Une chose est de décréter la gratuité de l’enseignement au Bénin, une autre chose est de l’assumer. Mais le moins qu’on puisse dire aujourd’hui est que depuis la mise en œuvre de cette décision, le gouvernement peine à y faire face. Le niveau des apprenants chute lamentablement. Une situation qui innocente les enseignants.
En voulant soulager les peines des parents d’élèves, le gouvernement, au contraire, fait souffrir ceux-ci. Un vrai paradoxe ! Pourtant, c’est la réalité. La gratuité de l’enseignement n’a rien changé pour les parents d’élèves, tout au moins dans leur grande majorité. Ils saignent financièrement depuis que cette décision est effective dans les écoles. Le but de la gratuité de l’école, faut-il le rappeler, est d’éviter aux parents de faire face aux dépenses inhérentes à l’inscription de leurs enfants, lesquels enfants devraient, en retour, être pris en compte par l’Etat par un enseignement de qualité. Cela nécessite un enseignant par classe et du matériel didactique au complet. Seulement, la qualité de cet enseignement est en souffrance. Il suffit d’écouter des directeurs et autres responsables d’écoles pour s’en rendre compte. Ils sont moralement à bout de souffle.
Ils en sont même malades. Le phénomène est presque général sur l’ensemble du territoire national. Mais nous en donnons deux exemples pour montrer la véracité et l’urgence du fait. Evidemment, nous protégeons ici les écoles que nous citons en exemple. L’une du septentrion dans la localité d’un célèbre député «boxeur» de la mouvance présidentielle. Au premier constat de la déchéance que vit cette école en question, on s’est demandé comment ce bouillant député de la majorité a pu laisser les enfants de sa localité souffrir ce martyr ! Lui qui est proche des décideurs ! Mais en réalité, que peut-il lui aussi ? Dans cette école, il n’y a que trois enseignants pour six classes. Cela a été ainsi toute l’année scolaire dernière. Alors, les trois enseignants, malgré leur bonne volonté, ne pouvant pas assurer les cours dans toutes les classes, ont été obligés de solliciter la participation des parents d’élèves. Pour les trois enseignants à recruter, les parents d’élèves devraient cotiser pour payer, à chacun, 30.000 FCFA par mois. 90.000 FCFA venait des maigres poches de ces parents à la fin de chaque mois. Le calcul est vite fait sur les neuf de l’année académique. C’est le prix à payer pour que les enfants aillent effectivement à l’école. Et tout ceci n’est pas inconnu du ministère de tutelle.
Le comble dans le Zou
Et dire que les classes de cette école sont construites en matériaux précaires. Dans tous les cas, les responsables de ladite école de la localité du bouillant député de la majorité craignent déjà que la même chose se reproduise pendant la prochaine année scolaire. Dans l’arrondissement de Mougnon dans le département du Zou, les responsables de notre deuxième école-type pourraient peut-être envier leurs collègues du nord dont nous avons fait cas. La même pénurie d’enseignant se pose avec acuité chez eux à Mougnon. Un directeur et un enseignant pour une école de six classes. En effectif, ils ne sont pas mieux lotis. Sauf qu’ils sont confrontés à une autre réalité qui fait tomber à la renverse. En effet, pour palier à ce manque d’enseignant, le directeur a souvent écrit au représentant du ministre de tutelle dans ce département. Mais le directeur demandeur, soucieux de l’avenir des écoliers, devra encore corrompre des responsables départementaux de l’enseignement. N’ayant pas les moyens de cette réalité, ce directeur d’école devra se pencher vers les parents. Les pauvres. Là aussi, les parents sont obligés de payer les enseignants de leurs enfants. Voilà l’enseignement qu’on donne au Bénin. Et quand on s’étonne des mauvais résultats des examens de fin d’année, on se demande qui ces gens veulent tromper !