continuer ce noble combat ». C’est assez fort chez Mathurin Nago pour ne pas prédire un climat désormais très tendu entre Yayi et lui. Venant d’une personnalité politique influente des Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE), ses propos traduisent, par ailleurs, l’amertume générale qui semble gagner du terrain dans les rangs des barons du régime Yayi. Puisque Mathurin Nago en est un, pour avoir longtemps défendu becs et ongles le pouvoir en place dans toutes les décisions et actes qu’il prenait. Mais si l’homme change aujourd’hui d’attitude et de discours, c’est sans doute pour annoncer la rupture des idéologies et visions qui se développent au sein de la mouvance au pouvoir.

D’aucuns tentent aussi de prospecter autrement les raisons éventuelles du revirement si brusque d’un Mathurin Nago, jadis « bon élève aux ordres » de Boni Yayi. Les actions parlementaires de ces dernières semaines, n’y seraient pas étrangères. On cite, entre autres, la proposition de loi portant suppression du droit de grève aux magistrats ainsi que celle portant révision de la Constitution. Deux gros projets de la mouvance que Mathurin Nago a contribué à ranger au placard pour le moment, contre les desiderata de Boni Yayi. A l’analyse, le président de l’Assemblée nationale semble se résigner désormais, à jouer le jeu du pouvoir, mécontentant davantage les «Yayistes » les plus indécrochables.

Ses « inquiétudes » sur la démocratie béninoise

Si, par ailleurs, Mathurin Nago insiste à maintes reprises dans ses propos, sur la nécessité de préserver les acquis démocratiques, c’est qu’il émet, là aussi, des inquiétudes personnelles sur l’état actuel de la démocratie béninoise. Il évoque également la question de la gouvernance, apparaissant peu satisfait de la manière dont elle se pratique sous Boni Yayi. « Nous avons l’obligation de diminuer très considérablement la mauvaise gouvernance », martèle-t-il, donnant l’exemple du projet de construction de la bretelle de Bopa, pour lequel, sa désolation reste bien grande. Ce qu’il en a dit dimanche dernier est assez édifiant : « Depuis 2009, est-ce qu’on peut imaginer cela, en cette période de crise où je m’évertuais à me battre pour le gouvernement ? Loin de me décourager, j’ai continué à rencontrer les différents ministres. Rien n’a été fait jusqu’à l’arrivée des élections présidentielles. Et c’est à l’approche des élections présidentielles de 2011, que j’ai dit au chef de l’État que cette bretelle non réalisée est un thème de campagne pour les adversaires. Ce n’est pas seulement contre moi, c’est aussi contre vous! Et c’est suite à ça qu’on a décidé de réaliser le projet. Mais cela ne l’a pas été non plus, même si la Banque africaine de développement a eu l’amabilité de dire nous allons vous aider pour qu’enfin cette bretelle soit réalisée. On a estimé le coût de la réalisation à 1,5 milliard de FCFA et le gouvernement a sollicité 4,5 milliards. Je dis qu’à cela ne tienne! Les fonds ont été débloqués mais la bretelle n’a jamais été réalisée ».

Au demeurant, on peut en conclure que depuis dimanche dernier, Mathurin Nago a changé d’option et de posture envers Boni Yayi. Le virement est fort et aura sans doute des implications importantes dans le paysage politique béninois dans les semaines et mois à venir. Le très probable candidat à la présidentielle de 2016, sort-il ainsi ses premiers missiles pour braquer et défier le pouvoir de Boni Yayi qui ne serait pas prêt à le soutenir dans cet ambitieux projet ? Si ce n’est pas cela, ça y ressemble quelque peu.

Du réconfort pour l’opposition

Il y a un camp de la classe politique béninoise qui devrait se réjouir des déclarations de Mathurin Nago : l’opposition. En relevant les mêmes «dérives » du pouvoir de Yayi comme elle, le président de l’Assemblée nationale apporte de l’eau au moulin de Bruno Amoussou, Lazare Sèhouéto, Théophile Montcho, Adrien Houngbédji et autres. Ces derniers n’ont de cesse de dénoncer « la gravité » et « l’incongruité » de plusieurs décisions et mesures que prennent le président Boni Yayi et son gouvernement depuis des années. Si leurs nombreuses récriminations contre la gestion de Boni Yayi, ont été souvent considérées comme de la « guéguerre politique », les récents propos de Mathurin Nago viennent comme pour leur donner du poids et de la crédibilité. Le président de l’Union fait la Nation, Bruno Amoussou avait prédit l’orage dans le camp présidentiel, lors d’une ancienne conférence de presse, dans son habituel humour en ces termes : « Nous sommes des spectateurs joyeux. Tôt ou tard, ils finiront par se manger entre eux ». C’est arrivé. Fini pour Mathurin Nago, l’époque du béni oui-oui, de la soumission et des missions commandées. Tout laisse croire que l’homme est déterminé à dire sa réelle perception de la gestion des affaires de l’Etat. Et il n’y va plus de main morte, à la grande satisfaction de l’opposition ainsi que des organisations de la société civile qui ne manquent plus la moindre occasion pour dénoncer certains actes que pose le régime Yayi.

Ils finissent tous par lâcher Yayi

Décidément, le chef de l’Etat, Boni Yayi peine à consolider ses gros liens politiques. Mathurin Nago, l’un de ses soutiens de taille des premières heures le lâche désormais, à la lecture de sa déclaration de Bopa. La perte est énorme pour un président dont les chantiers de lois ouverts sont encore loin de se réaliser. Son ex tout puissant ministre de l’Enseignement supérieur qu’il a réussi à faire hisser, par la suite, à la tête du parlement pour un premier et un deuxième mandat en cours, ne devrait jamais se retourner contre lui, jusqu’à la fin de son second quinquennat. Mais il vient de le faire sans craindre, apparemment les représailles politiques de son acte. Comme Mathurin Nago, l’ex ami fidèle, combien précieux, de Boni Yayi, Patrice Talon, le regarde désormais comme un «ennemi juré ». Et ceci, depuis l’éclatement des affaires dites de « tentative d’empoisonnement » et de « coup d’Etat » qui ont fini par être classées par la justice béninoise pour défaut de preuves. Des affaires dans lesquelles, Patrice Talon et consorts sont accusés d’en être des instigateurs. Même si, entre temps, Boni Yayi, lui-même a fini par ramasser ses vomissures en accordant un « pardon » à polémique à Patrice Talon, et autres, le richissime homme d’affaires béninois garde toujours la dent dure contre lui, regrettant, dit-on, d’avoir injecté de grosses sommes d’argent pour son avènement au pouvoir en 2006 et sa réélection en 2011.

Mais, il n’y a pas que Patrice Talon et Mathurin Nago, à citer désormais comme les gros pions qui ont lâché Boni Yayi. Il y a eu plusieurs anciens ministres qui ne le portent plus vraisemblablement dans leur cœur aujourd’hui, pour avoir subi tel ou tel préjudice lié à leur collaboration avec lui. Si certains préfèrent ne rien dire jusque-là, d’autres n’ont pas hésité à faire publier, entre temps des mémorandums dans la presse pour dire leurs parts de vérités et dénoncer vertement les « machinations et manœuvres » dont ils auraient été victimes auprès du chef de l’Etat. Soulé Mama Lawani, Armand Zinzindohoué, Candide Azannai et autres sont des cas qu’on ne présente plus dans les cassures observées autour de l’entourage de Boni Yayi depuis qu’il est au pouvoir.

Christian TCHANOU

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