Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Benin    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Économie
Article




  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles



Comment

Économie

Vers l’éviction du Groupe BOLLORE de l’espace UEMOA
Publié le mardi 9 septembre 2014   |  24 heures au Bénin




 Vos outils




La concession du deuxième terminal à conteneurs du port d’Abidjan, accordée en mars 2013 au groupe Bolloré, pourrait être remise en cause par le gendarme de la concurrence d’Afrique de l’Ouest.
Quand le président ivoirien Alassane Ouattara décide, juste après son arrivée au pouvoir en mai 2011, de lancer la compétition pour l’ouverture d’un deuxième terminal au port d’Abidjan, les candidats se pressent. Premier port d’Afrique de l’Ouest, il ouvre un accès à la mer à des pays enclavés comme le Burkina Faso ou le Mali.
C’est Bolloré qui règne sur cet empire depuis dix ans : le groupe français y exploite seul le premier terminal à conteneurs, de même que le chemin de fer qui permet de transporter les marchandises dans les environs. Un monopole obtenu sous le régime de Laurent Gbagbo en 2004.
En ouvrant le port à la concurrence, son successeur Alassane Ouattara espère relancer l’économie de son pays après des années de crise. L’appel d’offres est clair : « L’exploitation du terminal se fera dans un cadre concurrentiel, notamment avec le terminal à conteneurs actuellement exploité au port d’Abidjan. »


« ABUS DE POSITION DOMINANTE »


Pourtant, c’est encore le Français qui remporte le marché. Si le savoir-faire de l’homme d’affaires breton n’est plus à démontrer – sa filiale Bolloré Africa Logistics (BAL) opère dans de nombreux ports africains –, certains concurrents ne comprennent pas comment il a pu remporter un appel d’offres dont il était exclu d’office.
Le groupement arrivé troisième, mené par le philippin ICTSI, composé aussi du marseillais CMA-CGM, dénonce des irrégularités et se tourne vers l’autorité nationale de régulation des marchés publics dès mars 2013. Débouté deux mois plus tard, il s’en remet à la commission de la concurrence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). La communauté financière d’Afrique de l’Ouest jugera recevable sa plainte pour « violation des règles de concurrence en vigueur au sein de l’UEMOA ».
Si CMA-CGM se retire peu après, ses autres partenaires persistent. En juin, le comité consultatif de la concurrence présente son rapport préliminaire. Un document que Le Monde a pu se procurer et dont les conclusions sont sans appel : cette concentration est « assimilable à un abus de position dominante ». Et les experts de se demander si ce « comportement fautif de la part d’APM-T et de Bolloré Logistics Africa ne devrait pas, a posteriori, amener l’Etat de Côte d’Ivoire à remettre en cause l’attribution de la concession ». Avant de suggérer : « Outre des sanctions pécuniaires, imposer la cession d’une partie des parts (…) détenues par APM-T et Bolloré sur le capital de l’entreprise attributaire de la concession pour éviter le monopole de l’exploitation des deux terminaux. »


POUR BOLLORÉ, L’ENJEU EST CRUCIAL


Ce document n’est qu’un avis, l’enquête sur ce dossier est en cours et seule la commission de la concurrence peut décider de sanctions, comme demander l’annulation du contrat. Mais il vient appuyer ce que Jean-Louis Billon, le ministre ivoirien du commerce, dénonce sans relâche : « J’ai envoyé des courriers à mes collègues impliqués dans ce dossier pour les prévenir du risque d’abus de position dominante si ce terminal était attribué au même opérateur que le premier, ce qui est interdit. »
Accusé de défendre ses propres intérêts – son frère est à la tête de Movis, une société membre du consortium plaignant –, le ministre, qui s’était déjà élevé contre l’attribution du premier terminal de gré à gré en 2004, réplique : « J’ai été et je reste opposé à la constitution d’un monopole, sur le port comme ailleurs. Abidjan est plus cher de 40 % par rapport au port de Tema, au Ghana. Cette situation nous empêche d’être compétitifs. »
A Abidjan, on souligne l’excellent réseau du chef d’entreprise français. Lorsque l’appel d’offres est rendu public en juin 2012, Vincent Bolloré se précipite en Côte d’Ivoire. « On l’a vu débarquer huit jours après l’annonce de l’ouverture de la compétition, explique une source proche du gouvernement ivoirien. Officiellement, il était venu annoncer des investissements mais il en a surtout profité pour rencontrer des proches du président Ouattara. » Pour Bolloré, l’enjeu est crucial : « Si un autre opérateur avait remporté la compétition, ça aurait été à terme la mort du premier terminal », décrypte un spécialiste des ports africains.
Quelques semaines plus tard, BAL, qui compte 5 000 salariés en Côte d’Ivoire, est autorisé à déposer un dossier de candidature avec APM-Terminals, composante du géant danois Maersk spécialisée dans la manutention portuaire.


BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS PARTICIPE AUSSI À L’AVENTURE


Bouygues Travaux publics participe aussi à l’aventure, alors que l’Etat a confié les travaux de construction du deuxième terminal à une entreprise chinoise. Dans les milieux d’affaires français à Abidjan, on affirme que Martin Bouygues est un grand ami de M. Ouattara. Et que sa présence sert à amadouer un président ivoirien très méfiant à l’égard de M. Bolloré : son groupe avait conseillé le président-candidat Laurent Gbagbo lors de la campagne présidentielle en 2010 par l’intermédiaire d’Havas.
Non seulement le groupement dirigé par Bolloré est admis dans la course, mais il passe la première étape, malgré les réserves de la commission d’évaluation des offres techniques mandatée par le port. « La segmentation proposée (…) est en contradiction avec la promotion de la concurrence intra-portuaire », écrit-elle dans ses conclusions, que Le Monde a pu lire.
Les candidats peuvent passer aux offres financières : BAL et ses partenaires promettent 22 millions d’euros de redevance par an, quand les deux autres finalistes menés par Hanjin Shipping et ICTSI ne dépassent pas les 8 millions. Cette offre repose sur un engagement en termes de trafic de conteneurs. Là encore, le groupement annonce des chiffres près de deux fois supérieurs à ceux de ses concurrents, alors qu’il est le seul à ne pas compter d’armateur en son sein, pourtant un élément essentiel pour les autorités portuaires qui souhaitent un trafic garanti.
Bolloré argue qu’APM-T et le leader du transport maritime mondial, Maersk Line, font partie du même groupe. Pourtant, dans son rapport d’analyse des offres financières, le cabinet français Axelcium, mandaté par le port, souligne que plusieurs lettres fournies par Bolloré, dont celle de Maersk Line, ne sont pas recevables. Et juge que « la viabilité du plan d’entreprise paraît discutable. L’équilibre financier et la rentabilité du projet ne semblent pas réellement assurés et une renégociation en cours d’exécution paraît probable. Ces risques financiers pourraient avoir des conséquences dommageables sur la réalisation et/ou la pérennité du projet. »
Contacté par Le Monde, BAL n’a pas souhaité s’exprimer. Si Abidjan a pu ignorer les réserves émanant d’organismes privés, il sera plus difficile de ne pas prendre en compte les recommandations d’une instance supra-nationale comme l’UEMOA. Sur le port, les travaux du deuxième terminal n’ont pas encore commencé.

 Commentaires