Avec les conditions posées par la Cour d’appel de Paris dans l’affaire supposée tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat, la partie plaignante qu’est le pouvoir a-t-elle des chances réelles d’obtenir l’extradition de l’homme d’affaires Patrice Talon ? Au micro de Vigile Ahouanssè, l’ancien bâtonnier Jacques Migan pense que les chances de la partie béninoise sont très minces.
Le gouvernement obtiendra t-il l’extradition ou sortira t-il par la petite porte ? L’analyse du praticien du droit Jacques Migan penche pour la seconde option. Pour cet Avocat, la partie plaignante aura du mal à satisfaire en même temps et au même moment aux conditions posées par la Cour d’appel de Paris. Selon Jacques Migan, la question d’extradition est une question éminemment politique qui implique non seulement le strict respect des principes juridiques mais aussi et surtout la pleine implication du politique en l’espèce, l’exécutif français. A l’appui de son argumentaire, il a affirmé que la première garantie que requiert un Etat pour prononcer l’extradition, c’est le respect par l’Etat demandeur des principes élémentaires de protection de droits humains. En l’espèce, renchérit-il, le Bénin aura fort à prouver qu’il est garant des libertés individuelles. Au-delà de ce principe général, Jacques Migan a déclaré que l’autre condition essentielle posée par la Cour d’appel de Paris est la satisfaction aux dispositions régissant l’abolition de la peine de mort. Par rapport à ceci, il a affirmé que le Bénin a ratifié la Convention de l’Onu sur la peine de mort mais tarde toujours à enlever les références relatives à la peine de mort dans le Code de procédure pénal. Il trouve qu’en deux mois, l’exercice sera un peu difficile. « Nous avons encore dans nos Codes, des références à la peine de mort. Ceci veut dire que la peine de mort est bel et bien applicable en République du Bénin à la date d’aujourd’hui. Il faudra donc pour satisfaire à cette condition posée par la Cour d’appel de Paris que le Bénin vote une loi pour enlever les anciennes références qui prévoient la peine. Je doute fort que cela puisse se faire en deux mois », a-t-il fait savoir. L’autre difficulté majeure à l’application de la décision d’extradition est selon Me Migan, la preuve à apporter par la partie plaignante qu’elle a ou non l’intention de réviser l’article 42 de la Constitution. « Qu’il vous souvienne que Patrice Talon avait dit que la cause de son malheur est de n’avoir pas cautionné la révision de la Constitution. Toujours pour être sûr de l’intention de la partie demanderesse, La Cour d’appel de Paris a demandé qu’elle apporte les preuves qu’elle n’a pas eu à un moment donné l’intention de réviser la Constitution », a-t-il fait savoir. Pour l’ancien bâtonnier, chacune des conditions prévues par la Cour de Paris constitue en elle-même une énigme insurmontable pour la partie plaignante. « Je trouve qu’on demande des choses insurmontables pour ceux qui demandent l’extradition. J’espère qu’ils s’en sortiront. Mais si jamais, il arrivait que la Cour de Paris rejette la demande d’extradition, ce sera une honte nationale. L’image du Bénin en prendra un sérieux coup », a-t-il déclaré.
« Il faut que le juge porte plainte »
Pour Jacques Migan, le Juge Angelo Houssou qui a prononcé un non-lieu dans cette même affaire au Bénin se trouve dans son droit de déposer une plainte pour violation de l’article 4 de la loi 2001-35 du 21 février 2003. Cet article prône l’indépendance des magistrats du siège et prévoit qu’ils ne doivent être l’objet d’aucune influence, incitation, pression, menace ou intervention directe ou indirecte de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit. Au regard des agissements postérieurs à la reddition de la décision du juge Houssou, l’invité trouve qu’il est en droit de saisir le juge pour violation de cette disposition. Me Jacques Migan pense également qu’il y a eu des violations très graves aux dispositions légales bien avant même la reddition de la décision par le juge Houssou. « Il y a eu trois niveaux de violation avant que le juge ne rende sa décision. Il y a eu d’abord le non respect de la présomption d’innocence. Vous avez suivi avec moi toutes les communications qui ont entouré le développement de l’affaire. Il y a eu le non respect du secret d’instruction. Les résultats des enquêtes étaient portés à l’attention du public. C’est une violation grave. Et enfin, il y a eu le non respect des scellés. On a présenté les produits du crime à la télévision alors même que ce sont des pièces à conviction », a-t-il déclaré. Il trouve que les juges de la Chambre d’accusation devraient même en son temps arrêter la procédure pour non respect du secret d’instruction. « Cela aurait épargné le juge Houssou de rendre sa décision », a-t-il renchéri.