La nouvelle politique de Mathurin Coffi Nago à l’égard du chef de l’Etat, suscite de l’espoir au Bénin. De plus en plus, beaucoup l’approuvent.
Le week-end écoulé à Bopa, le Président Mathurin Koffi Nago a une fois encore saisi l’opportunité de s’afficher et d’émettre des opinions courageuses. Jugé, il y a peu de temps trop aux ordres du chef de l’Etat, il pose depuis quelques temps des actes qui poussent l’opinion à revoir son jugement.
Il s’est illustré dans une série de dénonciations qui renforcent des soupçons de privation de libertés démocratiques et de mise en berne de l’Etat de droit qui pèsent sur le Pouvoir en place. Mathurin Nago a difficilement contenu son émotion en déclarant en des termes clairs que si le peuple béninois ne se montre pas vigilant, il sera victime d’un complot en préparation contre sa démocratie, chèrement acquise. De même, en indiquant que par des manœuvres sordides des hommes au Pouvoir entendaient domestiquer le Pouvoir judiciaire et faire sombrer les acquis de la Conférence nationale de février 1990, il a réagi pour alerter l’opinion et tenter de dissuader ceux qui sont possédés par ces intentions. Il a répondu à ses amis de la famille présidentielle et se pose en chantre de la démocratie, de l’unité nationale et de la paix sociale. Pour avoir été déçu sur plusieurs plans, il ne veut plus se faire complice de ce régime dont l’une des obsessions est d’assassiner l’Etat de droit. Mathurin Nago, osons le croire, n’a plus rien en commun avec ces artisans des dérives du régime, et dont on a pendant longtemps redouté de la détermination au Perchoir à tout donner au chef de l’Etat. Rares sont ceux qui le reconnaitront dans sa nouvelle posture. Et pourtant, c’est Mathurin Nago.
Nago bien inspiré
Après plus de sept ans au contrôle de l’Assemblée nationale, il vient donner un nouveau souffle aux aspirations du peuple. Il préfère lui clamer son amour et sa reconnaissance. En effet, le président de l’Assemblée nationale se reconnaît de moins en moins dans une gouvernance aveugle et mal inspirée du chef de l’Etat. Il s’est démarqué de sa famille politique livrée aux chaos et querelles intestines. Alors que les caciques du régime multiplient des stratégies pour maintenir Yayi Boni au pouvoir, Mathurin Nago tire la sonnette d’alarme, avertit et prévient les Béninois à ne pas dormir sur leurs lauriers. Il invite à la veille permanente afin de préserver les acquis démocratiques. Ces appels consistent à prévenir le peuple d’un danger qui le guette et dont on rendra complice voire accusera le président de l’Assemblée nationale de copinage avec Yayi Boni. Mathurin Nago a choisi ainsi de rompre avec les habitudes de ce régime qui, va de provocation en provocation en ignorant superbement qu’il ne doit pas s’attaquer aux fondamentaux de la démocratie béninoise. Un vrai camouflet pour le Pouvoir. L’appel à la vigilance associé à une dénonciation comme les assauts contre la démocratie, n’est pas fréquent quand on est encore dans le sillage d’un régime. Cette nouvelle stratégie est à l’image de Mathurin Nago ; ce qui permet au peuple de s’identifier à travers ses actions. Résultat, il gagne en notoriété. Une partie de l’opinion et de l’élite n’hésite plus à lui avouer sa sympathie. S’il continue à faire campagne contre les politiques et les choix du gouvernement, il tirera grande partie de son courage et de ses prises de position. Le président de l’Assemblée nationale mérite en tout cas d’être écouté depuis qu’il a compris que plus rien ne marche dans le bon sens au sommet de l’Etat.
Une stratégie risquée
Si tout cela se fait en prévision à la campagne présidentielle de 2016, on se demande si sa stratégie va se révéler efficace et productive. Pour quelqu’un qui accule un Pouvoir dont il est issu, sa marge de manœuvre ne peut s’accroître qu’à condition que le combat qu’il mène serve à faire changer les opinions. Surtout, si ses actes rencontrent du soutien au sein de la population. Pour autant, est-ce qu’il faut déjà se fonder sur ses rapports tendus avec le président de la République et ses dénonciations pour annoncer la fin de leur complicité et copinage au sommet de l’Etat ? Et si les volte-face de Mathurin Nago ne s’inscrivent pas dans un jeu organisé par eux-mêmes pour endormir le peuple, comme on le sent chez Théodore Holo à la tête de la Cour constitutionnelle, elles conduiront Yayi Boni à élaborer de nouvelles stratégies pour y faire face. Il n’est donc pas exclu que la majorité à l’Assemblée nationale acquise à la cause du chef de l’Etat retire son soutien au président de l’Institution parlementaire et que cela débouche sur son départ prématuré du Perchoir. En 2008, c’était l’opposition qui exigeait ce départ en réponse aux agissements de Mathurin Nago tendant à asservir les intérêts du pouvoir législatif et du peuple à ceux de l’Exécutif. Autrement dit, que le président du Parlement n’était qu’une marionnette de Yayi Boni. Le « G13 » qui faisait partie de cette opposition a été conduit au Palais de la Marina par l’ex-président de la République Mathieu Kérékou pour aller signifier cette exigence à Yayi Boni. Il lui avait précisé que c’était une condition non négociable à la réconciliation avec son Pouvoir. Mais la destitution programmée n’a pas été concrétisée. Le destin de Nago ne l’a pas voulu sans doute. La question agite de nouveau certains esprits. Si elle revient à l’ordre du jour, Mathurin Nago ne pourra pas compter sur les Fcbe et leurs alliés, aujourd’hui majoritaires. Qu’en sera-t-il alors de son sort ? Il faut rappeler à notre mémoire que même avec la majorité retrouvée en 2008, l’opposition n’avait pas réussi son coup. On peut se rassurer pour cet homme qui mérite d’être soutenu.